Centrafrique : La justice annule une fois de plus l’assemblée générale fantoche de l’Union des Musiciens Centrafricains

Rédigé le 25 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Trois ans après le début de cette crise institutionnelle qui plombe l’Union des Musiciens Centrafricains, la justice vient une nouvelle fois de trancher en faveur de la légalité et de la démocratie. Dans une ordonnance de référé rendue le 24 novembre 2025, le Tribunal de Grande Instance de Bangui a suspendu les activités du bureau illégalement constitué par Guéré-Mbenzi Saint Juste et ses complices le 31 octobre dernier. Cette décision confirme ce que nous écrivons depuis des mois : l’assemblée générale organisée au Centre Culturel Catherine Samba-Panza n’était qu’une comédie montée de toutes pièces par le Ministère de la Culture pour contourner la volonté démocratiquement exprimée des musiciens centrafricains le 30 août 2025.
L’histoire de cette crise commence en 2022, lorsque Louhango Perrin, connu sous le nom de Chengo Baba, est élu président de l’Union des Musiciens Centrafricains lors d’une assemblée générale qui avait donné beaucoup d’espoir aux artistes du pays. Cette élection devait tourner la page d’une longue période d’instabilité et permettre aux musiciens de reprendre en main leur destin collectif. Les attentes étaient énormes, les projets ambitieux, et la mobilisation réelle.
Pourtant, deux mois seulement après son installation, Chengo Baba démissionne de ses fonctions. Les raisons invoquées sont d’ordre professionnel : ses obligations personnelles, explique-t-il, ne lui permettent plus d’assurer correctement la charge de président de l’UMC, étant un soldat FACA. Une décision compréhensible sur le plan humain, mais qui ouvre une période de turbulences dont l’association peine encore à sortir aujourd’hui.
Le règlement intérieur et les statuts de l’UMC prévoient ce type de situation. En cas de vacance du poste de président, c’est le vice-président qui assure automatiquement l’intérim. À l’époque, ce poste est occupé par Dany Ngarasso, qui hérite donc de cette responsabilité transitoire. Les textes statutaires sont précis sur ce point : cet intérim ne peut excéder 45 jours calendaires, période au terme de laquelle une nouvelle assemblée générale élective doit impérativement être convoquée pour désigner un nouveau bureau. Cette disposition existe dans la plupart des associations pour éviter les dérives autoritaires et garantir le renouvellement démocratique des instances dirigeantes. Quarante-cinq jours, c’est largement suffisant pour organiser une consultation, mobiliser les membres et assurer la continuité institutionnelle.
Mais Dany Ngarasso a d’autres plans. Au lieu d’organiser les élections prévues par les statuts, il s’installe confortablement dans le fauteuil présidentiel et transforme son intérim temporaire en présidence permanente. Les 45 jours passent. Puis les semaines deviennent des mois. Les mois deviennent des années. Trois ans et demi plus tard, Ngarasso occupe toujours le poste, en violation flagrante des textes de l’association.
Cette confiscation du pouvoir ne constitue pas un simple dépassement de délai, mais bien une prise en otage délibérée et organisée d’une institution collective. Elle montre aussi la passivité complice des autorités administratives qui laissent perdurer une situation manifestement irrégulière. Face à cette confiscation de leur organisation représentative, les artistes centrafricains ne restent pas passifs. Ils multiplient les démarches pour dénoncer cette situation et réclamer l’organisation d’élections libres, inclusives et transparentes.
Leurs revendications sont légitimes et mesurées. Ils ne demandent rien d’extraordinaire : simplement le respect des statuts de leur association et l’application des règles démocratiques les plus élémentaires. Ils rappellent que l’UMC ne constitue pas la propriété privée de Ngarasso ou de ses soutiens politiques, mais appartient à l’ensemble des musiciens du pays. Sans direction légitime, l’UMC peine à défendre efficacement les intérêts de ses membres. Elle ne peut pas non plus développer les partenariats et les projets dont la profession a besoin pour se structurer et se développer.
C’est dans ce contexte que se déroule, le samedi 30 août 2025, l’assemblée générale élective qui devait mettre fin à cette crise. Cette consultation, longtemps attendue par les artistes du pays, se tient dans un climat de réconciliation et d’espoir. L’élection d’Armand Touaboy à la présidence de l’UMC constitue un tournant pour la musique centrafricaine. Accompagné d’une équipe qualifiée comprenant Kaïda TG comme vice-président, Chantal Bobo au secrétariat général, Armel Eka comme délégué aux affaires, Freddy Kopaya aux affaires sociales et Dany Mandaba-Bara Marwane à la communication, ce nouveau bureau incarne la volonté des artistes de reprendre leur destin en main.
Le scrutin se déroule dans le respect strict des procédures statutaires de l’association. Les musiciens centrafricains exercent leur droit souverain de choisir leurs dirigeants dans un cadre démocratique et transparent. Aucune irrégularité n’est constatée. Le processus électoral est irréprochable. Au-delà de la normalisation institutionnelle, la tenue de cette assemblée représente une victoire de la démocratie associative sur les tentatives de confiscation institutionnelle. Malgré les pressions et les manœuvres administratives qui avaient tenté d’empêcher ce scrutin, les musiciens centrafricains font preuve d’une détermination exemplaire pour préserver l’autonomie de leur organisation.
Mais c’est sans compter sur l’ego surdimensionné de Dany Ngarasso et son refus catégorique d’accepter le choix démocratique de ses pairs. Plutôt que de reconnaître sa défaite et de faciliter une passation de pouvoir sereine, l’ancien président par intérim décide de transformer son échec personnel en une nouvelle crise institutionnelle. Incapable d’accepter que les musiciens centrafricains aient choisi un autre leader, Ngarasso refuse obstinément de transmettre les documents officiels et archives de l’UMC au nouveau bureau élu. Cette rétention de documents, qui pourrait constituer un abus de confiance ou un détournement, empêche le nouveau bureau d’exercer normalement ses fonctions.
Cette attitude montre une conception profondément antidémocratique du pouvoir. Pour Ngarasso, l’UMC n’est pas une association appartenant à ses membres, mais son fief personnel qu’il peut gérer à sa guise sans rendre de comptes à personne. Cette mentalité d’appropriation personnelle d’une institution collective est malheureusement trop répandue en Centrafrique, où de nombreux responsables d’organisations confondent fonction et propriété.
Mais Ngarasso ne s’arrête pas là. Il bénéficie du soutien actif de son ami Philippe Bokoula, chargé de mission au Ministère des Arts, de la Culture et du Tourisme, qui va manipuler l’administration pour tenter d’invalider l’élection du 30 août. Trois jours seulement après l’élection d’Armand Touaboy, le Ministère des Arts, de la Culture et du Tourisme publie un communiqué de presse daté du 2 septembre 2025. Par ce document, l’administration culturelle exprime son “regret” concernant la tenue de l’assemblée générale élective et rejette purement et simplement sa légitimité ainsi que celle du nouveau bureau élu.
Ce communiqué confirme les analyses que nous avons développées dans nos précédentes publications : nous assistons à une manipulation instrumentée par Philippe Bokoula au profit de son ami Dany Ngarasso. L’ingérence du ministère soulève une question fondamentale : de quel droit un ministère partenaire s’arroge-t-il le pouvoir de valider ou d’invalider les élections d’une association indépendante ? Le droit associatif centrafricain, comme dans tous les pays démocratiques, garantit l’autonomie des associations dans la gestion de leurs affaires internes. Un ministère peut être partenaire d’une association, peut la soutenir financièrement ou techniquement, mais il ne peut en aucun cas se substituer à ses organes statutaires pour décider de sa gouvernance.
Cette distinction n’est pas une subtilité juridique, mais un principe fondamental de la vie démocratique. Si l’administration peut invalider les élections associatives qui ne lui conviennent pas, alors il n’existe plus d’autonomie associative. Toutes les organisations de la société civile deviennent de simples courroies de transmission du pouvoir administratif. C’est exactement ce qui se passe avec l’UMC : le ministère veut imposer un bureau à sa convenance plutôt que de respecter le choix démocratique des membres.
Dans les semaines qui suivent, le ministère franchit un nouveau cap dans son ingérence. Par une note circulaire, l’administration culturelle annonce l’organisation d’une nouvelle assemblée générale élective pour pourvoir “tous les postes prévus par les textes réglementaires de l’UMC”. Cette initiative constitue une provocation manifeste à l’égard du bureau exécutif légitimement élu le 30 août. Le communiqué ministériel invoque un prétendu “désaccord entre les responsables de l’Union des Musiciens Centrafricains” pour justifier cette intervention. Cette formulation est aussi vague qu’elle est trompeuse. Quel désaccord ? Entre quels responsables ? Le ministère se garde bien de préciser, préférant maintenir le flou pour légitimer une démarche qui n’a aucun fondement juridique.
La réalité est beaucoup plus simple : il n’y a pas de “désaccord entre responsables”, mais un refus catégorique de Dany Ngarasso d’accepter le verdict des urnes. Transformant sa défaite personnelle en prétexte administratif, l’ancien président par intérim bénéficie une fois de plus du soutien actif de son ami Philippe Bokoula pour tenter d’invalider une élection parfaitement régulière.
C’est dans ce contexte que se déroule, le 31 octobre 2025, l’assemblée générale fantôche organisée au Centre Culturel Catherine Samba-Panza. Malgré l’existence d’un bureau légitimement élu moins de deux mois auparavant, malgré l’absence de toute base statutaire pour organiser une nouvelle élection, le groupe de Dany Ngarasso et Philippe Bokoula décide de passer en force. Ils louent une salle au Centre Culturel Catherine Samba-Panza – du nom de l’ancienne présidente de la transition de 2014 à 2016 – et organisent leur propre assemblée générale.
Cette comédie se déroule dans des conditions qui défient toute crédibilité. La participation est dérisoire. Les vrais musiciens centrafricains, ceux qui constituent la base de l’UMC, brillent par leur absence. Seuls quelques fidèles de Ngarasso sont présents pour donner une apparence de légitimité à cette parodie démocratique. Peu importe pour les organisateurs : ils procèdent au vote et élisent un nouveau président fantôche de l’association des musiciens centrafricains. Le bureau élu ce jour-là au Centre Culturel Catherine Samba-Panza est représenté par Guéré-Mbenzi Saint Juste, qui devient ainsi le président d’une organisation qui n’existe que sur le papier.
Le ministère de la Culture, loin de dénoncer cette parodie, lui apporte son soutien officiel. C’est exactement ce que voulaient Bokoula et Ngarasso : créer un bureau concurrent qui bénéficierait de la reconnaissance administrative pour affaiblir le bureau légitime d’Armand Touaboy. Mais ils ont oublié un petit détail : la justice existe encore en Centrafrique.
Face à cette violation de leurs droits, les vrais musiciens centrafricains, ceux qui ont élu Armand Touaboy le 30 août 2025, décident de saisir la justice. Ils déposent une requête en référé devant le Tribunal de Grande Instance de Bangui pour demander la suspension immédiate des activités du bureau illégalement constitué par Guéré-Mbenzi Saint Juste. La procédure de référé permet de trancher rapidement en cas d’urgence, lorsqu’une situation nécessite une intervention judiciaire sans attendre une procédure au fond qui peut prendre des mois ou des années.
L’audience se tient le 17 novembre 2025. L’Union des Musiciens Centrafricains, représentée par Armand Touaboy et son conseil maître Pierre Morel Sangone Feindiro, avocat au Barreau de Centrafrique, présente ses arguments devant le tribunal. De l’autre côté, le bureau illégalement constitué est représenté par Saint Juste Guéré-Mbenzi. Le tribunal, présidé par Gervais Mokogba avec Louis-Herbert Essinguira comme greffier, écoute attentivement les deux parties.
Les arguments juridiques sont clairs et sans appel. L’assemblée générale du 31 octobre 2025 n’avait aucune base statutaire. Un bureau venait d’être légitimement élu le 30 août 2025 selon les procédures prévues par les statuts de l’association. Organiser une nouvelle élection deux mois plus tard, sans aucun motif valable, sans respecter les procédures de convocation prévues par les textes, constitue une violation manifeste des règles démocratiques et statutaires de l’UMC.
Le tribunal prend le temps d’examiner le dossier. Une semaine plus tard, le 24 novembre 2025, l’ordonnance tombe. Le verdict est sans équivoque : “Statuant en audience de Cabinet, réputé contradictoire à l’égard de sieur Guéré-Mbenzi Saint Juste, en matière de référé et en premier ressort : Mais déjà ; Vu l’urgence ; Ordonnons la suspension immédiate des activités du bureau de l’Union des Musiciens centrafricains présidé par sieur Guéré-Mbenzi Saint Juste issu de l’assemblée générale du 31 octobre 2025 ; Déboutons le requérant du surplus de sa demande ; Mettons les dépens à la charge de sieur Guéré-Mbenzi Saint Juste.”
Cette décision de justice constitue une victoire éclatante pour le bureau exécutif légitime dirigé par Armand Touaboy et un désaveu cinglant des manœuvres administratives orchestrées par le tandem Philippe Bokoula – Dany Ngarasso. Le tribunal se déclare compétent, la requête est recevable, et l’exécution de l’assemblée générale fantôche est suspendue. Les dépens sont mis à la charge de Guéré-Mbenzi Saint Juste. Le jugement sera notifié à l’Union des Musiciens Centrafricains représentée par Armand Touaboy et au bureau illégalement constitué.
Mais au lieu d’accepter cette décision de justice et de mettre fin à leurs manœuvres, Dany Ngarasso et son groupe ont décidé de persister dans l’illégalité. Selon les informations parvenues à notre rédaction, Ngarasso a envoyé un message hier, lundi, pour annoncer qu’ils vont faire appel de cette décision du tribunal. Ils refusent de respecter la décision judiciaire et comptent saisir la juridiction supérieure pour tenter d’obtenir l’annulation de l’ordonnance de référé.
Cette attitude démontre un mépris total pour la justice et pour l’État de droit. Une décision judiciaire a été rendue, claire et sans ambiguïté, ordonnant la suspension immédiate des activités du bureau fantôche. La réaction normale serait de s’y conformer en attendant l’issue d’un éventuel appel. Mais non : Ngarasso et ses complices annoncent publiquement qu’ils vont continuer leurs activités malgré l’interdiction judiciaire. C’est être dans la crapule, c’est n’avoir aucun respect pour les institutions de la République.
Plus grave encore, cette posture d’opposition systématique aux décisions de justice bénéficie du soutien actif du Ministère de la Culture. Interrogée à la radio sur cette affaire, la directrice de la Culture, Albertine Ouaboua, a tenu des propos qui laissent pantois. Elle a comparé la situation à celle d’un parent qui doit “chicotter” un enfant désobéissant, en expliquant que quand vous avez deux enfants et que l’un fait des “crapules” sans écouter, il faut le frapper pour le corriger.
Cette comparaison est aussi inappropriée qu’elle est révélatrice. D’abord, le journaliste a eu raison de lui rappeler que ce n’est pas au ministère de “chicotter” qui que ce soit, mais à la justice de trancher les litiges. Le rôle d’une administration n’est pas de jouer au parent autoritaire qui distribue des corrections, mais de respecter et de faire respecter la loi. Ensuite, cette métaphore infantilisante montre comment le ministère perçoit les associations : comme des enfants immatures qu’il faut discipliner plutôt que comme des organisations autonomes ayant leurs propres organes de gouvernance.
Mais surtout, cette déclaration révèle l’état d’esprit qui règne au sein de l’administration culturelle.
Cette affaire dépasse largement le cadre d’une simple querelle associative entre musiciens. Elle pose des questions fondamentales sur l’État de droit en Centrafrique. Quand une administration publique refuse de respecter les décisions de justice qui ne lui conviennent pas, quand des responsables gouvernementaux encouragent ouvertement la désobéissance aux ordonnances judiciaires, quand le ministère de tutelle soutient un groupe qui viole délibérément les statuts d’une association, c’est tout le système institutionnel qui est menacé.
Par la rédaction du CNC….
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