CENTRAFRIQUE : LA PROMISCUITÉ DES NORMES HUMANITAIRES ET LE DROIT POSITIF DANS LES CONFLITS ARMÉS.
Bangui, le 14 mars 2017.
Par : Bernard Selemby-Doudou.
Quelques soient les causes ou les mobiles de la crise centrafricaine, le plus long conflit armé de l’histoire de notre chère patrie s’est caractérisé par une violence incomparable, une barbarie, des actes cauchemardesques et une atrocité inégalée. Selon des constats amers, des villages et personnes brûlés, des personnes découpées à la machette, des femmes enceintes éventrées, des traitements inhumains sur des personnes vulnérables et même sur des dépouilles mortelles. Pour atteindre leurs objectifs, les belligérants ont-ils besoin de pousser le niveau de barbarie à une échelle extrême ?
Dans les conflits armés, on assiste entre autres à des agressions des organisations non gouvernementales publiques ou privées qui œuvrent dans le domaine humanitaire, des agressions des hôpitaux, des personnes âgées et parfois des grabataires. Pour répondre à ces genre de préoccupation, le comité international de La Croix rouge avait initié une règle appelée communément “Droit de guerre” dont il est le garant. Cette règle codifiée a eu un corpus à travers les quatre conventions de Genève du 12 août 1949, les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 et le dernier protocole additionnel de 2005. Les alinéas 1 et 2 de l’article 3 commun des quatre conventions de Genève énoncent les conduites à tenir par chacune des parties en cas de conflit armé et disposent : “d’abord les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres des forces armées qui ont déposé les armes et des personnes qui ont été mis hors de combat par maladie, blessure, détention ou pour toute autre chose seront en toute circonstance traitées avec humanité sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue. Enfin, les blessés et les malades seront recueillis et soignés”.
La lecture synoptique de cette convention de Genève connue traditionnellement sous le nom de “Droit humanitaire international” impose le respect de la dignité humaine, le respect des droits de l’homme et en cela découle une valeur universelle. Ainsi existe un droit dans les conflits armés mais les centrafricains sont fondés légitimement à s’interroger si notre pays est signataire et a ratifié cette convention.
Nous présumons que la Centrafrique a ratifié la convention de Genève au même titre que la quasi totalité des nations. Par définition, le droit humanitaire international est une branche du droit international public qui consiste à limiter l’usage de la violence, des atrocités dans les conflits armés. Par ailleurs, quelle est la place de cette convention dans la hiérarchie des normes centrafricaines ? Comment s’intègre t-elle dans le droit positif centrafricain ? Ces normes humanitaires protègent-elles des violences ? Les actes posées par les seigneurs de guerre sur la population centrafricaine violent les dispositions de cette convention, pourquoi les chefs de guerre ne sont pas inquiétés ? Qu’attendent les autorités centrafricaines de les traduire devant les instances judiciaires ? A défaut d’institutions judiciaires fiables, pourquoi les autorités ne sollicitent pas la cour pénale internationale ? La cour pénale spéciale qui a été créé est mise en place pour juger qui ? Les autorités centrafricaines ont-elles les instruments et les moyens de faire respecter ou de sanctionner les violations répétées des normes humanitaires ?
La mise en application de cette convention passe indiscutablement par la politique de l’impunité mais outre le laxisme, la passivité, l’hésitation, l’indécision, la nonchalance et le manque de volonté politique, le citoyen lambda se pose la question : combien d’informations judiciaires ont été diligentées par le parquet général ? Combien de dossiers ont abouti ? Certaines informations judiciaires sont closes eux même sous le poids des autres dossiers. Il faut noter qu’en cas de défaillance des institutions judiciaires nationales, la cour pénale internationale apporte un début de solutions à cette préoccupation pour sanctionner les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes de génocide. La cour pénale internationale a été initié par le statut de Rome en 2002 pour sanctionner les violations du droit de guerre.
C’est un gage de l’inaction des juridictions nationales mais malheureusement parmi les affaires examinées par la cour pénale internationale souvent mis en cause et critiquée, peu d’affaires ont été faites à la demande des États. Cela démontre un manque de volonté politique de la part de nos gouvernants, ce qui contribue à l’inefficacité du processus de répression rendant difficile la mise en application des normes humanitaires. Ainsi, pourquoi la cour pénale internationale n’ouvre pas directement une enquête préliminaire contre les seigneurs de guerre qui sévissent en Centrafrique ?
Suite au respect approximatif du principe de respect de la dignité humaine et les timides applications des normes humanitaires, nous proposons au President de la République d’instruire le garde des sceaux pour délivrer des mandats d’arrêt contre les seigneurs de guerre et de solliciter le concours de la cour pénale internationale. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 10 mars 2017.