Centrafrique : REGARD BILANTAIRE DU CINQUIÈME DE LA MANDATURE DU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
Bangui, le 1 avril 2017.
Par : Bernard Selemby-Doudou.
Les secondes, minutes, heures s’accumulent et c’est ainsi que les jours se comptent jusqu’à l’année. Notre chère patrie avait connu une crise politique et militaire qui a réduit en lambeaux toutes les couches de la société centrafricaine. Avec le concours des partenaires et de la communauté internationale, la Centrafrique a réussi contre toute attente à rétablir l’ordre constitutionnel en élisant sans contestation un President de la République. Au lendemain du premier anniversaire de la mandature, certains observateurs de la vie politique centrafricaine s’amusent à esquisser un bilan. Nous estimons qu’il est trop tôt de parler de bilan mais plutôt d’un état des lieux, un inventaire en s’interrogeant de la manière suivante : comment l’élu de la nation a hérité le pays ? Quelles sont les œuvres entreprises ou réalisées ? Quels sont les chantiers en cours ? Où en sommes-nous à l’heure actuelle ?
Un regard rétrospectif, un balayage sur une série de domaine s’impose. La sécurité, la paix et l’unité nationale s’invitent à la première loge car elles constituent les attentes prioritaires de tous les centrafricains. Sur ce domaine, des avancées insignifiantes sont enregistrées. Les centrafricains continuent de pleurer leurs morts, une bonne partie du territoire national est encore occupée par des groupes armés, une absence de représentation et de déploiement de l’autorité de l’Etat dans nos provinces, le programme DDRR qui piétine ou s’enlise, aucune initiative fiable en vue de favoriser le retour des réfugiés, les déplacés internes ont été contraints de regagner leur domicile délabré moyennant des sommes en deçà du minimum des attentes.
Au moment où les centrafricains manquent de sécurité, un impressionnant dispositif de sécurité traîne derrière les deux premières dames. Cette situation fustige certains observateurs de la vie politique. Pour palier à ces insuffisances, nous rappelons au President de la République qu’il est légitime de changer d’approche et de méthode dans le dossier du DDRR en intimant l’ordre à la Minusca et de solliciter l’appui des États limitrophes pour reconquérir par la force les territoires occupés.
S’agissant de la justice, les autorités prônent l’impunité alors que le sort des victimes reste incertain, les bourreaux ou seigneurs de guerre sont libres et non inquiétés. Mais nous mettons en relief une avancée très considérable dans la mise en place de la cour pénale spéciale. En rapport avec la cour pénale spéciale, notre pays manque cruellement de structures carcérales et surtout de centre de réinsertion de jeunes délinquants. La situation humanitaire ne cesse de dégrader avec des attaques quasi permanente sur les installations humanitaires atteignant parfois l’intégrité physique des humanitaires. En ce qui concerne la démocratie et la bonne gouvernance, nous félicitons le pouvoir d’avoir respecté les termes de la constitution. En effet, toutes les institutions prévues par la constitution ont été in extremis mises en place à l’exception du sénat mais nous craignions que ces structures républicaines ne soient des coquilles vides aux ordres du pouvoir. Alors à quand les élections municipales ? À quand le parti politique du President de la République ?
La mutation du groupe parlementaire “les cœurs unis” en “Alliance Patriotique Présidentielle” est-elle une marche vers la création d’un nouveau parti politique ? Le respect des droits de l’homme est à demi teinte car des fiches, arrestations, auditions et des exactions de l’entourage présidentiel sont enregistrées. Au niveau économique et financière, nul ne peut se réaliser dans un pays sans la sécurité et la paix. Les succès patents enregistrés sont la réussite de la table ronde de Bruxelles et l’ouverture des négociations avec les institutions financières de Breton Woods. Les autres efforts ne sont pas visibles même s’ils s’inscrivent dans la durée. Sur ce volet, des questions taraudent dans la tête du citoyen lambda : en dehors des salaires, les bourses des étudiants et les pensions des retraités sont payées ? Avons-nous une idée du taux de chômage en général et celui des jeunes en particulier ? Combien de jeunes diplômés sont devenus des commerçants ? Les dépenses faramineuses engagées pour les festivités du premier anniversaire étaient-elles nécessaires ?
Compte tenu du contexte socio-économique, une célébration modeste et symbolique suffisait. Les innombrables sorties médiatiques des premières dames sont financées sur quels fonds ? Quelles sont les sources de financement de leurs fondations et/ou actions caritatives ? Sur le plan social, combien de centrafricains ont accès à l’eau potable et à l’électricité ? Quelles sont les réformes entreprises pour améliorer l’accès aux soins, à l’éducation et à la formation ? Pour les infrastructures c’est à dire les routes, l’aéroport, les voies navigables, les logements, les hôpitaux, les écoles, les centres sportifs et culturels, l’université, quelles sont les actions en vue ? La diplomatie centrafricaine qui devrait être une diplomatie économique, marchande est moribonde et effacée. Nous invitons à cet effet le chef du département de s’impliquer d’avantage car ça ne sont pas les compétences qui lui manque, c’est juste une question de management. Une réussite notable est à mettre à l’actif du pouvoir sur la question du genre. La loi sur la parité permettra à la junte féminine de s’affirmer et de s’imposer mais cette nouvelle loi a été timidement appliquée dans la mise en place des nouvelles institutions républicaines. Nous faisons l’économie des rubriques écologiques et agro-pastorales mais retenons simplement qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite et beaucoup reste à faire. Il faut noter que le facteur temps a joué en faveur du chef de l’Etat. Les attentes d’une population meurtrie étaient trop importantes mais nous invitons humblement le President de la République de protéger et de conserver les acquis et de prendre rendez-vous pour l’année prochaine. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 31 mars 2017
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections. Tel : 0666830062.