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FRANCE / RUSSIE / CENTRAFRIQUE : GUERRE FROIDE SUR LES BORDS DE L’OUBANGUI

Les soldats français en patrouille à Bangui en 2014. Photo AFP.

 

 

FRANCE / RUSSIE / CENTRAFRIQUE : GUERRE FROIDE SUR LES BORDS DE L’OUBANGUI

 

 

LE COQ GAULOIS ET L’OURS SOVIÉTIQUE EN RCA

          C’est à un duel sans merci qu’ils se livrent sur les bords de l’Oubangui. Plus le temps passe, plus le combat tourne visiblement à l’avantage des Russes. Comment en est-on arrivé là ?

          On peut déjà se demander si le président Macron a pris le temps de définir la politique qu’il veut pour l’Afrique en général et pour la Centrafrique en particulier. Le comportement de son ministre des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, par ses mauvais choix, a aggravé une situation déjà largement délétère. Le pré carré est en train de se rebiffer. Le pays qui était devenu le chantre de la Françafrique bascule-t-il avec armes et bagages du côté de Moscou ?

          Incontestablement, la France perd du terrain, son influence historique s’érode. L’animosité anti-française, orchestrée et encouragée par les Russes, gangrène le tissu social centrafricain. Il ne faudrait pas se livrer à de hasardeux calculs, capables de torpiller les relations historiques entre la France et la RCA.

          Les Centrafricains ont, certes, de multiples raisons de stigmatiser les insuffisances de l’action française dans leur pays. Mais diaboliser l’Hexagone, en oubliant que la France assiste la Centrafrique depuis l’indépendance, est une démarche politique tout à fait dommageable. Les illusionnistes qui voient en la Fédération de Russie une manne salvatrice seule capable de sortir le pays du bourbier, mènent les Centrafricains tout droit vers un inconnu, qui risque de ne pas répondre à leur attente.

          Si les Russes aident à recouvrer la paix, ce sera, évidemment, une action qu’il faudra saluer. Mais la vigilance doit rester de rigueur. On ne quitte pas une relation déséquilibrée pour en entamer une autre qui risque de l’être autant. Les Russes sont des européens blancs, qui ont la même secrète considération pour les noirs que la majorité des blancs. Il ne faut pas se leurrer : s’ils se précipitent en Centrafrique, c’est avant tout par impérialisme et soif de matières premières, comme les Français et les autres.

 

 

UN PAYS EN PROIE AUX ERREMENTS DES GOUVERNANCES SUCCESSIVES

          Au début du chaos sanglant qui a embrasé le pays en 2013, la France, en vertu des accords de défense avec la RCA, est intervenue militairement avec l’opération Sangaris. Elle a réussi à atténuer les ardeurs d’islamisation forcée du pays par les ex-Sélékas conquérants. Ajoutons, toutefois, que la résistance des Antibalakas, majoritairement chrétiens, a, elle aussi, permis de juguler la situation pré-génocidaire qui surgissait de l’horizon bien sombre.

          La situation de violence persistante qui prévaut aujourd’hui dans le pays est corollaire de plusieurs facteurs, qui vont de l’improvisation politique de la part de la France à l’incompétence des autorités centrafricaines.

1- Le gouvernement de la Transition de Catherine Samba-Panza, la MINUSCA et la France ont laissé sortir de Bangui les ex-Sélékas avec armes et bagages sans même les inquiéter. Certains chefs de guerre ont été installés dans les provinces, avec des pouvoirs quasiment régaliens. Ils se sont aussitôt livrés à des violences sur les populations qu’ils ont obligées à s’exiler.

          Villages incendiés, lieux de cultes chrétiens profanés, prêtres assassinés, femmes violées. Pillage en règle des matières premières pour s’équiper en armes et s’enrichir. Bras d’honneur aux invitations incessantes du président Faustin Archange Touadera à venir dialoguer.

           Ce qu’ils voulaient, c’était de s’emparer de tout le pouvoir à Bangui.

2- Quant aux autorités du pays, désarmées car assujetties à l’embargo sur les armes initié par la France, elles ne disposaient que d’une armée nationale en débandade et d’une administration désorganisée, voire obsolète. En outre, leur pouvoir légal ne pouvait s’exercer que dans le périmètre de Bangui la capitale, puisque les ¾ du pays étaient occupés et administrés par les groupes politico-militaires qui menaçaient le pays de partition.

          Face à ces rebelles suréquipés et dépourvue d’une armée nationale digne de ce nom, Bangui ne pouvait compter que sur la France. Quant à la MINUSCA, elle a toujours passé, aux yeux des Centrafricains, pour un facteur aggravant d’une situation déjà périlleuse. Le comportement douteux de certains Casques bleus a poussé la majorité des Centrafricains à accuser les forces de l’ONU de collusion avec les rebelles.

 

3- Les forces internationales n’ont pas fait ce qu’il fallait pour résoudre l’imbroglio centrafricain. Surtout la France, l’amie historique, qui a retiré prématurément sa force Sangaris, donnant ainsi du grain à moudre aux groupes armés qui se sont radicalisés, soutenus par leurs mentors étrangers des pays limitrophes.

          Alors que le pays ne pouvait pas s’équiper en armes pour défendre son territoire et assurer la sécurité de ses populations, les groupes politico-militaires, eux, recevaient à profusion des armes venues du Soudan et du Tchad. Dès lors, la situation militaire, déséquilibrée, a largement profité aux rebelles. Voyant qu’ils s’apprêtaient à marcher sur Bangui pour s’emparer du pouvoir, abandonnés par le soutien militaire français, les dirigeants centrafricains ont, légitimement, sollicité l’aide de la Fédération de Russie. C’est ainsi que l’influence française dans son ex-colonie a commencé à péricliter.

          Mais jusqu’où ira cette guerre froide est-ouest importée d’Europe, qui risque d’être particulièrement dommageable pour les Centrafricains ? Pour éviter que le différend entre la France et la République Centrafricaine n’atteigne un point de non-retour, il faudrait que les deux pays optent pour un dialogue apaisé. Plus encore, pour sortir la Centrafrique du chaos et empêcher sa dislocation, c’est à une conjugaison des forces françaises, russes et américaines  et centrafricaines qu’il faudrait aboutir.

          La Centrafrique n’est-elle pas un pays souverain, membre de l’ONU ? Lindifférence de la communauté internationale envers le drame qui frappe cette nation n’est-elle pas une non-assistance à des personnes en danger et donc hautement condamnable ?

                                                                                                                                                                       

Par : JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI

                                                                                                                                                                                  (18octobre 2018)

 

 

 

 

 

 

 

 

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