(Corbeau News Centrafrique)
Centrafrique : «mon ambition est de passer d’une armée de projection à une armée
de garnison » F.A. Touadera
Bangui le, 19 juillet 2016. 13:26′.
Par: Eric NGABA.
Les cents jours du président centrafricain Faustin Archange Touadera à la magistrature suprême de l’Etat depuis 30 mars 2016, a permis aux Centrafricains d’apprécier la politique du président démocratiquement élu tel que inscrit dans son programme de société. Dans son programme sur les forces de défense et sécurité, le président Touadera envisage de soigner l’image de l’armée nationale en passant d’une armée de projection à une armée de garnison.
Une armée de projection et ses conséquences
Depuis sa création en 1961, l’armée centrafricaine a toujours fonctionné de manière centralisée faisant d’elle une armée de projection. C’est-à-dire que les interventions opérationnelles se font à partir de Bangui. Ce système de fonctionnement se fait toujours au détriment de la présence permanente sur zone. Et c’est ce qui a entrainé la création de multiples groupes armés sur le territoire national et l’avancée vertigineuse de la coalition rebelle Seleka vers la capitale Bangui. Contrairement à certains pays de la sous-région centrale voire ceux de l’échelle continentale, l’Armée centrafricaine jusque-là ne dispose pas d’une doctrine d’emploi et d’une structure stable, rapatrie de façon judicieuse sur l’ensemble du territoire national. Une armée bancale qui se fait et se défait par la seule volonté du politique.
Les recommandations résultant des Etats Généraux de la défense en 1996 avaient pourtant ouvert la voie à la Restructuration de Forces Armée Centrafricaines (FACA) par l’implantation des unités en provinces. La projection des compagnies sur les sites pour la mise en place des futurs Bataillons d’Intervention Régionaux (BIR) était une initiative de cette montée en puissance progressive des FACA, n’a jamais abouti. Les conséquences d’une armée de projection sont nombreuses et sont néfastes tant sur le plan militaire que social.
Sur le plan militaire, ce système a de nombreuses conséquences occasionnant l’incapacité opérationnelle due aux irrégularités d’évacuation sanitaire par voie aérienne. Cette baisse considérablement le moral de la troupe, la démotive et conforte l’indiscipline au sein des armées. Au plan social, un long séjour en mission allant d’un an à deux ans, crée d’énormes problèmes dans les foyers des militaires, entrainant de nombreux cas de divorce, des contaminations fréquents en maladies sexuellement transmissibles.
L’expérience a démontré que la posture de la projection adoptée depuis la création de l’Armée centrafricaine n’a pas donné de résultats probants. D’où nécessité de faire table rase de ce système et d’évaluer vers une posture de garnison.
L’Armée de garnison et ses avantages subséquents
La République Centrafricaine a besoin aujourd’hui d’une armée républicaine comme l’a souligné le président élu Faustin Archange Touadera dans son discours des 100 jours. Une armée efficace, outillée et capable de remplir ses missions de défense de l’intégrité du territoire national et de garantir la liberté de circulation des personnes et des biens, permet à la RCA de retrouver la stabilité, l’unique gage de développement et de croissance économique durables. Ces dernières années, les agressions et évènements auxquels fait face la RCA, sont multiformes et complexes. Tous ces évènements traduisent un manque réel de vision politique pouvant asseoir une Armée nationale formée, structurée, et équipée.
Les réponses et les moyens à apporter doivent être adaptés à l’environnement géopolitique et géostratégique actuel. La nouvelle stratégie des FACA permettra un meilleur contrôle de l’espace territorial. Cette posture de garnison, adoptée par toutes les armées du monde, a toujours eu des avantages induits. Ces avantages sont notamment un bon maillage territorial ; le positionnement des unités vers les axes de menaces habituelles ; une prompte réactivité des unités avec réduction des délais d’intervention ; une bonne implication socio-économique des unités installées en provinces, une plus grande proximité avec la population, la formation de l’esprit patriotique et républicain chez les militaires ; une plus grande cohésion au sein des unités.
La proximité du territoire centrafricain avec les grands foyers de conflit et crise sous régionale (Darfour, les deux Soudans et le Tchad) vient assombrir les menaces sécuritaires dans le pays où des armes de tout calibre foisonnent et circulent librement, favorisant ainsi l’émergence de nouvelles rebellions aux revendications non fondées et superflues. Face à toutes ces menaces identifiées, les nouvelles autorités centrafricaines issues des urnes doivent apporter de véritables réponses en vue d’atténuer la situation déjà catastrophe et prévenir naturellement d’éventuelles crises.
L’ambition du président Touadera pour une armée de garnison
Dans son discours des cent jours de gestion du pouvoir, le président centrafricain a envisagé le passage de la posture archaïque à la posture moderne dont de l’armée de projection à l’armée de garnison. Pour réponde à cet impératif de sécurité et de défense du territoire national, le président de la République a entamé le processus de réorganisation des FACA, grâce à l’appui de la communauté internationale et le retour à l’ordre constitutionnel.
« Mon ambition, dois-je le rappeler, est de passer d’une armée de projection à une armée de garnison », a-t-il souligné dans son discours. Les FACA, tant réclamées par le peuple centrafricain, doivent reprendre leur mission régalienne qui est celle d’assurer la protection des personnes et des biens et de défendre l’intégrité du territoire menacée par des escadrons de la mort qui prennent en otage les paisibles populations.
Pour ce faire, la conférence de Bruxelles avec les bailleurs en novembre 2016, est un tournant décisif pour la RCA afin de réussir ce programme de restructuration des FACA. C’est l’occasion pour les autorités centrafricaines de négocier la levée de l’embargo dont les FACA sont victimes. Le président a indiqué qu’une chaîne de commandement organique et fonctionnelle est mise en place. De nombreuses formations non opérationnelles et des cycles de recyclages des officiers et sous-officiers ont été dispensés par l’EUMAM (Forces de l’Union européenne) et la Mission onusienne, la MINUSCA.
Par ailleurs, le président Touadera a indiqué qu’il a négocié et obtenu la réouverture des coopérations bilatérales avec l’Egypte, le Maroc et la Chine sur la question de la Défense. Tirant les leçons de l’ancien DDR, il est créé, au sein de la présidence de la République, un Comité stratégique du DDRR/RSS/RN et un comité technique aux fins permettre au chef de l’Etat de suivre personnellement la mise en œuvre de ce programme. Sur invitation du Groupe des Amis de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) des Nations-Unies et avec l’appui de la MINUSCA, une délégation de la République Centrafricaine composée du Ministre de la Défense Nationale, du Ministre Conseiller spécial, Coordonnateur du DDRR/RSS/RN à la Présidence de la République, du Président de la Commission Défense à l’Assemblée Nationale et du Conseiller à la Présidence de la République chargé de la RSS, a effectué une mission à New-York, au siège des Nations-Unies, aux fins de présenter les stratégies et programmes de la RSS en RCA.
« Au cours de cette grande rencontre, tous les participants ont décidé de soutenir nos efforts, et ce, en reconnaissance des efforts de dialogue que j’ai entrepris dès ma prise de fonction en direction des groupes armés » a martelé le professeur Faustin Archange Touadera avant d’ajouté : « Je saisis cette occasion pour saluer les engagements de la France, du Maroc, de l’Italie, de la Suède, de la Banque Mondiale et des USA qui ont annoncé des financements déjà disponibles pour certaines actions du DDRR et de la RSS ».
En ce qui concerne la sécurité intérieure, le président a fait savoir que la Gendarmerie et la Police ont connu une montée en puissance de leurs capacités opérationnelles, grâce au déploiement des Gendarmes et Policiers dans certaines villes de province, à savoir Bambari, Boda, Bria, Ndélé, Bozoum, Paoua, Carnot, Gadzi, Bocaranga, Bossangoa et Koui. Sur les 122 Brigades de Gendarmerie, 96 sont déjà opérationnelles. Cette opération doit s’étendre petit à petit à d’autres villes de provinces, sur la base d’un plan prévisionnel.
« Nous avons, en perspectives, de créer au moins trois(3) Légions de Gendarmerie Territoriale et Mobile et un Escadron de Gendarmerie Mobile par Groupement pour prendre en compte la densité de la population et l’augmentation du taux de criminalité dans les villes » a-t-il renchéri.
Aussi, les Forces de Défense et de Sécurité doivent renforcer le contrôle des frontières centrafricaines contre les menaces asymétriques, le cyber criminalité transfrontière, la prolifération des armes légères et des petits calibres, le blanchissement d’argent, le trafic de drogue et de stupéfiant, le terrorisme et la traite des humains. Le Gouvernement s’attèle à l’assainissement des effectifs tout en veillant au changement de comportement afin d’avoir des soldats aptes à accomplir les missions qui leurs sont dévolues.
Copyright CNC.