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CENTRAFRIQUE : LES VELLÉITÉS DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE, UN REMPART CONTRE LA TRANSITION POLITIQUE DÉSORMAIS  IRRÉVERSIBLE.

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Monsieur Bernard Selembi Doudou, l’auteur de l’article. Photo de courtoisie.

 

Bangui ( République centrafricaine ) – Après la parenthèse « Séléka » sanctionnée par une transition politique consensuelle, la République centrafricaine est officiellement entrée dans la sphère démocratique par la prestation de serment du président de la république le 30 mars 2016. À la lecture des dispositions de l’article 35 alinéa 2 de la constitution, le nouveau locataire du palais de la renaissance était investi d’un mandat de cinq (5) ans avec une possibilité de le renouveler une seule fois.

 

Il était évident que l’héritage du pouvoir n’était pas prometteur avec d’énormes défis à relever. Dans ce sens, les efforts du pouvoir sont vains pour assoir l’autorité de l’état et d’imposer l’ordre public dans les zones occupées à 80 % du territoire national par les groupes armés. A cela s’ajoutent le processus électoral qui s’enlise graduellement et la difficulté à convaincre les partenaires au développement à financer les élections. Qu’à cela ne tienne, la crise sanitaire mondiale générée par le coronavirus est une aubaine, un prétexte parfait pour justifier le report des élections alors que les observateurs avertis de la vie politique centrafricaine savaient déjà que le calendrier électoral était intenable et que les élections ne pouvaient se tenir dans le respect du délai constitutionnel. A ce propos, l’article 35 alinéa 3 prohibe de façon catégorique la prorogation de la durée du mandat du président de la république.

A titre de rappel et selon les dispositions de l’article 36 alinéa 10 de la constitution, « l’élection du nouveau président de la république a lieu quarante cinq (45) jours au moins et quatre vingt dix (90) jours au plus avant le terme du mandat du président en exercice ». En conséquence de ce qui précède, dépasser la date du 30 mars 2021, le président de la république n’a aucune légitimité et le pays risque de se plonger dans un vide juridique avec des conséquences incalculables.

C’est dans ce contexte que le pouvoir est tenté d’esquisser une éventuelle révision constitutionnelle ou de négocier une loi d’habilitation à l’assemblée nationale qui permettra au président de la république de légiférer par ordonnances dans le domaine réservé à la loi en vue de proroger la durée du mandat. Apeuré par l’initiative de prorogation du mandat, le citoyen lambda s’interroge :

La solution à la longue crise politique centrafricaine réside t-elle dans la réforme constitutionnelle ? Il est vrai que l’actuelle constitution étant une œuvre humaine est éligible à des réajustements mais cette réforme constitutionnelle est-elle opportune ? En sollicitant les institutions républicaines, l’assemblée nationale et la Cour constitutionnelle sont-elles devenues des bras armés pour accomplir les sales besognes du pouvoir ? Comment peut-on justifier juridiquement et techniquement un tel projet de prorogation du mandat du président de la république ? Doit-on réviser une constitution juste pour proroger la durée du mandat présidentiel ? Les initiateurs de ce macabre projet ont-ils mesuré les éventuelles conséquences politiques, économiques et sécuritaires ?

Au delà de ces questionnements, d’aucuns se plaisent dans le juridisme en évoquant la théorie des circonstances exceptionnelles consacrée par les dispositions constitutionnelles de l’article 42. Il est important de souligner que la théorie des circonstances exceptionnelles consacrées par l’arrêt de principe HEYRIES puis confirmé par l’arrêt dame DOL ET LAURENT qui consacre la légalité d’exception est assortie de conditions cumulatives c’est à dire d’une situation anormale ( guerre, catastrophe naturelle etc…) et de l’impossibilité d’agir légalement.

Ainsi, il apparaît urgent de souligner qu’on ne peut exploiter isolément l’article 42 de la constitution. Dans la logique de l’esprit du législateur et surtout dans l’ordonnancement juridique centrafricain, un texte ne peut contredire un autre à défaut d’être illégal. A fortiori, la constitution ne peut évoquer une règle et à la fois son contraire. L’article 35 alinéa 3 de la constitution est clair et formel qu’on ne peut prolonger la durée du mandat présidentiel pour quelques motifs que ce soit. L’exception prévue à l’article 42 pour une loi d’habilitation pour légiférer par ordonnance concerne les domaines qui relèvent de la loi énumérés à l’article 80 de la constitution. Dans l’esprit du législateur, l’article 42 est une exception à l’article 41 qui impose une révision constitutionnelle par référendum.

Au delà de ce qui précède, nous tenons à rappeler que la Centrafrique est de surcroît le seul État en Afrique à surfer sur ce cordon alors que plusieurs États eux aussi en année électorale n’ont esquissé ce genre d’entorse à l’ordre juridique établi. Il s’agirait de la Côte d’Ivoire ( élection prévue le 31 octobre 2020) du Niger, élection la même date que nous (27 décembre 2020) du Burkina Faso (octobre 2020) etc…En outre, il faut faire attention car une révision constitutionnelle risque d’ouvrir la voie à un troisième mandat car les compteurs seront remis à zéro c’est à dire que le président est éligible à partir de la nouvelle constitution à faire quinze (15) ans au pouvoir.

Enfin, par la méthode éliminatoire, la transition politique consensuelle reste la solution idoine car ce que le pouvoir n’a pu faire en quatre (4) ans, le président de l’assemblée nationale qui assurera la suppléance ne peut le faire en trois (3) mois.

Par ailleurs, n’oublions pas que dans la tradition jurisprudentielle des transitions, celui qui la dirige ne se présente pas aux élections qu’il a lui-même préparées.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 10 avril 2020.

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

 

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