Bangui (République centrafricaine) – CNC – Si l’EUTM est connue pour son organisation qui repose sur les trois piliers, stratégique, éducation, et formation opérationnelle au profit des Forces armées centrafricaines (FACA), en vue de la restauration progressive de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire centrafricain, elle l’est sans doute moins par la présence, non moins importante, d’une cellule interopérabilité au profit des forces de sécurité intérieures (FSI).
L’identification du besoin d’une interface entre le Ministère de la Défense et le Ministère de l’intérieur centrafricain a amené en effet la capacité de planification et de conduite militaire européenne (MPCC) à décider, en décembre 2018, de la création d’une cellule d’interopérabilité au sein du pilier Strategic A
Composée de sept officiers, et actuellement commandée par le Colonel Paulo SOARES de la Guarda
Nacional Republicana portugaise, cette cellule est chargée d’assurer un certain nombre de missions :
La première est de soutenir la mise en œuvre de la loi de programmation des forces de sécurité intérieure (LPFSI). Ce soutien concerne notamment les plans stratégiques dans les domaines juridiques et de la sécurité, y compris les organisations du ministère. Il permet de fournir des conseils sur la gestion budgétaire et financière au niveau des ministères et des directions de la gendarmerie et de la police. Cette LPFSI est aujourd’hui en attente d’approbation au niveau de l’Assemblée nationale.
A côté de ce soutien, la cellule interopérabilité aide la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN) et la Direction Générale de la Police Civile (DGPC) à réformer l’organisation et les structures d’emploi, y compris la politique en matière d’éducation et de formation. L’objectif final étant le déploiement à terme des FSI sur l’ensemble du territoire national, les gendarmes de la cellule ont réalisé un état des lieux pour identifier les manques. La cellule interopérabilité au sein du pilier stratégique joue tout son rôle car le déploiement des FSI a tout intérêt à se faire en cohérence avec le déploiement des FACA. Cela implique aussi un échange d’informations et de points de vue entre les deux ministères. Les gendarmes de l’EUTM amènent les responsables de la gendarmerie et de la police centrafricaine à réfléchir sur toutes les options possibles et à planifier ensemble en cohérence avec la planification des FACA. Cette planification des FSI n’est pas aussi simple que l’on pourrait le penser. Elle doit en effet prendre en compte la réalité du terrain et la prise en compte de questions importantes. Par exemple : l’infrastructure d’accueil des FSI existe-t-elle à l’endroit où l’on souhaiterait les implanter ? Dans la négative, faut-il alors prévoir sa construction ou procéder à des aménagements sur celle existante ?
La cellule interopérabilité doit aussi aider à développer les capacités de commandement et de contrôle pour appuyer les structures de la Direction Générale des Opérations (DGO), du Centre d’Information et de Coordination (CIC) et les services centraux d’inspection (Droits de l’homme et Droit Internationale Humanitaire) et aussi développer des programmes de formation et de formations de formateurs pour les Ecoles de gendarmerie et de police.
Les gendarmes conseillent bien sûr les deux directeurs généraux mais aussi les directeurs des écoles et des directeurs des études de chacune des écoles. Bien que la mission de police des Nations Unies (UNPOL) soit déjà en charge de certains aspects importants comme le recrutement, la formation de base, les directeurs ont sollicité la cellule interopérabilité pour les guider et les aider à mieux se structurer. Des documents essentiels à la construction de bases solides n’existent pas et il faut les créer, notamment par exemple les décrets ou les plans concernant la formation spécialisée et les déroulements de carrière.
La coordination avec les partenaires internationaux est aussi une autre mission dévolue aux gendarmes de la cellule interopérabilité. Les gendarmes se coordonnent tout d’abord et de manière hebdomadaire avec l’UNPOL/MINUSCA et avec la délégation de l’Union européenne, principale donateur au profit du Ministère de l’intérieur et des FSI dont le budget accordé au Ministère de l’intérieur en 2019 est de 9 milliards de francs CFA. La cellule interopérabilité apporte son conseil sur l’identification des besoins réels et la manière de les budgétiser. A côté de l’Union européenne, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est aussi un autre important donateur au profit des FSI. Les gendarmes ont aussi l’habitude de se coordonner avec l’ambassade des États- Unis et l’ambassade de France. Ils essaient aussi d’intégrer d’autres nations présentes en Centrafrique comme la Chine et la Russie. Pour le colonel SOARES c’est très important « pour savoir ce qu’ils sont en mesure de faire car ils sont aussi des donateurs importants et pour obtenir une vraie complémentarité avec eux. » Cette coordination semble porter ses fruits et éviter les doublons sur certains projets d’équipements ou de matériels. Selon le colonel SOARES : « Savoir que les Etats-Unis ont financé l’acquisition d’uniformes et des véhicules dans certaines régions du pays permet aux autres acteurs internationaux de faire effort ailleurs. Le PNUD et la MINUSCA ne vont donc pas financer la même chose et peuvent se concentrer sur l’infrastructure pour des unités de police et de gendarmerie ».
L’équipe de la cellule interopérabilité de l’EUTM, animée par le souci premier de partager l’information en toute transparence a ainsi su gagner la confiance de ses partenaires. A la demande du Ministre de l’intérieur, elle est à l’origine de la création d’un tableau de bord qui permet d’avoir une vue d’ensemble. Ce tableau met en évidence, même si elle reste à être approuvée, d’un côté la loi de Programmation des Forces de Sécurité Intérieures (LPFSI), en termes de besoins, et de l’autre les différents contributeurs (USA, Russie, Chine, France, EUDEL, PNUD, MINUSCA) sans oublier le budget de l’état prévu pour les FSI mais dont la majeure partie est prévue pour les salaires. Ce tableau de bord qui permet donc de savoir ce qui est pris en charge par les contributeurs et par le ministère et ce qui reste à couvrir a déjà été présenté à La Primature en présence de la communauté internationale. Sur le plan budgétaire, certaines familles de besoins sont excédentaires alors que d’autres sont déficitaires. L’infrastructure, par exemple, est un domaine déficitaire. Ce tableau de bord est un très bon instrument car il permet rapidement de savoir où il faut faire un effort et mieux coordonner les actions des contributeurs dans le but d’une meilleure cohérence.
Enfin, la cellule interopérabilité conseille aussi dans des domaines comme le droit international humanitaire (DIH), les droits de l’homme, le genre, et les questions relatives aux minorités religieuses / ethniques. Ainsi, ils contribuent encore à rendre les FSI plus inclusives, en terme de recrutement, plus responsables et sensibilisés à la prise en compte de règles et de principes adoptées et respectées aujourd’hui par les forces de sécurités intérieurs les plus modernes.
Le travail accompli au quotidien par le personnel de la cellule interopérabilité de l’EUTM-RCA ouvre la voie à la prochaine mission civile européenne de conseil (EUAM RCA) qui devrait se mettre progressivement en place en Centrafrique à compter de janvier 2020 et dont le mandat de deux ans devrait débuter en septembre prochain.