Bangui, République centrafricaine, 18 juillet 2020 ( Corbeaunews-Centrafrique ). Les élections groupées c’est à dire les présidentielles et législatives de décembre 2020 marque indiscutablement la fin d’un quinquennat et par voie de conséquence ouvrent droit à un nouveau mandat. La suite logique aimerait que les électeurs soient appelés aux urnes pour choisir le nouveau locataire du palais de la renaissance ainsi que les locataires du palais du peuple pour une septième législature.
S’inscrivant dans le respect des dispositions constitutionnelles qui autorise un mandat renouvelable une seule fois, le candidat naturel mais non encore déclaré du pouvoir sera probablement opposé au multiples concurrents qui tenteront becs et ongles de lui ravir son trône. Au delà de certains candidats qui ont déjà officiellement déclaré leur intention de briguer la magistrature suprême de l’Etat, les jours, semaines et mois à venir seront cadencés au rythme des congrès des différents partis politiques pour investir leurs candidats respectifs.
Animé par le souci de dompter l’électorat, le président de la république sera obligé de justifier son mandat par son bilan crédible soit-il qui tranchera entre les promesses de campagne confirmées dans le discours de prestation de serment du 30 mars 2016 et les différents projets réalisés ou en cours. La balance comptable peu élogieuse et peu glorieuse du président de la république sera la pierre angulaire qui déterminera l’ultime conviction des électeurs en âge de voter. Par contre, les autres candidats qui n’ont pas de bilan à défendre seront autorisés à vendre des illusions voir mentir comme d’habitude avec des promesses matériellement et potentiellement irréalisables.
À ce stade, il apparaît urgent de rappeler que primitivement, l’électorat classique centrafricain est encore basé sur le cordon régional, ethnique, clanique et familial. En conséquence de ce qui précède, il est souvent rare et vérifié que des électeurs de la même fratrie défendent des idéologies politiques opposées ou contradictoires. En outre, pour confirmer le taux élevé d’analphabétisme, les projets de société ainsi que les professions de foie des candidats ne servent à rien dans une sphère où tous les projets de société des candidats se ressemblent et ne se différencient que par des photos de campagne. On assiste parfois à des « copier-coller » mal agencés qui ne reflètent nullement les sociétés et cultures traditionnelles centrafricaines.
Devant l’évidence d’un bilan catastrophique du président de la république caractérisé par l’insécurité, le bradage de l’intégrité territoriale (aucun groupe armé n’est dissout ni désarmé), un accord politique avec les groupes armés non conventionnels en violation des dispositions constitutionnelles, l’institutionnalisation de la corruption, la dilapidation et le détournement impuni de deniers publics…l’opposition démocratique est contrainte si elle espère une alternance démocratique de s’aligner derrière une candidature unique pour s’assurer une victoire après mutualisation de leurs efforts. Convaincu par la versatilité avérée des acteurs politiques centrafricains, le citoyen lambda s’interroge :
Les promesses de campagne de 2016 ont-elles été respectées par le président de la république ? Quels sont les chantiers déjà réalisés ou en cours ? Le peuple est-il satisfait de la balance comptable du quinquennat ? Sur quel bilan le président de la république entend solliciter un nouveau mandat ? Face à ce bilan notoirement calamiteux, le président de la république est-il éligible à sa propre succession ? Par ailleurs, le candidat autoproclamé des pauvres reflétait-il le prolétariat au cours de son mandat ? Pourquoi l’opposition démocratique ne tenterait-elle pas une candidature unique qui a des vertus ailleurs ? Pourquoi ne pas aussi tenter des alliances électorales pour des élections locales (législatives) ? La candidature unique aux présidentielles de 2020 est potentiellement une piste à esquisser pour l’opposition démocratique.
D’ailleurs, à défaut du consensus, des poids lourd de l’opposition vont probablement s’émietter dans le grand nord et par projection dans d’autres régions électorales. N’oublions pas que le pouvoir a déjà réduit le nombre de candidats par un dispositif juridique en multipliant par trois (3) le montant de la caution. L’exercice de candidature unique est certes un problème sempiternel de l’opposition démocratique mais il vaut le prix si les différents leaders font l’économie de leurs égos et orgueils.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que moi.
Paris le 17 juillet 2020.
Bernard Selembi Doudou
Juriste, administrateur des élections