Les Sud-Africains ont commencé mercredi à voter pour des élections législatives et régionales promises au Congrès national africain (ANC) au pouvoir depuis 1994, malgré le chômage, la corruption et la pauvreté qui gangrènent le pays.
Les enquêtes d’opinion promettent au parti de Nelson Mandela de conserver une majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, synonyme de nouveau mandat à la présidence pour son chef Cyril Ramaphosa.
Les premiers des 27 millions d’électeurs se sont pressés très tôt dans les bureaux de vote du pays.
“J’attendais ça depuis longtemps. C’est la première fois que je vote, je suis très heureuse”, a confié à l’AFP Lala Rosetta Ramaoka, 21 ans, venue déposer son bulletin dans l’urne dans une école primaire à Seshego (nord-est).
Le principal enjeu du scrutin réside dans l’ampleur du recul annoncé de l’ANC, dont la popularité a plongé sous le règne rythmé de scandales de Jacob Zuma (2009-2018).
Aux élections locales de 2016, le parti aux couleurs vert, jaune et or a réalisé son plus mauvais score national en recueillant 54% des voix, cédant en outre le contrôle de villes emblématiques comme Johannesburg et Pretoria.
Les sondages le créditent mercredi de 51 à 60% des intentions de vote, moins que les 62,5% recueillis aux législatives de 2014.
Depuis qu’il a pris la tête du parti et du pays il y a un peu plus d’un an, Cyril Ramaphosa, 66 ans, promet d’éradiquer la corruption et de relancer l’économie, qui souffre d’une croissance atone depuis la crise financière de 2008.
– Déclin –
Jugé “propre”, pragmatique et compétent, l’ancien syndicaliste devenu millionnaire, un temps considéré comme le dauphin désigné de Nelson Mandela, a semble-t-il réussi à limiter la chute de popularité de l’ANC.
“Il est de loin le candidat le plus populaire”, estime l’analyste Collette Schulz-Herzenberg, de l’université de Stellenbosch.
Mais, tout au long de sa campagne, il a été confronté à la déception, voire à la colère d’un pays désenchanté un quart de siècle après la chute du régime de l’apartheid et la promesse démocratique d’une nation “arc-en-ciel”.
Le chômage y a atteint des proportions endémiques (27%), la corruption gagné le plus haut sommet de l’Etat et les inégalités sociales et la pauvreté s’y creusent. L’an dernier, un rapport retentissant de la Banque mondiale a même fait de l’Afrique du Sud “un des pays les plus inégalitaires” de la planète.
L’opposition n’a pas manqué de surligner ces échecs.
“J’appelle le peuple de ce pays à voter en masse aujourd’hui. Changeons les choses”, a lancé le chef de file de l’Alliance démocratique (DA) Mmusi Maimane, 38 ans, en votant tôt à Dobsonville, dans la banlieue de Johannesburg.
“Je vais voter pour Mmusi”, a confié dans le même bureau de vote Moxolo Gqetywa, une chômeuse de 48 ans. “Il nous a promis du travail, on veut se libérer de cette pauvreté”.
A gauche, l’agitateur Julius Malema, 38 ans, a prôné une “révolution”, notamment par l’expropriation sans indemnisation des terres encore détenues par la minorité blanche. “Nous sommes l’avenir de l’Afrique du Sud”, a clamé le “commandant en chef” des Combattants pour la liberté économique (EFF).
– ‘Pas contents de l’ANC’ –
Malgré ce terrain favorable, les deux partis ne semblent toutefois pas encore en mesure de faire tomber l’ANC.
“Les gens ne sont pas contents de l’ANC mais ils continuent à voter pour eux”, a regretté auprès de l’AFP une enseignante à la retraite blanche, Lockie Mans, 65 ans, qui a voté dans la petite ville rurale de Coligny (nord-ouest).
Handicapé par son image de “parti de Blancs”, la DA peut espérer, selon les enquêtes d’opinion les plus favorables, au mieux 24 à 25% des suffrages (contre 22% en 2014).
Quant aux EFF, ils ont le vent en poupe chez les jeunes et les plus démunis et pourraient doubler leur score d’il y a cinq ans. Mais leur discours radical ne devrait pas leur permettre de dépasser la barre des 15%.
La seule surprise du scrutin pourrait venir mercredi des élections régionales. L’ANC est ainsi menacé dans la province la plus riche du pays, le Gauteng, celle de Johannesburg.
Quel que soit le score réalisé par l’ANC, la tâche qui s’offre à Cyril Ramaphosa s’annonce délicate. Les analystes lui prédisent les pires difficultés pour réaliser les réformes qu’il a promises pour relancer l’économie et nettoyer l’Etat de la corruption.
La faute au clan Zuma, anticipent-ils, toujours puissant au sein du parti. “L’ANC que nous présumons victorieux ne relèvera pas ces défis à cause de ses divisions internes”, résume Lumkile Mondi, de l’université du Witwatersrand à Johannesburg.
Les premières tendances fiables du scrutin devraient être publiées par la Commission électorale (IEC) dès jeudi.
Le futur président, élu par les 400 députés, sera investi le 25 mai.
Avec