Bangui (République centrafricaine ) – 24 nov. 2019 11:42
Au moins deux manifestants ont été tués et deux autres grièvement blessés samedi 23 novembre, dans la dispersion d’un rassemblement contre les massacres de civils à Beni dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), selon les chiffres du ministre des Droits humains. Quinze policiers ont également été blessés dont un est entre la vie et la mort après avoir été tabassé.
« Le docteur vient de nous annoncer que [le militant ndlr] Obadi est mort. On vient de l’emmener à la morgue », a déclaré un membre de la Lucha, le mouvement citoyen Lutte pour le changement, Ghislain Muhiwa Kasereka, dans la cour de l’hôpital de Béni. Le décès a été confirmé par le parquet de la justice militaire. Le procureur a également parlé d’un policier qui se trouve « dans un état critique aux urgences ». 15 policiers ont été blessés dont un grièvement indique une source officielle. Quatre personnes ont été interpellées.
Monusco visé par les manifestants
La tension était déjà vive dans la matinée à Beni où la population manifeste pour exprimer sa colère face au massacre d’une soixante de personnes en moins d’un mois par l’ADF (groupe armé des Forces démocratiques alliées). Ces manifestations ont lieu depuis jeudi et prennent de l’ampleur alors que la population de Butembo a décidé de rejoindre la ville de Beni.
Dès le matin, des habitants sont sortis dans les rues pour monter des barricades en signe de protestation contre la présence de la Mission des Nations Unies au Congo (Monusco). La population pointe également du doigt la Monusco qui ne serait pas à même de faire face. Kizito Bin Hangi, le président de la société civile à Beni, explique pourquoi la Monusco est visée : « La population est en train de manifester. Elle se demande comment les gens peuvent mourir aujourd’hui, demain, alors que la Monusco est là. Elle dit que la Monusco ne l’aide pas dans le cadre de leur protection, parce que c’est la population qui est en train de mourir. »
La police a bloqué plusieurs voies et usé de gaz lacrymogènes pour disperser le rassemblement. Certaines sources affirment avoir entendu des tirs dans le centre-ville. La situation s’est calmée dans l’après-midi. « Aujourd’hui samedi, ça ne va pas, et du coup les balles sont en train de crépiter. Nous craignons qu’il y ait des dégâts ou des morts suite à ces manifestations, surtout aujourd’hui, s’inquiétait Kizito Bin Hangi avant l’annonce de la mort d’un manifestant. Ça risque de déborder si vraiment ils ne prennent pas de disposition de tout côté, du côté de la Monusco et du côté des autorités, pour que ces manifestations ne puissent pas dégénérer et créer d’autres événements. »
Appel au calme des autorités
Dans le même temps, les autorités locales tentaient de dialoguer avec les habitants pour faire retomber la colère. Carly Nzanzu, le gouverneur de la province du Nord-Kivu, raconte le message qu’ils ont essayé de faire passer : « Nous avons eu à discuter avec plusieurs couches de la jeunesse, mais il faut aussi avouer qu’il y avait tellement de la colère, une colère comprise à cause de tous les événements de la région. Mais nous devons aussi savoir, ce que j’ai dit à la jeunesse, que la colère ne peut pas résoudre la question des ADF. La réunion d’aujourd’hui a aplani certaines inquiétudes de la population. »
D’après le gouverneur Nzanzu, des premières mesures devraient être prises après la réunion avec les groupes de jeune notamment dans la coopération entre les forces armées : « À l’issue de la réunion, nous avons décidé de consolider la coopération entre la Monusco et les FARDC [Forces armées de la République démocratique du Congo]. La Monusco a plus fait des engagements pour accompagner non seulement la police et l’armée dans les patrouilles autour de la ville de Béni, de Oicha, mais aussi être engagée, surtout la force spéciale d’intervention, à accompagner les FARDC. »
De son côté, la Monusco estime être le « bouc émissaire », alors que les FARDC ne l’ont pas sollicitée dans son opération lancée fin octobre contre les ADF. « Cette situation est liée à un manque de coordination avec les autorités locales », explique François Grignon, représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU pour les opérations et la protection. Cette agence onusienne réitère son soutien aux autorités locales pour les aider à lutter contre les groupes armés.
On a l’impression que la Monusco sert de bouc-émissaire sur une situation qui est en fait aussi le fruit d’un manque de coordination avec les autorités nationales.
La Monusco dénonce le manque de coordination avec les autorités
En tout cas face à l’instabilité qui dure, les activités liées à la riposte anti-Ebola ont été suspendu à Beni et à Butembo.
Avec RFI