Quel constat faites-vous du climat des affaires dans votre pays
aujourd’hui ?
Le niveau des investissements étrangers dans mon pays est le reflet de la qualité du climat des affaires, qui est mauvais, et ne s’explique pas seulement par l’insécurité et l’occupation d’une grande partie du territoire national. La sécurité des investissements (Rule of Law) est une donnée essentielle de l’attractivité d’une économie, en plus des facilités fiscales et d’autres avantages consentis. L’économie d’un pays dépend donc de la vision qu’en ont les dirigeants. Cette vision est absente, le régime se contentant d’inaugurer des bâtiments moyens financés par quelques ONG internationales.
Est-ce donc
ce sentiment qui vous pousse à vous présenter de nouveau comme candidat à l’élection présidentielle de 2020 ?
Il y a bien plus que ça. Il est des choses qui touchent aux fondements mêmes de la nation, qui effritent les bases de l’Etat, conséquences de la gouvernance chaotique du Président Touadéra. Par exemple, l’acceptation de l’occupation de notre pays de plus de 85%, alors quand lorsqu’il arrivait au pouvoir, le pays était occupé à 60 %, ce qui est déjà inacceptable. L’abandon de nos compatriotes aux affres des exactions et des assassinats quotidiens, alors qu’il a prêté serment sur la constitution de protéger les Centrafricains, en tant que Chef suprême, et que dès le lendemain il s’est rendu coupable de parjure en déclarant la main sur le cœur que jamais il n’utiliserait la force pour libérer notre pays. De nos jours, le monde ne fonctionne plus comme à Jéricho où il suffit d’emboucher la trompette pour que les murs s’écroulent. Il faut donc à notre pays un vrai leadership, capable de se hisser à la hauteur des enjeux, pour libérer militairement notre pays et commencer à construire une Nation forte.
Selon l’Indice de la perception de la corruption dans le monde, la RCA occupe le 153e rang sur 180, et avec une économie atone.
Quels sont vos leviers pour redresser cette économie exsangue ?
Nous représentons 4% de la richesse de la CEMAC.L’avant-dernier, le Tchad représente 12,5 %, et le Cameroun 42%. Être dernier et si insignifiant, à l’échelle sous-régionale, c’est-à-dire dans la région la plus arriérée du continent est une blessure pour mon cœur de patriote. Mais je prends mon pays tel qu’il est, et je propose des mesures. Il ne m’a pas échappé que nous avons l’un des taux les plus bas de recouvrement des créances publiques. Cela est dû forcément à la corruption. Nous mènerons une lutte sans merci contre la corruption, en revoyant notamment l’arsenal pénal. L’insuffisance de l’énergie, l’absence d’infrastructures, notamment routières, la corruption, ces maux sont identifiés. Il y a cependant un gros handicap pour cette économie qu’on ne cite pas ; c’est l’absence de cadres et d’agents qualifiés. Notre pays compte 67% d’analphabètes. C’est beaucoup trop pour enclencher le processus menant au progrès. Il existe une corrélation claire entre taux d’alphabétisation et développement. Par exemple, lorsque le taux d’alphabétisation du Japon a atteint celui de l’occident, le niveau de vie s’est amélioré d’autant. Voilà pourquoi nous allons consacrer 20% du budget de l’Etat à l’éducation, pour rehausser les salaires des enseignants, construire des écoles, cinq universités, des centres de formation. Figurez-vous que nous importons jusqu’aux maçons et plombiers des pays voisins. Maintenant, après avoir dit tout ça, la bonne question est celle de savoir comment financer. Rappelez-vous la table ronde de Bruxelles où la communauté internationale s’est penchée une fois de plus sur le malade Centrafrique pour lui demander ses besoins. Faute d’ambition et de vision, nous avons présenté une litanie d’approximations. Pis, nous n’avons pas été capables de mettre sur pied une équipe souple de suivi. A ce jour, rien ou si peu. Je veillerai à maximiser ce genre d’opportunités de financement de notre économie, j’utiliserai les ressources tirées des mines pour financer le développement en plus des ressources libérées par la lutte contre la corruption.
Les questions sécuritaires sont un frein au développement ou à l’industrialisation d’un pays. Quelles assurances apporterez-vous aux différents investisseurs, et ce quel que soit le secteur ?
Comme j’ai eu à le dire, dans un pays normal, les questions sécuritaires ne sauraient faire partie d’un programme. Je vais m’atteler toutes affaires cessantes à régler cette question. Croyez-le bien, ce problème sera réglé militairement s’il le faut, ne serait-ce que par orgueil national. Je règlerai également la question de l’insécurité juridique, qui est un goulot d’étranglement pour investissements étrangers.
A votre avis, cela suffira-t-il pour obtenir un taux de croissance à deux chiffres ?
La bonne gouvernance, des mesures hardies pour attirer les investissements étrangers, l’égalité des chances, une vision ambitieuse, des citoyens formés, une énergie abondante, dans un pays totalement pacifié libéreront toutes les virtualités créatrices de progrès et ouvriront immanquablement notre horizon vers une croissance à deux chiffres, à la condition expresse que nous soyons capables de consentir les sacrifices nécessaires qui passent par l’effort et la discipline.
La RCA est un pays riche de ces ressources naturelles. Que comptez-vous faire pour l’amener à l’industrialisation de ses nombreuses matières premières une fois à la présidence de la République ?
Nous avons tout, les ressources naturelles, l’eau et la forêt en abondance. Si tout cela suffisait à atteindre le développement, cela se saurait. En réalité, nous n’avons pas l’essentiel ; la vision et les hommes. Nous n’avons pas formé nos citoyens. Et nous n’avons pas eu des dirigeants dotés de la vision de l’importance de la formation des hommes dans le processus de développement. Enfin, nous allons nous y atteler.
Propos recueillis par Nicolas Abena