Centrafrique : La ville de Paoua prise en étau par la coalition RJ-MPC
Bangui, le 4 avril 2017.
Par : Fred Krock, CNC.
Paoua, ville située à 495 km au Nord de Bangui connait une situation sécuritaire précaire, peut-être pire que Bambari et autres qui font la Une. Mais la situation de Paoua parait plus particulière étant donné qu’à l’intérieur aujourd’hui, pas un seul homme armé n’est visible, alors tout autour de la ville, dans les rayons de 5 à 20 km, les groupes armés règnent en maitres. Rackettes, tueries menaces à mains armées sont la règle imposée par ces groupes armés dans les huit (8) Communes de Paoua. Populations, autorités locales, opérateurs économiques s’en plaignent mais ne savent à quel saint se vouer.
Après 365 jours d’exercice au pouvoir du Président Faustin Archange Touadera, la paix et la sécurité – Pilier n°1 du Plan national de relèvement et de la consolidation de la paix en Centrafrique (RCPCA) est loin d’être instaurée sur l’ensemble du territoire national. Paoua qu’un reporter de CNC a eu à visiter le week-end dernier ne prouve pas le contraire. C’est la triste réalité.
Le semblant de calme observé dans la ville de Paoua, à la faveur de la présence dissuasive de la MINUSCA, n’est que l’arbre qui cache la forêt. Au-delà que 5 km de la ville, c’est la jungle où les groupes armés lourdement armés représentent le danger de mort, principalement la coalition RJ-MPC enchevêtré en cela de temps en temps par les incursions mortelles des troupes tchadiennes venues de la frontière.
« Ici dans la ville de Paoua, la paix et la sécurité règnent jusqu’à 5 km. Mais dans la périphérie, il n’y a pas la sécurité, il y a des braqueurs, des bandits, des éléments des groupes armés tels que la Révolution Justice (RJ) et ceux du Mouvement patriotique de Centrafrique (MPC) qui dictent leur loi. Même en temps normal, la RJ et le MPC qui combattent les braqueurs et les bandits, ainsi que les éléments incontrôlés, donnent une vue d’insécurité permanente autour de Paoua », a confié M. Ali Amsami, 1er Vice-président de la Délégation spéciale auprès de la commune de Paoua.
Même constat amer fait par le Préfet de l’Ouham-Pendé, M. Gabin Serge Nakombo en tournée, le week-end dernier, dans la localité. « Vous constatez avec moi que depuis quelque temps, la ville de Paoua connait une stabilité relative. Mais je puis vous dire qu’il y a toute une ceinture de groupes armés tout autour de Paoua qui ne permet pas aux opérateurs économiques, aux agriculteurs et aux éleveurs de mener leurs activités. Je le répète que la ville de Paoua est prise en otage par les groupes armés. Il est important que la MINUSCA nous aide à desserrer cet étau aux environs de Paoua permettant ainsi à la vaillante population de cette ville de vaquer à ses occupations », a noté le Préfet.
Au fait, sur l’Axe Tchad, la coalition RJ /MPC est à 15 km au village Béboui jalousement appelé village Bebanguè ; sur l’Axe Bossangoa à 30 km le village Beboura est occupé la coalition RJ /MPC ; au village Gouzé sur l’Axe Paoua – Bozoum il y a la présence de la coalition RJ /MPC ; sur l’Axe Bocaranga à 37 km il y a toujours la coalition RJ /MPC qui sème la terreur.
Ces groupes armés ne vivent quasiment que sur le dos de la population. Un système de « formalité » est mis en place et à chaque barrière tenue par ces groupes armés, les passants sont contraints à verser de l’argent, faute de quoi, l’on est passé à tabac, parfois mort s’en suit, à en croire des témoignages.
La sécurité est tenue par un seul doigt de la main par la MINUSCA qui se limite malheureusement qu’aux rayons de 5km de la ville. C’est ce qu’a déploré Mme Esther Guetel, Président de l’Organisation des femmes centrafricaines (OFCA) de Paoua et Attachée au service social au sein de la Révolution Justice (RJ) – aile Belanga. Pour elle, « puisque la sécurité à Paoua n’est pas tenue par l’Etat, la MINUSCA est le seul rempart de la population civile en ce qui concerne la sécurité. Ce qui est déplorable, c’est que la MINUSCA n’est que basée dans la ville de Paoua, alors qu’aux alentours sévissent les groupes armés, notamment dans les villages et à la frontière avec le Tchad », a-t-elle affirmé.
Elle a en a profité pour plaider le sort de la femme de Paoua qui, selon elle, est non seulement exposée à toute sorte de violence, mais elle est handicapée dans ses activités économiques par la présence des groupes armés dans la localité. « La femme paysanne de Paoua a besoin d’aller au champ ou dans les marchés hebdomadaires pour approvisionner la ville, malheureusement c’est là que règnent les groupes armés. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, j’ai personnellement en ma qualité de Présidente de l’OFCA, reçu des femmes qui sont agressées sexuellement par des groupes armés, je les ai conduites au Bureau Droit de l’homme de la MINUSCA, puis à la Gendarmerie pour leur prise en charge ».
La même inquiétude quant aux conséquences de cette situation sécuritaire sur les activités socioéconomiques est exprimée par Ali Amsami qui affirme : « Nous étions contents lorsque le Président de la République, Pr Faustin Archange Touadera était venu à Bossangoa pour lancer la compagne du coton. Mais en même temps, nous sommes inquiets que les agriculteurs de Paoua ne sauront jamais contribuer à la production du coton, si les environs de la ville, là où il y a les champs, continuent d’être occupés par des groupes armés. C’est pourquoi, nous demandons au Président de tout faire pour négocier rapidement aux leaders du MPC et de la RJ et de procéder au DDR, afin que la laborieuse population de Paoua puisse démarrer la campagne agricole ».
A en croire le Préfet Gabin Serge Nakombo, des initiatives, notamment des rencontres et échanges ont été prises pour discuter avec les groupes armés dans l’optique de ramener la paix véritable à Paoua, mais elles n’ont pas encore porté de fruits : « Au niveau de la MINUSCA, on me dit qu’il y a une opération en vue, mais les résultats sont encore mitigés », a-t-il précisé.
Somme toute, la population de Paoua est loin de voir le bout du tunnel quant à sa sécurité et la ville reste étranglée par les groupes armés d’où nécessité pour les autorités, notamment le président de la République qui vient à peine de présenter son bilan d’un an, d’intervenir le plus rapidement possible en faveur des populations de Paoua, surtout pour sauver la campagne agricole de cette année.
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