CENTRAFRIQUE : SYNTHÈSE DES REVENDICATIONS DES GROUPES ARMÉS RÉUNIS A BOUAR
UNE LONGUE LISTE FASTIDIEUSE
C’est, en effet, une curieuse et effarante synthèse de revendications : elle ne contient pas moins de cent-huit réclamations ! Cette liste à la Prévert nous laisse pantois. Si elle a été écrite par des prétendants à la magistrature suprême de la République Centrafricaine, il y a fort à craindre pour le futur de la RCA.
D’ailleurs, il s’agit moins d’une synthèse que d’un salmigondis inapproprié. Est-ce un programme de gouvernement ? Dans ce cas, il fallait se montrer concis et méthodique. Avec tout le respect que nous devons aux auteurs, nous nous permettrons de dire que ce charabia est irrecevable. Comment accepter qu’ils n’aient même pas revendiqué la République Centrafricaine ? Avec ce genre d’exhibition, le pays risque d’être la risée de la communauté internationale !
Dans cette liste des revendications harmonisées où il y a à boire et à manger, une bonne partie a le goût d’une soupe à la grimace. La République Centrafricaine n’a-t-elle pas déjà une constitution ? Il suffirait de l’appliquer. Malheureusement, les gouvernements successifs n’ont cessé de la violer. Mais peut-on accepter que les groupes politico-militaires la réécrivent à leur sauce ? Que veulent-ils ? Substituer une autre République à celle qui existe ?
Ils présentent leurs cent-huit revendications comme une « synthèse ». Une synthèse est un résumé concis, clair et cohérent. Or, ce qu’ils proposent, ce n’est qu’une série de propositions prétentieuses, qui s’apparente fort à une opération de diversion.
LES GROUPES POLITICO-MILITAIRES VEULENT-ILS VRAIMENT LA PAIX ?
Aucun gouvernement démocratiquement élu ne se plierait à ce qui ressemble à une intolérable sommation. On ne vient pas à des négociations les armes à la main. Il faut au préalable que les groupes politico-militaires déposent leurs outils de mort.
Mais, par ailleurs, les rebelles agissent comme s’ils ne reconnaissaient pas la légitimité du pouvoir, mettent ainsi le président Touadera et son gouvernement au pied du mur.
Le chef de l’Etat ne peut que déclarer ces revendications irrecevables et se tourner vers le peuple, pour lui demander de s’exprimer sur l’impunité et l’amnistie générale réclamées par les groupes armés.
Car on ne peut pas ignorer les innombrables victimes. On ne peut pas passer sous silence les crimes abominables dont les rebelles se sont rendus coupables. Ce sont des bourreaux, la Nation doit leur demander des comptes sur tous les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qu’ils ont commis.
Par ailleurs, il faut que les puissances internationales cessent de s’immiscer en République Centrafricaine et de vouloir régler les conflits à la place des citoyens.
Que les Français, les Russes, les Américains et les Chinois s’associent à cette recherche sera certainement bénéfique, à condition qu’ils ne jouent pas double jeu. Ils devront se mettre résolument aux côtés du pouvoir légitime pour l’aider à former et à déployer les FACAS.
Deux réunions viennent de se tenir, l’une à Bouar, en Centrafrique, l’autre à Khartoum, au Soudan, avec, pour objectif, la recherche de la paix. Mais la synthèse des revendications des groupes politico-militaires risque désormais de complexifier lourdement les pourparlers qui ont été engagés.
QUELLE ISSUE POUR CE CONFLIT ?
Ce conflit qui a plongé la République Centrafricaine dans une dure nuit, longue de cinq ans aujourd’hui, doit trouver une issue au plus vite. Les Centrafricains en ont assez. Ils ont payé un lourd tribut à cette abominable agression, apportée par des Centrafricains égarés et leurs mercenaires, manipulés par des puissances étrangères avides de matières premières.
Pour parvenir à la paix, il faudra beaucoup de bonne volonté de la part des rebelles. S’ils aiment les Centrafricains et veulent la paix, comme ils le claironnent un peu partout, ils devront déposer les armes et abandonner toute idée de partition.
En outre, il leur faudra reconnaître la légitimité du président Touadera et de son gouvernement, parce qu’ils ont été démocratiquement choisis par le peuple.
La Centrafrique et les Centrafricains doivent impérativement aborder une nouvelle ère, celle de la maturité politique, qui gravera dans les esprits l’idée que le pouvoir se conquiert, non pas par les armes, mais par les urnes.
Ceux qui se disputent le pouvoir en Centrafrique, doivent avoir aussi à l’esprit les souffrances de la population. Ils doivent mettre de côté leurs égos surdimensionnés et ne pas oublier leur peuple.
Car c’est « tous ensemble » comme le disait le défunt Barthélémy Boganda, père de la Nation, que les Centrafricains trouveront la voie de la paix et de la réconciliation nationale.
Par : JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI
(17 septembre 2018)