1-La politique du ventre
La République centrafricaine dévastée depuis 1966 par les conflits militaro-politiques, les tentatives des coups d’État, l’instauration des régimes autoritaires et les mutineries qui justifient la problématique de la déficience constitutionnelle. L’échec du contrat social et le constat du chaos centrafricain décliné en diverses conséquences est une dualité de crise au niveau de la classe dirigeante. En effet, en raison des nombreux enjeux relatifs à ce pays en proie d’une instabilité permanente, l’exercice du pouvoir public en République centrafricaine suscite toutes sortes de convoitises et de manœuvres dilatoires provenant des acteurs politiques. De ce fait, il est donné de constater que le contrôle et la maîtrise du pouvoir politique est vue et vécue, d’une part par les acteurs politiques comme une « nécessité vitale qui se résume à la politique du ventre », et d’autre part, selon les groupes armés « le partage du pouvoir s’obtient au prix du sang ».
2- La doctrine des coups d’État et la démocratie controversée
La situation de crise endémique en R CA présente une grille de lecture très exceptionnelle en termes de la militarisation de sa vie politique et de l’inefficacité des principes démocratiques. En revanche, depuis son accession à l’indépendance, la trajectoire des acteurs politiques de tout bord provient du cautionnement des coups d’État et de rébellions conçus comme le stratagème d’alternance à la gestion du pouvoir politique et économique. En effet, après la mort accidentelle du premier président, Barthélemy Boganda, David Dacko, devenu président à l’indépendance, fut renversé le 1er janvier 1966 par Jean-Bedel Bokassa. Le 20 septembre 1979 le coup d’État de David Dacko opéré contre Jean-Bedel Bokassa lui a permis de prendre le pouvoir par la force. Le 1er septembre 1981 André Kolingba a également organisé un coup d’État et chasse par la suite David Dacko du pouvoir. Après cette période agitée, à la suite de l’élection du 22 août 1993, Ange-Félix Patassé prit pouvoir, l’enchaînement des coups d’État a donc connu une accalmie. Le scrutin l’ayant conduit à son élection fut jugé démocratique cependant, il n’a pas fallu bien longtemps pour que cette parenthèse démocratique soit refermée. Le 15 mars 2003 François Bozizé renverse Ange- Felix Patassé avec l’appui des pays voisins dont la majorité sont des mercenaires d’origine tchadienne. Dix années plus tard Michel Djotodjia le chasse également du pouvoir à la suite d’une offensive menée par la coalition Séléka soutenue par des mercenaires tchadiens et Soudanais. Au regard de ces massacres perpétrés par cette entité sur la population civile, Michel Djotodjia est contraint à la démission le 10 janvier 2014 par la Communauté internationale. Il en est suivi une période de transition assurée respectivement par Alexandre-Ferdinand Nguendet, puis de Catherine Samba-Panza qui a conduit à l’élection de Faustin Touadera en date du 14 février 2016. Aujourd’hui, on reproche à ce dernier le fléau de l’insécurité qui mine dans le pays, l’absence d’autorité de l’État et l’effectivité de la politique de rupture qu’il prônait. Depuis quelques temps, malgré la pandémie de COVID-19 qui cristallise le paysage de la politique internationale. Compte tenu de l’infaisabilité du chronogramme électoral pour des raisons sécuritaires, techniques et matérielles. L’hypothèse de la prorogation du mandat de l’actuel président qui arrive à son expiration enclenche le processus de « l’ingénierie du vieux démon de ceux qui refusaient hier de respecter l’Esprit de la lettre de la Constitution ». Nul ne pourra ignorer jusqu’à présent que les juges internationaux ou nationaux ne se sont pas encore mis en robe pour dire le droit. Fort de ce constat, il est temps que le détonateur de la conscience républicaine transcende sur la bataille egocentrique.
3- La manipulation opportuniste
La déconstruction du système politique centrafricain est caractérisée par l’instrumentalisation du corps social. Sans forcer le trait on se rend compte que l’appartenance ethnique, les différences religieuses et la manipulation opportuniste sont des facteurs qui mettent en déroute la paix et l’unité nationale. Si la République centrafricaine est confrontée aux multiples hostilités qui ébranlent l’existence de ses institutions, c’est parce que la culture de la violence prend une dimension croissante sur le pluralisme des idées. Raison pour quelle, les différents regains constitutionnels et la semence des coups d’État ont contribué à l’effondrement de la jeune démocratie centrafricaine. Il en résulte que le caractère illégitime de ces régimes démontre à quel point la démocratie fonctionne en contre sens, c’est pourquoi, la classe politique centrafricaine continue de pérenniser « la théorie du complot ». En règle générale, la démocratie s’exerce par le génie du choix de ses dirigeants. Or, force est de constater que l’essence des alliances contre nature se transforme en règle du jeu. Si la République centrafricaine a connu depuis 1958 près de 20 de coups d’État ou tentatives de coups d’État cela explique rationnellement que les fantassins du machiavélisme sont prometteurs d’une stratégie à géométrie variable. Dès lors, il est évident que l’Esprit de la lettre de la Constitution centrafricaine reste toujours galvaudé.
Godfroy- Luther GONDJE- DJANAYANG
Expert et Consultant international en gestion des crises politico-militaires
Doctorant-Chercheur en Droit et Sciences politiques à l’Université Toulouse 1 Capitole