Bangui, République centrafricaine, samedi, 10 juillet 2021 ( Corbeaunews – Centrafrique). « Depuis le débat de haut niveau de mars portant sur la lutte contre l’impunité, y compris dans le contexte des élections, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) à la tête de laquelle s’est porté l’ex-Président François Bozizé a poursuivi ses menaces et attaques contre les populations civiles », a déclaré à Genève, Yao Agbetse.
L’expert onusien pointe du doigt le recrutement des enfants dans les rangs de cette coalition, les violences sexuelles et les obstructions aux opérations humanitaires.
Les rebelles sont également accusés de commettre des incendies de véhicules de transport de marchandises, des meurtres, des privations arbitraires de liberté. Ils sont mis en cause pour des taxations illégales, des traitements cruels et inhumains et des atteintes à l’intégrité physique, des destructions et pillages de biens ainsi que des occupations d’écoles.
Au total, des éléments armés de la CPC ont été auteurs, de décembre 2020 au 30 juin 2021, d’au moins 370 violations des droits de l’homme affectant au moins 640 victimes. Il s’agit respectivement 62% du total des incidents et 59% du total des victimes sur la période mentionnée.
Or, « la plupart des leaders des membres de la CPC sont inscrits sur la liste de sanctions du Comité du Conseil de sécurité concernant la RCA ».
L’expert veut des clarifications sur les allégations d’abus des « instructeurs » russes
L’Expert indépendant onusien exhorte le Conseil de sécurité et la communauté internationale dans son ensemble à prendre les dispositions nécessaires afin que ces personnes, dont l’ancien Président Bozizé, puissent répondre des allégations de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui pèsent sur elles.
Du côté du pouvoir de Bangui, l’expert s’est inquiété « des multiples allégations de violations des droits de l’homme qui seraient perpétrées, y compris par les instructeurs russes » lors des opérations menées par les Forces armées centrafricaines (FACA) et leurs « alliés internationaux » pour « libérer les localités occupées ou tenues par les groupes armés ».
A ce sujet, il note que le 31 mars 2021, le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires a émis un communiqué faisant état d’exactions, d’attaques sur des populations civiles et de violations des droits de l’homme par les alliés russes. A la suite de ce rapport, l’Expert indépendant a, par lettre, demandé aux autorités centrafricaines de lui apporter des clarifications sur le contenu des allégations et s’est montré disposé à leur fournir l’assistance technique nécessaire.
Les FACA accusées de meurtres et menaces de mort
Par ailleurs, dans le cadre des opérations de libération des zones occupées par les groupes armés, la Division des droits de l’homme de la Mission de l’ONU en RCA (MINUSCA) a documenté « des violations des droits de l’homme commises par des éléments des FACA et les autres personnels de sécurité (force bilatérales russes) ». Ils sont accusés d’avoir commis au moins 207 abus des droits humains.
Il leur est notamment reproché d’avoir perpétré « des meurtres et exécutions extrajudiciaires, des menaces de mort, viols, tortures, les traitements cruels et inhumains ou des atteintes à l’intégrité physique ». Les FACA et les autres forces de sécurité sont également accusées d’occupations d’écoles, pillages et confiscation, d’arrestations et détentions arbitraires.
« Sur la période décembre 2020 au 30 juin 2021, il s’agit de 35% des incidents ayant affecté 391 victimes soit 36% sur la période mentionnée », a fait valoir l’Expert indépendant onusien.
Face à ces allégations, le Garde des sceaux de la RCA s’est inquiété du contenu d’un tel rapport sur les « violations commises par les forces armées centrafricaines (FACA) et leurs alliés russes » alors que « cette contre-offensive a été saluée et ovationnée par le peuple centrafricain dans toute sa diversité ».
Une Commission d’enquête mise en place par Bangui
« Face à ces présomptions de violations des droits humains par les FACA et les alliés bilatéraux, le gouvernement a mis en place le 4 mai 2021, une commission d’enquête spéciale aux fins de faire la lumière sur les faits allégués contre les forces armées et leurs alliés », a déclaré Arnaud Djoubaye Abazène, Ministre d’Etat chargé de la Justice, de la promotion des droits humains et de la bonne gouvernance.
Selon Bangui, cette commission d’enquête est à pied d’œuvre puisque les investigations sont clôturées dans la région de l’ouest. Elles se poursuivent dans la région du centre et du nord-est. « La commission dispose d’un délai de 3 mois pour rendre public son rapport qui établira les responsabilités en vue de la poursuite judiciaire », a fait remarquer le Ministre centrafricain de la justice.
Pour Bangui, sa présence à Genève a été aussi l’occasion pour « remercier la MINUSCA à travers les Nations Unies, les alliés russes, les Rwandais et tous les autres partenaires multilatéraux et bilatéraux pour leurs appuis multiformes ». Une façon d’inviter la communauté internationale à « transcender les considérations géostratégiques au profit de la population civile pour l’amélioration de leur condition de vie par l’accès aux services sociaux de base » en RCA.
NOTE :
Les rapporteurs spéciaux et experts indépendants font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des Procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.