L’ORAISON FUNÈBRE AVANT L’INHUMATION DE LA DÉMOCRATIE PAR VOIE RÉFÉRENDAIRE.
Bangui, 14 juillet 2023 (CNC) – Pour satisfaire des besoins conjoncturels et égoïstes en vue de s’éterniser à la magistrature suprême de l’état, le pouvoir de Bangui renie son solennel serment et propose au peuple souverain de se prononcer sur un projet de constitution par référendum.
En effet, par décret N*23.134 du 30 mai 2023, portant convocation du corps électoral au scrutin référendaire du 30 juillet 2023, le président de la république a déclenché le processus d’inhumation de la constitution du 30 mars 2016 et par voie de conséquence l’avènement d’une nouvelle république.
Comparé à la constitution en vigueur, il apparaît important d’affirmer d’emblée que le projet de constitution soumis à l’appréciation du peuple comporte plusieurs germes crisogènes que les rédacteurs qualifient de changements bénéfiques pour le développement socio-économique du pays.
Au chapitre d’importants changements sur la forme, le projet de nouvelle constitution comporte 15 titres et 186 articles contre 16 titres et 159 articles pour la constitution en vigueur soit un titre en moins et 27 articles supplémentaires.
Tandis que sur le fond, le traditionnel quinquennat présidentiel et parlementaire renouvelable une fois cède sa place à un expérimental septennat renouvelable indéfiniment.
On assiste à la création d’un poste de vice-président désigné par le président de la république lui-même avec des critères très opaques…qui assure la présidence par intérim afin d’organiser les élections en cas de vacances de pouvoir…ce qui représente une concentration de pouvoirs.
Selon les dispositions de l’article 97 du projet, le sénat est supprimé ainsi l’assemblée nationale devient monocamerale c’est à dire composée d’une seule et unique chambre.
À l’exception du président de l’assemblée nationale, le bureau est renouvelé à mi-mandat…ce qui constitue à nos yeux une avancée…
Le projet de constitution demeure muette sur le nombre de députés…ce qui suppose qu’il reste inchangé.
La cour constitutionnelle devient un conseil composé de 11 juges de sexes confondus au lieu de 9 pour un mandat de 9 ans non renouvelables.
Les anciens présidents de la république sont désormais membres de droit du conseil constitutionnel avec voix consultative.
La retraite aussi fait désormais partie
des causes officielles de remplacement des juges constitutionnels.
Selon les dispositions de l’article 148 alinéa 2, 3 juges sont désignés par le président de la république, 3 autres par le président de l’assemblée nationale, 2 enseignants-chercheurs élus par leurs pairs, 2 magistrats élus par leurs pairs et enfin 1 avocat élu par leurs pairs.
Rien que les juges constitutionnels désignés par les autorités politiques sont majoritaires sur les 11, le conseil constitutionnel a déjà acquis la majorité absolue capable d’imposer une décision. Le nombre négligeable de juristes chevronnés ampute le conseil constitutionnel de son caractère juridictionnel.
Les points les plus saignants qui cristallisent toutes les attentions sont contenus dans l’article 67 qui fixe les conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle. Non seulement qu’il exclut les binationaux mais également il faut être centrafricain d’origine avec des parents eux mêmes d’origine centrafricaine.
Par ailleurs, nous approuvons le niveau de licence requis et le critère d’âge ramené à 30 ans au lieu de 35.
Au regard de tout ce qui précède, le citoyen lambda s’interroge :
Qui est centrafricain et qui ne l’est pas ?
Qu’est-ce que le pouvoir de Bangui entend par « centrafricain d’origine »?
S’agissant de la désignation des juges constitutionnels, qu’est-ce que le pouvoir de Bangui comprend par « personnalité de réputation professionnelle établie »?
Concernant l’intérim du vice-président en cas de vacances du pouvoir, qui organise les élections en Afrique pour les perdre ?
Après analyse, rien que cette exclusion discriminatoire liée à la nationalité et l’origine privant le pays de compétence justifie le rejet de cette ânerie de constitution…le reste n’est que du folklore.
Ce volet élimine juridiquement tous les adversaires politiques, met fin à la carrière politique de certains et par voie de conséquence renouvelle la classe politique centrafricaine en balayant d’un revers toute une génération…le pouvoir a ainsi la latitude de choisir qui doit être candidat à l’élection présidentielle ou pas.
À l’instar de « l’ivoirité » en Côte d’Ivoire, l’exclusion des binationaux et d’origine à la compétition au fauteuil présidentiel est un facteur crisogene, discriminatoire, un frein pour l’alternance qui est l’essence de la démocratie et une remise en cause des acquis démocratiques.
Pour finir, le préambule du projet confirmé par l’article 2 est en totale déphasage avec le corpus car le préambule prône l’unité nationale, la cohésion sociale, la justice, le vivre ensemble, l’égalité des chances tandis que le corpus du projet cultive la haine, la discrimination, la xénophobie…le rejet de l’autre.
Le président de la république concentre ainsi tous les pouvoirs…ce qui est très dangereux…il est omniprésent à la présidence, préside le conseil des ministres, désigne le vice-président, est membre de droit du conseil supérieur de la magistrature…et même après le pouvoir, est membre de droit du conseil constitutionnel.
Cette nouvelle constitution crée plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Ce qui est sûr, le oui peut être victorieux au référendum du 30 juillet 2023 mais l’avenir du pouvoir sera incertain.
À l’instar des autres présidents qui ont tenté cette aventure, nous vous recommandons humblement qu’étant otage des mercenaires de Wagner, vous avez encore la latitude de renoncer à ce projet funeste porté par des « profito-situationistes ».
N’oublions surtout pas qu’on ne récolte que ce qu’on a semé et que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets…malheur à ceux ou celles qui s’attendent paradoxalement à un résultat contraire.
Mais attention ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.
Paris le 13 juillet 2023.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
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