Face à la crise, Les champignons, une alternative alimentaire à Bossangoa

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Dans un contexte de flambée des prix de la viande et de crises récurrentes, les centrafricains cherchent des alternatives pour survivre, au risque de leur vie. À Bossangoa, les champignons sauvages émergent comme une alternative alimentaire clé. Vendus à bas prix sur les marchés de Bossangoa, ils permettent aux ménages de pallier le manque de protéines animales tout en dynamisant l’économie informelle. Toutefois, cette pratique, bien que courante dans d’autres régions du pays, n’est pas exempte de risques.
Une pratique ancienne, amplifiée par la crise
La consommation de champignons n’est pas nouvelle en RCA, pas plus qu’ailleurs. Dans la Lobaye, les chenilles sont prisées ; à l’Est, notamment dans la Basse-Kotto et le Mbomou, le poisson domine ; Dans la Vakaga, les populations locales valorisent également des produits aquatiques. En RCA, les champignons sauvages, abondants en saison des pluies, sont devenus un substitut incontournable face à la rareté et au coût prohibitif de la viande. Cette situation découle en grande partie des violences récurrentes contre les éleveurs, qui ont fui vers des pays voisins comme le Tchad ou le Cameroun.
Les éleveurs peuls, en particulier, sont confrontés à des rackets, des taxes illégales et des conflits avec les agriculteurs, souvent redoublé par des groupes armés. « Les éleveurs qui traversent les différentes régions du pays sont taxés à outrance par les forces de l’ordre, parfois jusqu’à 25 000 FCFA par personne et par tête de bétail, et on leur demande des pièces d’identité absurdes », explique un commerçant de la Nana-Bakassa. Cette insécurité entraîne une pénurie de viande et une flambée des prix, poussant les populations à se tourner vers des produits locaux comme les champignons, les chenilles ou les légumes sauvages.
Les champignons : un “roi” abordable mais risqué
Sur le marché central de Bossangoa, les étals de champignons attirent une clientèle nombreuse. « Avec 1 500 FCFA, je peux nourrir ma famille pendant deux jours », confie une mère de famille, panier à la main. Nutritifs et accessibles, les champignons contrastent avec la viande, devenue un luxe pour beaucoup. À Bossangoa, Bouca, Berberati, cette ressource saisonnière est devenue un pilier de la sécurité alimentaire.
Pourtant, la consommation de champignons sauvages comporte des risques sanitaires majeurs. En RCA, des intoxications mortelles sont régulièrement signalées. Par exemple, en 2023, un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mentionnait plusieurs cas d’empoisonnement dans la préfecture de l’Ouham, où des familles ont consommé des variétés toxiques, entraînant des décès. « Je reconnais les bons champignons, mais certains vendeurs peu scrupuleux ramassent tout ce qu’ils trouvent », déplore Angèle, une cueilleuse expérimentée. Les autorités sanitaires locales appellent à n’acheter qu’auprès de cueilleurs professionnels et à sensibiliser les populations aux dangers.
Une économie informelle portée par les femmes
Pour de nombreuses femmes rurales, la cueillette et la vente de champignons sont une source de revenus essentielle. « Chaque matin, je pars en brousse pour ramasser des champignons frais », raconte une vendeuse de Bossangoa. Cette activité, bien que saisonnière, permet à des familles entières de survivre dans un contexte d’inflation galopante (estimée à plus de 10 % en 2024 par la Banque mondiale). À l’échelle locale, cette économie informelle compense partiellement l’absence de filières agroalimentaires structurées.
Perspectives : diversification et vigilance
Si les champignons et autres produits locaux (chenilles, poissons, légumes sauvages) jouent un rôle dans la survie alimentaire, ils ne suffisent pas à résoudre les défis structurels de la RCA. Les experts appellent à diversifier les sources de protéines, par exemple via l’aquaculture ou la culture de légumineuses, et à renforcer les contrôles sanitaires pour limiter les intoxications. Par ailleurs, la stabilisation des filières d’élevage nécessite une lutte contre l’insécurité et les pratiques de racket, afin de permettre le retour des éleveurs et une baisse des prix de la viande.
À Bossangoa, les champignons incarnent une stratégie de résilience face à la crise, mais leur consommation souligne aussi les fragilités d’un système alimentaire sous pression. En RCA, comme dans d’autres régions, les populations s’adaptent avec ingéniosité, mais des solutions durables restent indispensables….