Le franc CFA souffle ses 74 bougies en mode Eco
Bangui (République centrafricaine) – Il y a 74 ans, jour pour jour, naissait un 26 décembre, le franc CFA, officiellement franc de la Communauté financière africaine. Suite à un accord signé entre la France et ses colonies africaines, la monnaie sera utilisée par 14 pays dont 8 en Afrique de l’Ouest et 6 en Afrique Centrale.
La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est chargée de battre sa monnaie au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) , composée du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo.
Pour la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), l’institution va mettre en circulation cette monnaie dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et Tchad).
Depuis sa naissance, le 26 décembre 1945, coïncidant avec le jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods et procède à sa première déclaration de parité au Fonds monétaire internationale (FMI), la «monnaie coloniale» fait l’objet de vives critiques.
Si d’aucuns sont préoccupés par les questions de souverainetés monétaires, d’autres par contre croient fermement que cette monnaie ne joue pas son véritable rôle dans le processus de développement de ses pays.
À Abidjan, samedi 21 décembre, fait marquant pour l’avenir du FCFA en Afrique de l’ouest
Les présidents français et ivoirien, respectivement, Emanuel Macron et Alassane Ouattara, ont annoncé conjointement la fin prochaine du franc CFA qui sera remplacé par l’éco. Le cordon ombilical vient d’être officiellement coupé avec la métropole avec des mesures phares. Parmi ces réformes, on peut citer la suppression du compte d’opération à la Banque de France, les représentants français ne vont plus siéger au sein des instances de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Une décision qui a défrayé la chronique dans les pays membres en passant par les grandes capitales de Bamako, Ouagadougou à Lomé. L’avènement de l’ECO occupe une place centrale dans les discussions entre profanes et spécialistes. La mort du Franc CFA est dans toutes les lèvres. Si certains activistes proclament la victoire avec une nouvelle souveraineté monétaire, d’autres observateurs plus avertis émettent encore des réserves.
De l’avis de certains économistes, l’avènement de l’ECO ne va pas changer grand-chose sur les économies tant que des réformes profondes ne seront pas faites sur le système monétaire. Pour le professeur Moustapha Kassé, la zone UEMO doit opérer à 3 changements majeurs à savoir résoudre le problème de l’inter parité des différentes monnaies, des réserves et de la gouvernance unifiée.
Les avantages du FCFA
Si certains économistes critiques radicalement le Franc CFA, d’autres par conte vont dans le sens contraire. C’est le cas de l’économiste sénégalais Ahmadou Aly Mbaye, soutenant que le FCFA est une bonne monnaie. Elle garantit essentiellement une maîtrise de l’inflation, une stabilité monétaire et une lutte contre le déficit budgétaire. Le professeur de l’université de Prince Town des Etats unis, avait mentionné qu’aucune raison scientifique ne milite pour l’abandon du F CFA.
Les économies de l’UEMOA, insiste-t-il ne sont pas sous financées. Le taux de financement des économies hors zone FCFA n’est pas meilleur que celui de la zone FCFA. Se basant sur les statistiques de 2015, l’ancien doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG), a indiqué que le taux de financement des pays UEMOA a été meilleur que ceux des autres pays de l’Afrique, ayant leur propre monnaie.
En guise d’exemple, le chercheur a révélé que le Sénégal et le Togo, ont atteint respectivement sur la même période des taux de 38%, 42% alors que pour le Ghana, n’a enregistré que 35 %. Concernant les taux d’intérêts, ils sont quasiment les mêmes sur la zone FCFA et hors zone FCFA, a mentionné l’universitaire. D’autres observateurs mentionnent que l’arrimage ne constitue pas un véritable problème car près d’une cinquantaine de monnaie dans le monde sont arrimés soit avec l’euro où le dollar.
Les inconvénients du FCFA
Bon nombres d’économistes théorisent que le FCFA freine le développement de ces pays membres. Pour le professeur en économie, Maissa Babou, la politique monétaire du FCFA telle qu’elle est menée dans la zone UEMOA, empêche de libérer le véritable potentiel financier.
Le coût du crédit (manque de financement des banques), peste-t-il est tellement élevé que les agents économiques n’empruntent pas de l’argent. Ce qui naturellement contribue à freiner le développement des pays membres de la zone . Tous les économistes restent convaincus que la monnaie reflète l’économie d’un pays. Maintenant reste à savoir, est-ce que nos économies sont suffisamment outillées pour prétendre à une monnaie forte ?
Quelques dates historiques du FCFA
26 décembre 1945 : Création du FCFA 1 FCFA = 1,70 FF
17 octobre 1948 : Dévaluation du franc Français (FF) 1 FCFA = 2,00 FF
1er janvier 1960 : Instauration du nouveau Franc Français 1 FCFA = 0,02 FF
12 janvier 1994 : Dévaluation du FCFA 1 FCFA = 0,01 FF
1er janvier 1999 : Arrimage du FCFA à l’euro 655,957 FCFA = 1 euro
2 août 1993 : suspension par la BCEAO du rachat des billets de son émission exportés hors du territoire des pays africains membres de la Zone franc
17 septembre 1993 : entrée en vigueur de la décision des Autorités de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) de suspendre le rachat des billets de leur émission exportés en Zone UMOA
20 décembre 1993 : suspension par la BCEAO du rachat des billets de son émission détenus en Zone UMAC.
Ibrahima Junior Dia
Economiste de formation, passionné des questions de développement, suit l’actualité financière africaine au jour le jour. Milite pour une Afrique nouvelle sans frontières et sans préjugés. A lu Marx, Adam Smith et Cheikh Anta Diop et aime échanger sur ces sujets.
Avec Financial Afrik