CENTRAFRIQUE / FRANCE : LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Monsieur le Président,
Vous n’êtes pas sans savoir qu’à cinq mille kilomètres de la France, un pays est en train de mourir.
Ce pays, c’est la République Centrafricaine.
Les médias internationaux, tout comme ceux de votre pays qui devraient être, au contraire, les premiers concernés, gardent le silence sur le génocide en gestation là-bas. Tous les jours, les populations y subissent la cruauté indicible de rebelles armés jusqu’aux dents. Elles sont suppliciées, razziées, massacrées. Beaucoup de ceux qui ont réussi à se sauver ont pris les chemins d’un exil qui semble sans retour.
Le Centrafrique a pratiquement perdu sa souveraineté. Une partition menace son intégrité territoriale. L’agriculture, élément essentiel à la survie des populations, est en carence, car les paysans ont fui les atrocités pour se réfugier dans les profondeurs d’une forêt hostile, laissant derrière eux leurs villages incendiés. L’avenir de toute une jeunesse est, désormais, durablement compromis.
Depuis le retrait de la force Sangaris, la situation n’a cessé de s’aggraver. L’armée centrafricaine, démembrée et désarmée, restait impuissante devant la puissance de feu des rebelles, alors que la présence des soldats français réussissait à freiner leurs ardeurs sanguinaires. Malgré les difficultés d’intervention, les militaires français montaient au front et affrontaient les séditieux, contribuant ainsi à arrêter les massacres qui étaient en train de se transformer en véritable génocide.
Depuis que votre prédécesseur a réduit de façon drastique le nombre des soldats français en République Centrafricaine, les tueries confessionnelles sont devenues quotidiennes. Les massacres se sont multipliés.
Monsieur le Président, lorsque l’ancien territoire colonisé de l’Oubangui-Chari est devenu un état souverain, vous n’étiez pas encore né. Mais, vous le savez, la France, ex-puissance coloniale, et le Centrafrique avaient alors signé un accord de défense, afin de se porter mutuellement aide et assistance en cas de menace ou d’attaque de l’un ou de l’autre.
La République Centrafricaine est aujourd’hui pratiquement assiégée par des mercenaires venus du Tchad, du Soudan et du Niger, qui menacent de procéder à une partition du territoire. On est d’ailleurs en droit de se demander quelles puissances étrangères équipent ces rebelles, transformés en criminels de guerre féroces qui tuent sans discernement.
Mais, dans un premier temps, ne serait-il pas indispensable de demander au Conseil de Sécurité de lever le scandaleux embargo sur les armes à destination de la République Centrafricaine, qui prive les Forces Armées des moyens de défendre leur propre pays ?
Vous vous êtes rendu récemment au Mali auprès des soldats français de l’opération Barkhane. N’était-ce pas le moment de vous rendre également en République Centrafricaine ? La situation y est tout aussi grave.
Un détachement de l’armée française y est encore pour aider la MINUSCA dans ses missions. Mais cet engagement a minima ne suffit pas. La force Sangaris doit revenir en totalité, sinon, une sorte de somalisation de la R.C.A. risque d’advenir.
Plus inquiétant encore : l’Etat Islamique, par l’intermédiaire de Boko-Aram, peut venir créer un foyer djihadiste en Centrafrique et dans les pays limitrophes. Le Cameroun et le Tchad subissent déjà les assauts sanglants de Boko-Aram qui, ne l’oublions pas, a fait allégeance à Daech.
Monsieur le Président, la République Centrafricaine est en danger de mort. Ce pays ne disposant pas de moyens militaires dignes de ce nom pour résister aux assauts des belliqueux, il ne peut compter que sur l’aide de pays amis, dont la France, le principal et le plus ancien de ses alliés.
C’est pourquoi il nous semble nécessaire que la France réexamine son engagement militaire en Centrafrique. La situation chaotique et délétère actuelle préfigure une dislocation du pays, sauf si l’action militaire de la France et de la MINUSCA contraint les rebelles à rejoindre la table des négociations.
En espérant que vous pourrez prendre, le plus tôt possible, les mesures qu’impose la situation dramatique de la République Centrafricaine, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à ma haute considération.
JOSEPH AKOUISSONNE
Journaliste franco-centrafricain
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