Centrafrique: Éminence le Cardinal Dieudonné NZAPALAINGA préside une Messe en la paroisse Sainte Bernadette à Champigny-sur-Marne (94)
« Honos onus : L’honneur est chargé de responsabilité »
Messe présidée par son Éminence
Monsieur le Cardinal Dieudonné NZAPALAINGA
En la paroisse Sainte Bernadette à Champigny-sur-Marne (94)
Le dimanche, 17 novembre 2016
Allocution introductive intégrale de son excellence
Monseigneur Joachim NDAYEN, Archevêque émérite de Bangui
Éminence, Monsieur le Cardinal,
Excellence Monseigneur STENGER, Évêque de Troyes,
Chers Pères et Sœurs,
Monsieur l’ambassadeur de Centrafrique en France et ses collaborateurs,
Chers amis,
Éminence, permets-moi de continuer à utiliser le « TU » pour m’adresser à toi, même en public ; à toi le CADET ou le FILS que tu fus et demeures encore bien qu’élevé à une très haute dignité de l’Église.
Nous avons appris avec une très grande joie ton élévation au cardinalat. La surprise en même temps, en fut telle, que le journal LA CROIX, a écrit, rapportant les paroles de quelqu’un, « qu’il vaut mieux venir d’un diocèse perdu des périphéries pour avoir le chapeau »de cardinal. Cette personne oublie probablement que le Pape fait, paradoxalement, de la circonférence le centre du cercle : les périphéries sont au cœur de son action. Il honore ainsi un diocèse, ou un pays plus que moyen en termes de chrétienté en y mettant un Cardinal, un prélat de haut rang !
Dès que j’ai appris la bonne nouvelle, j’ai demandé à l’inarrêtable père Irénée de proposer à la diaspora centrafricaine et à d’autres, qui le désirent, le voyage de Rome, afin de participer « de visu », à la cérémonie et procurer du réconfort à notre Cardinal ; puis de prévoir la célébration de ce dimanche à Champigny ou ailleurs !
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Quelques jours seulement avant cette nomination, des compatriotes qui me rendaient visite à Paris me demandaient désespérément pourquoi nous n’avions pas de Cardinal en Centrafrique ?
Je leur répondis, agacé, que ce n’est pas ce qu’il y avait de plus urgent et de plus important dans notre Église ; que cette nomination était à l’entière discrétion du Pape seul, même si ses collaborateurs pouvaient lui faire des suggestions. Souvent, nous croyons que tout se passe dans l’Église comme dans l’armée ou dans l’administration, où l’on avance en grade après un nombre précis d’années de service ! Non ! C’est l’Esprit de Dieu qui propose telle ou telle personne à telle ou telle fonction ou service.
J’ai, cependant, remarqué une chose. C’est que les Papes respectaient jusqu’ici, en Afrique, un équilibre régional dans la nomination des Cardinaux :
- L’Afrique de l’ouest
- L’Afrique centrale
- L’Afrique de l’est
- L’Afrique du sud
- L’Afrique du nord (parfois) qui est plutôt musulmane
- Et les Îles (Madagascar, Maurice…)
En même temps, j’ai observé qu’ils tenaient compte d’un certain équilibre linguistique entre francophones, anglophones et lusophones.
Il y avait pourtant un léger déficit en Afrique centrale. Cette fois-ci, une correction positive a été apportée, mais en faveur de Centrafrique.
Je puis ainsi vous indiquer que les Papes ont créé des Cardinaux, s’agissant de l’Afrique noire francophones, dans les pays suivants :
- Au Sénégal (2 fois)
- Au Burkina-Faso (2 fois)
- En Guinée-Conakry (1 fois)
- En Côte d’Ivoire (3 fois)
- Au Bénin (1 fois)
- Au Cameroun (1 fois)
- Au Congo Brazzaville (1 fois)
- Au Congo RD (Congo-Kinshasa) (3 fois)
- A Madagascar (2 fois !!)
- A l’Île Maurice et enfin en Centrafrique (1 fois)
Manquent à l’appel :
- Le Mali
- Le Niger
- Le Togo
- Le Tchad
- Le Gabon
- Le Rwanda
- Le Burundi
Autrefois, la France avait beaucoup plus de villes où siégeaient des Cardinaux. Je pense à Lille, au Mans, à Toulouse, à Marseille, j’en oublie…
Il y a des villes où le siège parait être cardinalice ; c’est-à-dire qu’il est destiné à un Évêque qui sera cardinal.
Il me semble qu’en Afrique noire francophone, Kinshasa aura peut-être toujours un Cardinal, de même Abidjan. Probablement Dakar, grâce au renom de la ville, tête de pont de l’Afrique, et non pas pour l’importance de la chrétienté.
En France, il y aura évidemment Paris, capitale de la France, la fille aînée de l’Eglise ; et Lyon, le primat des Gaules. Bordeaux parait être un accident, c’est la 3ème ville où siège un Cardinal.
De toute façon les Papes cherchent à nommer de moins en moins de Cardinaux dans les anciens pays catholiques, et en créer un peu plus dans les nouveaux continents. Cependant, que de résistances, en Italie particulièrement, qui regorge de Cardinaux et qui, de ce fait, avait plus de chance de voir un des leurs devenir Pape !
Les derniers Papes ont souvent été très sensibles aux pays ou Eglises qui souffrent de guerres intestines ou de persécutions, dont quelquefois les pasteurs sont emprisonnés. Pour leur donner du moral, une création au cardinalat fait du bien et remonte le moral.
Le Pape François a vécu lui-même la dictature des colonels, les disparitions d’hommes et de femmes. Il se sentait ainsi à égalité avec nous si son pays, l’Argentine, est plus connu ; ne serait-ce que par le football.
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Qui sont-ils, le Pape et les Cardinaux ?
- Le Pape
Le Pape ou le « St Père », « sa Sainteté Pape» vient de tout simplement de « Pappa » (Papas chez les grecs ; Pope chez d’autres peuples, prêtre orthodoxe) que disent les enfants. En« sango », ce serait « Baba ». On appelait ainsi tous les Évêques (IIIème – VIème s), puis on le réserva exclusivement au St-Père, l’Évêque de Rome.
De nos jours, élu par les Cardinaux, le Pape, occupe le siège de Pierre à Rome ; Pierre qui fut à la tête de ses frères, les Apôtres. De ce fait, il jouit d’un charisme particulier qui est de conserver le dépôt de la Foi et de conforter l’Église, par l’enseignement, le gouvernement.
Si le Pape veut consulter toute l’Église (catholique), il convoque tous les Évêques du monde. C’est alors un CONCILE ŒCUMENIQUE.
S’il ne veut consulter que des représentants des conférences épiscopales, c’est un SYNODE.
S’il ne veut s’en tenir qu’aux Cardinaux, c’est un CONSISTOIRE.
Et enfin, s’il s’agit d’un rassemblement de tous les Cardinaux pour élire un nouveau Pape, c’est le Cardinal Doyen du Sacré collège des Cardinaux qui procède à un CONCLAVE.
- Les Cardinaux
L’histoire peut en être longue, mais je vais résumer. Autrefois c’étaient les fidèles et le clergé qui élisaient leur Évêque, y compris l’Évêque de Rome, le Pape.
Puis ce fut réduit aux Curés des principales paroisses et aux diacres qui assistaient le Pape. Ce furent les CARDINAUX car tous les services dépendaient d’eux, ils servaient de charnière à la vie de la communauté (Cardo, en latinveut dire Gond).
Plus tard les Évêques des villes entourant Rome vinrent se joindre à ce groupe. Ils étaient alors CARDINAUX-ÉVÊQUES. On finit par évincer le peuple de la nomination de l’Évêque de Rome (Nicolas II en 1059), pour la réserver aux seuls Cardinaux. Le peuple n’aura qu’à acclamer.
Actuellement dans certains services d’Église qu’on appelle « Congrégations » ou « Dicastères », la direction est assumée par des Cardinaux qui, eux, résident à Rome et ne sont pas chargés de diocèses.
On peut observer que certaines nominations sont purement à titre honorifique.
Les Cardinaux ne reçoivent pas un Sacrement, pas plus que le Pape lui-même. Il n’y a pas qu’une cérémonie de prise de charge d’un service.
Le Sacrement de l’Ordre concerne les Diacres, les Prêtres et les Évêques.
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Eminence, monsieur le Cardinal, tu as 49 ans et tu es le plus jeune des Cardinaux du monde ; comme à l’époque, à 34 ans, j’étais le plus jeune Évêque du monde. Nous avons ensemble le charisme de la précocité en la matière… Ce qui te laisse présager, quant à toi, une relative longévité qu’il faudra assumer comme Prélat de haut vol. En sango, je dirais : « Yéso a ti na ndo ti é so, gui lo oko ‘NZAPALAINGA’ !… »
Éminence, je note que tu as été créé Cardinal au même âge qu’avait le le Président B. Boganda à sa mort, à 49 ans. C’est un présage qui insinue que, sur le plan pastoral, tu es appelé à avoir un rayonnement aussi grand qu’il en a eu sur le plan politique et dans le domaine social.
Ta nouvelle fonction, en plus de celle d’Archevêque de Bangui, t’amènera à participer à plus de réunions à Rome et de par le monde (par exemple pour représenter le Pape à tel ou tel Congrès International).
Chaque Cardinal a un diocèse, une paroisse ou une diaconie dont il est titulaire à Rome : ce qui montre que tu es citoyen du Vatican et vraiment collaborateur du Pape. C’est un atout appréciable pour des soutiens multiformes de ton activité pastorale et sociale en Centrafrique.
Par ailleurs, j’ai observé pendant que j’étais encore « en service », comme l’on dit, qu’auprès des organismes catholiques internationaux et autres, l’on ne refusait pratiquement rien à ceux d’entre nous qui étaient Cardinaux. Il te sera plus facile d’achever les chantiers, de consolider ce qui existe, d’entreprendre ce qui est en gestation. Il y a donc de mon point de vue, une lueur d’espoir à entretenir dans ce contexte nouveau.
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Enfin, cette nomination a, avant tout, une consonance religieuse. Nous en attendons une forte relance dans la diffusion de la Parole de Dieu.
Il nous été donné, dans des circonstances souvent difficiles, de jeter en terre les germes de l’Église en Centrafrique, en assurant un minimum de structures de formation, et en faisant appel à des congrégations masculines et féminines. J’ai la certitude qu’il y aura encore de nouvelles fondations pour une pastorale plus diversifiée.
Je termine en rappelant, Eminence, que lors de l’imposition du pallium à Rome, une délégation centrafricaine t’avait accompagné. Une dame, médecin de sa fonction, te félicita et exprima le souhait qu’un jour tu deviennes Cardinal. Vous vous êtes pudiquement embrassés, comme pour conjurer le sort.
Aujourd’hui, c’est chose faite.
Éminence, tu es désormais, plus que par le passé, cette lampe allumée qu’on ne doit pas mettre sous le boisseau ; mais que l’on place sur le meuble pour qu’elle brille et éclaire.
Les Romains disaient : « Honos, Onus »qui reçoit un honneur, hérite en même temps d’une charge.
Que le Seigneur te donne grâce sur grâce, pour mener à bien ta mission.
Entrée solennelle pour la messe
Propos transcrits et publiés par
Joseph GRÉLA
L’élève du cours moyen
De l’école indigène de brousse de Bakouté