CENTRAFRIQUE : RUMEURS INQUIÉTANTES
LE PRÉSIDENT TOUADERA ISOLÉ ET MENACE ?
Bangui, le 20 juin 2018, CNC : La rumeur ne cesse d’enfler. La panique gagnerait les proches du pouvoir et les ministres qui craignent pour leur place. En tout cas, un quotidien de Ouagadougou, Le Ouagalais, publie un éditorial inquiétant et sans détour pour le pouvoir centrafricain. Intox ? Ou information fondée ?
D’après notre confrère, Marcel Kabore, du quotidien précité, le président Faustin-Archange Touadera serait isolé et menacé d’un coup de force. La dernière tournée africaine du ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est effectuée sans passer par Bangui. Est-ce que cet éloignement sonnerait le glas des relations avec la Centrafrique ? Que se sont dit les autres chefs d’État de l’Afrique centrale et Le Drian ? Auraient-ils cherché les moyens de permettre un changement de pouvoir à Bangui ?
Quoi qu’il en soit, les pays membres de la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale), inquiets de l’instabilité chronique et contagieuse de la RCA, accentuent l’isolement du président Touadera. La délocalisation du siège de la CEMAC de Bangui à Malabo, capitale de la Guinée Équatoriale, est un signe qui ne trompe pas.
Ajoutez à cela l’animosité profonde du président guinéen, Teodoro Obiang Nguéma Mbasogo, à l’égard de Touadera qu’il soupçonne d’avoir soutenu le coup d’état destiné à le renverser. Il a juré depuis d’avoir sa tête.
LES MANŒUVRES DE LA FRANCE
Depuis le retour en force des Russes en Centrafrique, le torchon brûle entre Faustin-Archange Touadera et Emmanuel Macron. Pour les autorités françaises, ce retour des Russes dans leur pré carré est ressenti comme une agression. Le déplacement de Jean-Yves Le Drian en Afrique Centrale sans passer par Bangui ne serait-il pas un signe fort chargé de menace ?
C’est, en fait, par N’Djamena, chez son grand ami Idriss Déby Itno, que le ministre des Affaires étrangères de la France a entamé son voyage.
N’oublions pas que les changements du personnel politique en Centrafrique ont été, pour la plupart, manigancés à partir de Paris et de N’Djamena. Souvenons-nous de la destitution spectaculaire de l’ex-président Michel Djotodia et de la mise en place du gouvernement de la Transition, sans que les Centrafricains aient été consultés. C’est le duo Hollande-Deby qui en avait pris la décision.
La France a toujours vu en Idriss Déby Itno un exécuteur de sombres traquenards en RCA. Depuis que l’armée tchadienne intervient au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane, aux côtés des forces françaises, il est devenu incontournable. Les autorités françaises pensent – à tort – que Déby détiendrait les clés de la fin du drame centrafricain. Le sort réservé à l’ancien président Djotodia serait-il envisagé par la France et le Tchad pour Touadera ? Celui-ci va-t-il être la nouvelle victime de la Françafrique ?
Vexée par le retour des Russes à Bangui, la France fera tout pour punir les responsables de ce qu’elle considère comme un affront et une trahison. Touadera et son équipe sont en sursis.
LES CENTRAFRICAINS ÉCARTÉS DE LA RECHERCHE DES SOLUTIONS
De leur côté, les Centrafricains tiennent Déby pour un des responsables, sinon LE responsable, de leurs malheurs. Les victimes de ses soldats ont constitué un dossier afin d’ester auprès de la Cour Pénale Internationale. L’ONU a même dressé la liste des exactions de la soldatesque tchadienne en Centrafrique. Tant qu’Idriss Déby sera au pouvoir aux bords du lac Tchad, les Centrafricains pensent que leur pays ne pourra aller que de Charybde en Scylla.
Il faudrait que le président Touadera associe ses concitoyens aux débats pour la recherche de la paix et de la réconciliation nationale. Ils devraient être avant tout l’affaire des Centrafricains. Les forces étrangères n’ont pas à prendre le pays en otage. L’instabilité chronique et l’impossible paix sont dues, en grande partie, aux intrusions intempestives exogènes.
DEVANT CES RUMEURS DE DÉSTABILISATIONS, SILENCE DU GOUVERNEMENT
« Attendre et voir » : telle est son habitude. Pas de commentaires, pas de recherche sur l’origines des rumeurs. Aucun démenti. Le lourd silence de la présidence peut s’avérer, in fine, suicidaire.
Mais les ennemis se comptent aussi à l’intérieur du pouvoir. L’entourage immédiat du président Touadera est en effervescence. Le vent de la trahison souffle en rafale dans les couloirs des ministères. De hauts responsables, assoiffés de pouvoir, complotent au cours de messes basses, nouent des alliances occultes, pactisent avec le diable, concoctent des revirements et pensent déjà aux présidentielles de 2021 – l’important étant, le moment venu, de sauver sa tête et de rester autour de la marmite. Le président Touadera doit se rendre compte que le danger viendra aussi de tous les aigrefins qui l’entourent.
Ces rumeurs sont les signes avant-coureurs d’un sauve-qui-peut imminent. Certains ministres, sous le sceau de l’anonymat, avouent craindre qu’une foule de jeunes en colère ne vienne mettre le feu à leurs villas et s’en prennent à leur personne, suite à un changement brutal du pouvoir.
La situation qui prévaut dans le pays interdit toute dispersion des forces vives capables de tout faire pour parvenir à la paix. Il faut qu’elles se concentrent sur l’essentiel pour sauver le pays : la paix et la réconciliation nationale. C’est l’affaire de tous les Centrafricains.
Un texte de : JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI ET LOAWE A BANGUI
(19 juin 2018)