DÉCLARATION DE SON EXCELLENCE ALEXANDRE N’GUENDET À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA PAIX
21 SEPTEMBRE 2017
BANGUI, RCA
Comme chaque année à la date du 21 septembre ; tous les pays du monde, à l’unisson, célèbre la journée internationale de la paix. Je saisis d’ailleurs l’opportunité qui m’est donnée à cette occasion pour m’incliner pieusement devant la mémoire de nos compatriotes victimes Des massacres qui endeuillent le pays. Dans le même temps, il faut reconnaitre que depuis la prise de pouvoir par les nouvelles autorités, la République centrafricaine est complètement asphyxiée, plongée dans une spirale de haine de violence sans précédent, sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à aujourd’hui.
La faisant entrer de facto dans le triste club des rares pays au monde, à l’instar de la Libye, du Yémen ou encore de la Somalie, pour lesquels le mot « paix » a perdu tout sens, toute substance et ne représente plus rien, plus aucune réalité tangible, palpable.
Ce chef d’œuvre de désastre n’a été possible que par l’incompétence notoire, la faiblesse reconnue, le laxisme assassin, le manque de vision, de courage politique et de consistance d’un pouvoir sourd, aveugle et muet qui en à peine dix-huit petits mois d’exercice du pouvoir est parvenu à créer l’enfer sur Terre, en RCA, un pays qui jadis était vu par tous comme celui où coule le lait et le miel.
C’est qu’aujourd’hui la République Centrafricaine sous l’emprise des autorités actuelles est le seul pays au monde dont plus de la moitié de la population ne doit sa survie qu’aux maigres subsides de l’aide humanitaire internationale.Dans toute l’Histoire moderne de la politique jamais aucun régime démocratiquement élu n’a été contraint de faire face au péril d’un génocide de sa population. Et il n’est pas inutile, ici, de rappeler les propos plus que terrifiants car très sérieux des plus hautes autorités des Nations Unies, à l’instar du Secrétaire Général Adjoint aux Affaires Humanitaires, Stephen O’Brien, qui se prononçant sur le cas centrafricain devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies proclamait que « les signes avant-coureurs de génocide son là (…). Nous devons agir MAINTENANT, ne pas réduire l’effort de l’ONU et prier pour ne pas avoir à vivre en le regrettant
».
Ce constat est largement partagé par tous les observateurs réguliers de la République Centrafricaine telle que l’universitaire américaine, analyse politique, Nathalia Dukhan, qui rapporte que « depuis dix mois, la situation sécuritaire et humanitaire est DESASTREUSE… Dans la capitale, Bangui, la tension est palpable et le climat politique délétère ». A son tour elle ne manque pas de relever le fait que les « Nations Unies alertent l’opinion internationale sur l’existence de « signes avant-coureurs » d’un génocide te d’un nettoyage ethnique ».
Six grandes ONG internationales opérant depuis des années sur le terrain en RCA, et qui ont perdus des dizaines des leurs dans les combats imposés par les groupes armés de mercenaires étrangers, en sont elles aussi venues à la maison conclusion et ont tiré la sonnette d’alarme en exhortant le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guttérès d’agir au plus vite afin d’éviter que le pire ne se produise pour la population centrafricaine.
Le responsable de l’Afrique Occidentale et Centrale des Nations Unies aux Droits de l’Homme, Scott Campbell, dans sa déclaration officielle à la presse internationale supplie le gouvernement centrafricain de se saisir de la situation dans les plus bref délais afin de « garantir une protection physique aux populations menacées ».
Nous ne pouvons que nous attrister de constater le Centrafricain est devenu une proie, un gibier pour les pires mercenaires barbares officiant sur les 80% du territoire national qu’ils contrôlent. Ainsi ce paisible Centrafricain est aujourd’hui chassé, pourchassé, traqué, piégé, intimidé, tourmenté, kidnappé, tué, assassiné, violenté, violé, volé, pillé, démembré, dépossédé, brûlé vif, enterré vivant, torturé, etc. Tout cela au vu et au su des dignitaires du nouveau pouvoir qui ne bronchent pas, ne bougent et ne disent aucun mot.
Face à une telle situation aussi apocalyptique tout pouvoir un tant soit peu responsable aurait déjà réagi, à l’image des autorités birmanes mises en cause par la communauté internationale dans leur inadmissible gestion du drame des Rohingyas.
Mais ici sous le régime des nouvelles autorités centrafricaines l’autisme, la surdité, la cécité et le mutisme priment. C’était déjà d’une gravité extrême d’un pouvoir démocratiquement élu soit amené à voir plus de 80% de son territoire national occupé par des groupes armés de mercenaires étrangers, 20% de sa population en fuite en tant que réfugiés ou déplacés internes, plus de la moitié de sa population nationale ne survivant maigrement de l’aide humanitaire internationale, 90% de ses structures sanitaires, sociales et éducatives à terre, ses forces de défense et de sécurité réduites à la portion congrue, un enfant sur six qui n’atteint même plus l’âge de cinq ans, etc., et tout cela sans que le gouvernement centrafricain n’ose bouger un pouce. Mais le summum de l’horreur de l’irresponsabilité politique est atteint quand ces mêmes autorités de Bangui préfèrent jouer la carte du refus, du rejet, de la négation de la réalité, des faits observés par tous. Or une telle occultation, ce
monstrueux négationnisme est vain au vu des normes internationales comme le rappelle la Pr Paola Gaéta, professeur de Droit International à l’Institut des Hautes Etudes Internationales et de Développement, qui soutient que « le nombre de victimes n’est pas un facteur déterminant. Si on a une preuve de l’intention génocidaire d’un acteur, cela peut suffire pour parler de génocide ».
Qui doute d’une telle intention, sauf les pouvoirs de Bangui ? Mais une telle attitude montre que le pouvoir en place devient une réelle menace pour la sécurité de la population centrafricaine. C’est donc pour nous un devoir, en tant que citoyen centrafricain mais plus encore en tant qu’ancien Chef de l’Etat qui a exercé le pouvoir de l’État aux plus hautes responsabilités, au plus haut sommet de l’Etat, que d’invoquer le Principe de Responsabilité de Protéger (PRP) au vu des carences du pouvoir en place. Ce principe de responsabilité de protéger adoptée par tous les états-membres de l’Organisation des Nations Unies en 2005, RCA y compris, repose sur trois piliers tels que définis par le Document final du Sommet mondial de 2005 (A/RES/60/1, par. 138 à 140) et que le Secrétaire général a formulés dans le rapport présenté en 2009 sur le sujet (A/63/677) et qui se
présentent comme suit :
- Il incombe au premier chef à l’État de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique, ainsi que contre les incitations à les commettre;
- Il incombe à la communauté internationale d’encourager et d’aider les États à s’acquitter de cette responsabilité;
- Il incombe à la communauté internationale de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres de protéger les populations contre ces crimes. Si un État n’assure manifestement pas la protection de ses populations, la communauté internationale doit être prête à mener une action collective destinée à protéger ces populations, conformément à la Charte des Nations Unies.
Les Nations Unies à travers le premier pilier de la responsabilité de responsabilité tel que rappelé par le Document final du Sommet mondial de 2005 (A/RES/60/1, par. 138 à 140) et les récents propos de Scott Campbell, responsable de l’Afrique Occidentale et Centrale des Nations Unies aux Droits de l’Homme, déclare explicitement qu’il est du devoir du Chef de l’Etat de « protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique, ainsi que contre les incitations à les commettre ». Mais comment le Président de la République pourrait résoudre cette équation s’il se refuse d’équiper, de réarmer et de redéployer nos forces de défense et de sécurité (FACA, Gendarmerie, Police) ? Au vu de la situation pro-génocidaire que même l’ONU est la première à constater, le retour des FACA devient une OBLIGATION. Et ce titre nulle entité ; nul personne, nulle personne morale ne saurait
s’opposer à cela.
Malgré ce constat amer d’un manque de vision patent des autorités actuelles sur les brûlantes questions sécuritaires, dans sa déclaration à l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Président de la République, Chef de l’Etat, s’est contenté de demander un n-ième renforcement de la capacité militaire de la MINUSCA en hommes et en matériels. Sachant que ces troupes onusiennes n’agissent sur le terrain qu’en tant force d’interposition alors que le chapitre sept (07) de la résolution 2301 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies donne plein pouvoir à la MINUSCA d’utiliser la force en cas d’entêtement des groupes armés. Et c’est bien là que le bât blesse
avec cette mission onusienne en Centrafrique.
De plus, lors de la session extraordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC du 30 juillet 2016, tenue à Malabo (Guinée Equatoriale) « a adopté le principe de l’admission des éléments des forces armées centrafricaines dans les différents centre d’instruction des Etats membres de la CEMAC ». Qu’en est-il de cette proposition en direction des FACA faite aux autorités centrafricaines depuis déjà un an ?
Au vu de la situation périlleuse de la RCA, la seule issue viable, nous semble-t-il, est la mise en œuvre urgente de l’Initiative de l’Union Africaine pour la Paix et la Réconciliation en République Centrafricaine dite Feuille de Route de Libreville, comme le préconisait le mardi 19 septembre 2019 la réunion de réunion de haut
niveau en marge de l’Assemblée Générale des Nations unies.
Aussi exhortons-nous de toutes nos forces, le Président de la République, Chef de l’Etat, garant de la sécurité des Centrafricains, à se ressaisir au plus vite car son peuple se fait de plus en plus impatient.
Nos derniers mots pour cette célébration de la Journée Internationale de la Paix seront pour présenter, à nouveau, nos condoléances les plus attristés aux familles centrafricaines endeuillées par les massacres de l’arrière-pays. Nous avons également une pensée émue pour les personnels humanitaires et les forces onusiennes en Centrafrique tombées sur le champ de bataille dans l’exercice de leur haute mission.
SON EXCELLENCE FERDINAND-ALEXANDRE N’GUENDET,
ANCIEN CHEF D’ETAT DE TRANSITION PAR INTERIM,
ANCIEN PRESIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE TRANSITION (CNT),
PRÉSIDENT-FONDATEUR DU RASSEMBLEMENT POUR LA REPUBLIQUE (RPR).