Bangui, République centrafricaine, mercredi, 9 juin 2021 ( Corbeaunews – Centrafrique). L’Etat centrafricain et l’entreprise minière canadienne Axmin, dirigée par la femme d’affaires chinoise Lucy Yan, ont entamé de discrètes négociations en vue de clore le contentieux autour de la mine d’or de Ndassima et d’éviter une coûteuse procédure arbitrale. Un épineux dossier derrière lequel plane l’ombre de Moscou.
L’Etat centrafricain doit tout prochainement rentrer en discussions avec la junior canadienne Axmin et sa filiale à Bangui Aurafrique dans le dossier Ndassima, en référence à la zone riche en or éponyme dans le centre du pays. Le gisement est un des plus importants filons d’or de Centrafrique et le seul à jouir d’un potentiel “industriel” connu. La junior canadienne proteste contre l’annulation, en juillet 2019, de ses deux permis de recherche et de sa licence d’exploitation pour l’or de Passendro, Bambari I et Bambari II, dans la zone de Ndassima, acquis au début des années 2000. L’Etat centrafricain met en avant l’absence d’exploitation, quand Axmin invoque de son côté un “cas de force majeure”, le territoire étant occupé par des groupes armés depuis 2012.
Les deux parties finalisent actuellement l’organisation d’une médiation auprès de la Chambre arbitrale internationale de Paris (CCI), qui devrait avoir lieu dans les semaines à venir. Le but est d’éviter le stade de l’arbitrage, un processus long et coûteux.
La médiation sera menée par le juriste et administrateur de biens Laï Kamara. Axmin, dirigé par la femme d’affaires chinoise Lucy Yan, est quant à lui défendu par Crépin Mboli-Goumba, avocat et candidat malheureux à la présidentielle de 2020 (3,16 % des voix, AI du 18/05/20). Côté centrafricain, ce ne sont pas moins de trois avocats qui assisteront le ministre des mines Léopold Mboli Fatran et le garde des Sceaux Flavien Mbata (ou leurs éventuels représentants) : le bâtonnier Emile Bizon, Jean-Paul Veketo et Constant Gouyomgbia Kongba-Zeze. L’installation de la médiation avait pris du retard, ces trois derniers n’ayant pas été payés depuis le traitement de l’affaire par le Conseil d’Etat centrafricain en avril 2020. La haute juridiction s’était alors déclarée incompétente à juger le dossier, poussant Axmin à se tourner vers la chambre d’arbitrage de Paris, comme le prévoit la convention.
“Abus de pouvoir” et “règlement à l’amiable”
L’annulation du contrat en juillet 2019 avait été pilotée directement par le cabinet du ministre Mboli Fatran, en étroite collaboration avec le palais présidentiel. Mais elle avait suscité de nombreuses désapprobations au plus haut de l’administration centrafricaine, suscitant l’inquiétude quant aux conséquences d’une procédure judiciaire.
Ainsi, un rapport écrit en 2020 par Rufin Benam Beltoungou, le conseiller en ressources naturelles du président Faustin-Archange Touadéra, conseillait de “privilégier le règlement à l’amiable” et même de “revenir purement et simplement sur cette décision de retrait”. Un autre rapport, cette fois de la Haute autorité à la bonne gouvernance daté du 24 avril 2020, avait conclu à un “abus de pouvoir du ministère des mines”, une “interprétation erronée” de la loi et préconisait un “règlement à l’amiable” du contentieux. C’est donc cette dernière piste qui est aujourd’hui privilégiée par les parties.
Laï Kamara décoré par la Russie en 2013
L’Etat centrafricain avait procédé à un nouvel appel d’offres, remporté en février 2020 par Midas Ressources, une entreprise malgache représentée par Final Leandric Rabenatoandro et régulièrement présentée comme proche des intérêts russes dans le pays. Depuis son arrivée en 2018, le groupe paramilitaire russe Wagner très implanté en Centrafrique s’intéresse de près au secteur minier. Deux sociétés minières russes actives dans le pays, Lobaye Invest et M-Finans, ont été sanctionnées par le Trésor américain en septembre 2020 pour leurs liens avec Evgueni Prigozhin, oligarque russe proche de Vladimir Poutine et de Wagner.
Le futur médiateur, Laï Kamara, a quant à lui reçu en 2013 l’Ordre de l’amitié des mains de Vladimir Kozhin, ex-KGB, proche collaborateur de Vladimir Poutine au Kremlin et sous sanctions du Trésor américain depuis 2014. Le juriste français avait, en 2013, emporté une longue bataille judiciaire au profit de l’Etat russe au sujet de la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas de Nice, qui l’opposait à une association locale.