Extradition d’Armel Sayo : Bangui accentue la pression sur Yaoundé

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Extradition d’Armel Sayo : Bangui accentue la pression sur Yaoundé

 

Extradition d’Armel Sayo : Bangui accentue la pression sur Yaoundé
Le Chef rebelle Armel Sayo dans un local de la police camerounaise.

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 L’arrestation d’Armel Sayo à Douala enflamme Bangui, qui presse Yaoundé pour son extradition. Cette chasse, combinée à une répression au pays, est inacceptable. Arrestations injustifiées et justice manipulée trahissent un régime centrafricain prêt à tout pour dominer.

 

En effet, depuis l’arrestation d’Armel Sayo le 17 janvier 2025 à l’aéroport de Douala, au Cameroun, le gouvernement centrafricain s’engage dans une croisade sans relâche pour obtenir son extradition au pays. Cette affaire, loin de se limiter à une pression diplomatique, exprime les dérives d’un régime qui, sous prétexte de sécurité, étouffe toute voix dissidente et instrumentalise la justice. Les pressions répétées sur Yaoundé, couplées à une vague d’arrestations arbitraires à Bangui, dressent le portrait d’un pouvoir autoritaire, prêt à sacrifier les droits humains pour asseoir son contrôle.

 

Une chasse à l’homme

 

L’arrestation de l’ancien ministre Armel Sayo, accusé d’une tentative de coup d’État, a déclenché une série de démarches frénétiques de la part de Bangui. Dès son transfert à Yaoundé le 18 janvier, les autorités centrafricaines ont multiplié les voyages pour convaincre le Cameroun de le livrer. Il y a quelques jours, le directeur de l’Office central pour la répression du banditisme (OCRB), le général de police Armel Baraba est rentré à Bangui les mains vides après des négociations infructueuses à Yaoundé au Cameroun. Le 14 avril 2025, c’est un juge d’instruction centrafricain, chargé du dossier Armel Sayo à Bangui, qui s’est rendu à Yaoundé, espérant faire plier les autorités camerounaises. Mais le Cameroun reste inflexible.

 

Cette fermeté de Yaoundé s’explique par le climat sécuritaire et politique en RCA. Les violences récurrentes, les accusations d’abus de pouvoir et les conditions de détention inhumaines, notamment à la prison de Ngaragba et du camp de Roux, laissent craindre que l’extradition de l’ancien ministre Armel Sayo équivaille à une condamnation sans procès. Le Cameroun, voisin stratégique, refuse pour l’instant de cautionner une justice centrafricaine sous influence du groupe Wagner. Cette prudence, bien que louable, met Yaoundé dans une position délicate, alors que Bangui accentue la pression, risquant de tendre des relations bilatérales déjà complexes.

 

Une campagne de vaste répression au pays

 

Pendant que Bangui s’agite à Yaoundé, une répression féroce s’abat sur l’entourage de Sayo et au-delà. Le 17 janvier, quelques heures après l’arrestation de l’ancien ministre à Douala, sa sœur, Clarisse Sayo, ministre-conseillère à la Primature, et son frère, Aristide Sayo, gendarme, sont arrêtés à Bangui sans mandat. Conduits près des locaux de l’OCRB, ils sont les premières cibles d’une purge qui ne fait que commencer.

 

La liste des victimes s’allonge rapidement. Mahamat Abakar, ancien directeur général du Trésor et coordonnateur du projet Agir financé par la Banque mondiale, est interpellé le 11 mars dans son bureau, sans motif clair. Boris Toïma, Yvon Tazou, Germain Wamoustoyo et Junior Poungolo, tous professionnels ou cadres, sont également arrêtés entre février et mars. Au total, onze suspects, incluant quatre autres personnes moins médiatisées, sont placés sous mandat de dépôt le 14 avril 2025. Clarisse Sayo, Aristide Sayo et Mahamat Abakar sont envoyés à la prison de Camp de Roux, tandis que les huit autres, dont Toïma, Tazou, Wamoustoyo et Poungolo, sont transférés à la prison centrale de Ngaragba, dans le 7e arrondissement.

 

Ces arrestations, dépourvues de fondement, sèment la peur. Mahamat Abakar, homme discret et apolitique, incarne l’absurdité de cette répression. Son rôle dans le projet Agir, déterminant pour l’économie centrafricaine, n’a pas empêché son incarcération. Boris Toïma, lors d’une confrontation consignée, a dénoncé une liste de suspects imposée par la police, sans preuves. Clarisse et Aristide Sayo, eux, semblent visés uniquement pour leur lien familial avec Armel. Cette chasse aux sorcières, sous couvert d’une prétendue tentative de coup d’État, révèle un régime qui préfère intimider plutôt que gouverner.

 

Une justice aux ordres de Wagner

 

L’affaire prend une tournure encore plus sombre avec l’ingérence du ministre de la Justice, Arnaud Djoubaye Abazène. Le 7 avril, le juge d’instruction, après avoir examiné le dossier, conclut que sept des onze suspects – Mahamat Abakar, Boris Toïma, Yvon Tazou, Germain Wamoustoyo et trois autres – doivent être libérés faute de charges. Les quatre restants, dont Clarisse et Aristide Sayo, devaient être placés sous mandat de dépôt pour approfondir l’enquête. Cette décision, dont le juge se prépare à le rendre le vendredi 11 avril, semblait redonner un semblant d’espoir à des familles plongées dans l’angoisse.

 

Mais le ministre Arnaud Djoubaye Abazène intervient. Informé des conclusions du juge, il lui ordonne de suspendre toute libération, arguant qu’il souhaite examiner le dossier lui-même. Les jours passent – lundi, mardi, mercredi – sans que le ministre ne se manifeste. Le jeudi, alors que le juge s’apprête à prendre sa décision le lendemain avant de prendre le vol pour Yaoundé, Abazène lui intime l’ordre, par surprise,  de placer les onze suspects sous mandat de dépôt. « va Régler les affaires à Yaoundé, et à ton retour, tu décideras qui libérer », a -t-il déclaré. Contraint, le juge obtempère, et le 14 avril, tous les suspects sont envoyés en prison, anéantissant les espoirs des sept innocentés.

 

Cette intervention n’est autre qu’un scandale. Elle expose une justice centrafricaine aux ordres du pouvoir exécutif, où les décisions judiciaires sont dictées par des calculs politiques. Les accusations de complot, brandies sans preuves tangibles, servent de prétexte à une répression ciblée. Les familles des détenus, comme celles de Clarisse, Aristide ou Abakar, vivent dans l’incertitude, tandis que les conditions de détention à Ngaragba et Camp de Roux – surpeuplement, insalubrité, absence de soins – aggravent leur calvaire.

 

Un régime en quête de domination

 

Cette traque d’Armel Sayo s’inscrit dans une stratégie plus large du président Faustin-Archange Touadéra pour neutraliser toute menace à son pouvoir. À l’approche d’échéances politiques, le régime voit en Sayo, chef rebelle ayant défié Bangui dans le nord, un symbole à abattre. Mais en s’attaquant à son entourage et à des figures comme Mahamat Abakar, le gouvernement s’aliène des pans entiers de la société. L’arrestation d’un haut fonctionnaire respecté comme Abakar, sans lien avec la politique, choque jusqu’aux partenaires internationaux, dont la Banque mondiale, qui finance le projet Agir.

 

Les interpellations de Boris Toïma, Yvon Tazou et d’autres cadres financiers fragilisent un ministère des Finances déjà sous tension. Ces dérives risquent de compromettre le soutien de bailleurs essentiels à une économie centrafricaine exsangue. Loin de renforcer le pouvoir, cette répression expose ses faiblesses, révélant un régime qui gouverne par la peur plutôt que par la légitimité.

 

Le Cameroun face à un dilemme

 

Le Cameroun, en refusant l’extradition de Sayo, en tout cas pour l’instant, agit comme un rempart contre l’arbitraire. Yaoundé sait que livrer le chef rebelle dans le climat actuel de la RCA pourrait le condamner à un sort funeste. Mais cette position n’est pas sans risque. Les relations avec Bangui, marquées par des enjeux sécuritaires à la frontière, pourraient pâtir de cette fermeté. Les voyages incessants des officiels centrafricains – OCRB, juge d’instruction – montrent que Bangui ne reculera pas facilement. La question demeure : le Cameroun tiendra-t-il bon ?

 

Un système inacceptable

 

Ce qui se passe en RCA est tout simplement inacceptable. La répression au pays, combinée à la pression sur Yaoundé, bafoue les principes les plus élémentaires de justice. Clarisse Sayo, Aristide Sayo, Mahamat Abakar, Boris Toïma et les autres ne sont pas seulement des suspects ; ils sont des victimes d’un système qui privilégie le contrôle à l’État de droit. Les conditions de détention à Ngaragba, où les suspects croupissent également à Camp de Roux, sont une honte pour un pays qui aspire à la stabilité.

 

La communauté internationale : Union africaine, ONU, Banque mondiale,  doit sortir de son silence. Les arrestations arbitraires, l’ingérence d’Arnaud Djoubaye Abazène et la manipulation de la justice exigent une réponse ferme. Les familles des détenus méritent la vérité, et les sept suspects innocentés par le juge doivent être libérés sans délai. Quant à Armel Sayo, son sort ne peut être décidé au mépris des droits humains.

 

La vigilance

 

L’affaire Armel Sayo n’est pas qu’une question d’extradition. C’est le miroir d’un régime qui, sous couvert de sécurité, sacrifie la justice et la dignité de ses citoyens. Le juge d’instruction, de retour de Yaoundé, sera face à un choix : céder à la pression ou rendre justice. Pour les Centrafricains, las de promesses non tenues, cette affaire est un test. La RCA peut-elle encore prétendre à la démocratie, ou s’enfonce-t-elle dans une dérive autoritaire ? L’avenir du pays, et de ses citoyens emprisonnés à tort, en dépend….

 

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