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Centrafrique : des élections sans témoins, sans arbitres et peut-être sans le peuple.

Centrafrique : Le gouvernement centrafricain rapatrie les réfugiés centrafricains du Congo Démocratique 396 réfugiés centrafricains vivant au Congo Démocratique sont de retour à Bangui jeudi 21 novembre 2019 avec le concours des gouvernements Centrafricain, Congolais et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Ils ont été accueillis ce matin au port Amont par les autorités centrafricaines et congolaises. Il s’agit d’une première vague des 1 000 réfugiés centrafricains présents sur la terre congolaise, qui ont été ramenés volontairement grâce à la signature d’un accord tripartite entre le HCR, le gouvernement Centrafricain, de la RDC et du HCR au mois de juillet dernier. Ce cadre juridique encadre le retour volontaire des 400 réfugiés centrafricains dans la dignité et la sécurité. Pour Virginie Baïkoua, ministre de l’action humanitaire, « Des dispositifs sécuritaire, sanitaire, judiciaire ont été pris pour faciliter ce retour. 396 de nos compatriotes, sur les 4000 au RDC, ne sont plus des réfugiés, c’est avec beaucoup de sentiments que nous les avons accueillis », a déclaré Virginie Baïkoua. Des mesures sanitaires ont été prises par la Centrafrique craignant d’être exposée par le virus Ebola qui sévit depuis un an au Congo. Pour cela, une équipe de veille et de contrôle a été installée sur le rivage, « une équipe de surveillance et de lavage des mains est installée. Des appareils de détection des signes d’Ebola nous ont été remis. Au cours de ces observations, quelques personnes ont une température au-dessus de 38°c », a relevé la responsable du centre ambulant de santé, Emma Mbilinaguéra Babo. A en croire le Représentant du HCR en Centrafrique, Buti Kale, ce n’est qu’une première série des retours volontaires qui seront « organisés hebdomadairement pour favoriser le rapatriement total des réfugiés centrafricains au Congo Démocratique », a annoncé Buti Kale. Il y a quelques jours, les réfugiés du Cameroun sont aussi rapatriés par les gouvernements centrafricains et Camerounais encadrés par le HCR à Berberati. Ces retours ne concernent que les zones où la sécurité revient peu à peu. Cédric Wa-Gomba
Les électeurs en rang devant un bureau de vote à Bangui le 31 mars 2016. CopyrightANE.

 

Par Eugenia Pandora et Thierry Vircoulon, chercheur associé au centre Afrique subsaharienne de l’IFRI

 

Bangui, République centrafricaine, jeudi, 24 septembre 2020, 21:37:59 ( Corbeaunews-Centrafrique ). Le gouvernement centrafricain maintient la date du 27 décembre pour la tenue des scrutins présidentiels et législatif malgré les retards et les nombreuses irrégularités signalées après la publication des listes électorales. Le président sortant Faustin-Archange Touadera se trouve aujourdhui dans une position de force qui lui permet de refuser tout dialogue avec l´opposition et de préparer sa réélection au premier tour dans des conditions contestables.

 

Cette année électorale en Centrafrique na pas été moins rocambolesque que celle qui a marqué la fin de la transition en 2015. Pourtant, en principe, les conditions pour la préparation des élections sont très différentes : le redéploiement progressif des fonctionnaires et des forces de sécurité dans les villes de province, l´accord de paix signé à Khartoum entre le gouvernement et quatorze groupes armés en 2019 et le soutien financier des bailleurs pour la reconstruction du pays auraient dû permettre un processus électoral apaisé et consensuel. Néanmoins, à un mois du vote, la scène politique de Bangui est de plus en plus polarisée et aucune organisation ne fera office darbitre impartial de ces élections organisées dans des conditions contestables.

Depuis 2019, la majorité présidentielle sest efforcée de façonner les règles du jeu électoral à son avantage. En premier lieu, l´exécutif a essayé de modifier à plusieurs reprise le cadre légal des élections de façon unilatérale : cela a provoqué des interventions répétées de la Cour Constitutionnelle qui a contrecarré certaines des manuvres les plus grossières. Dabord, le gouvernement a essayé dintroduire dans le code électoral des critères barrières contre certains candidats (par exemple, des frais de candidature importants) : en juin 2019, la Cour a donné un avis défavorable à cette première version de la loi, avis qui a été suivi par l´Assemblée Nationale en août 2019. En avril 2020, la majorité présidentielle a proposé un amendement constitutionnel pour prolonger le mandat du président Touadera et des députés élus si les élections devaient être reportées en cas de force majeure (dans le cas spécifique, lépidémie de la COVID-19). En juin, la Cour Constitutionnelle a jugé non conforme à la charte fondamentale la proposition du gouvernement. Plus récemment, en juillet 2020, l´exécutif a préparé un projet de loi visant à étendre le mandat des commissaires de lAutorité Nationale des Élections (ANE) jusquà la fin du processus électoral, mais cette version a été modifiée in extremis en commission parlementaire en prévoyant le renouvellement du bureau de l´ANE.

Finalement, à trois mois du vote, l´exécutif a proposé dapporter des changements au code électoral pour donner à l´ANE un mois supplémentaire pour compléter lenregistrement des électeurs, après que, alertée par les retards dans lenrôlement des électeurs, la Cour Constitutionnelle avait décidé dauditer lautorité électorale et l´avait sommée de respecter la date du 27 septembre pour la publication des listes. Malgré les vives protestations dune large partie de lopposition, le code électoral a été donc modifié par le parlement le 24 septembre et la publication a été décalée au 27 octobre. Ces interventions répétées de la Cour Constitutionnelle mettent en évidence que la façon de faire de la politique en Centrafrique n’a pas changé :  l´exécutif reste hermétique à la notion de dialogue et cherche à imposer ses vues sans aucune concertation avec les autres forces politiques.

Outre ses tentatives d’instrumentaliser le cadre légal des élections à son avantage, le président Touadera a renforcé son contrôle sur les institutions. Prolongeant la conception tribaliste du pouvoir héritée de ses prédécesseurs, il a placé les membres de son ethnie, les Mbaka-Mandja, dans la garde présidentielle ainsi que dans des postes clés de l’administration et de l’armée. En outre, candidat indépendant aux élections 2015, le président Touadera a créé en 2018 son propre parti, le Mouvement des Cœurs unis (MCU). Dirigé par son ancien premier ministre et bras droit, Simplice Sarandji, le MCU a maintenant des antennes dans toutes les provinces. Récemment, avec la nomination des nouveaux commissaires de lANE en octobre 2020, le parti au pouvoir a réussi à maintenir une forte influence sur lorganisme chargé des élections. Le gouvernement a refusé douvrir des bureaux d´enrôlement dans les camps de réfugiés dans les pays voisins comme cela avait été fait lors de la précédente élection. Environ 620 000 réfugiés centrafricains (dont beaucoup sont musulmans) seront donc cette fois-ci privés du droit de vote. Alors quils ont voté en 2015, le régime vient d´acter un recul du droit de vote cinq ans plus tard, confirmant de facto sa volonté de réduire le corps électoral et de marginaliser les musulmans. Par ailleurs, il a fallu que la MINUSCA sécurise le meeting public de lopposition à Bangui, ce qui laisse présager des obstacles quelle rencontrera en province. L´ensemble de ces manœuvres place aujourdhui le président Touadera dans une position de force qui lui permet de refuser tout dialogue avec lopposition pour garantir la transparence des élections et de terminer le dernier congrès national de son parti avec le slogan : « Premier Tour KO ».

Du fait que laccord de Khartoum a officialisé le statu quo entre le gouvernement et les groupes armés et consacré leur contrôle sur une bonne partie du territoire national, le président sest assuré lappui de certains groupes armés dans la perspective des élections. Certaines élites de Bangui ont très probablement soutenu les milices qui ont affronté et affaibli le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Noureddine Adam dans la zone de Birao et Ndele entre septembre 2019 et avril 2020  le FPRC étant la seule des factions de lex-Seleka qui a développé des revendications politiques. Un accord avec le chef de lUnion pour la paix en RCA (UPC), Ali Darass, devrait aussi garantir le bon déroulement des élections dans les zones du pays que ses hommes contrôlent, et qui dans la dernière année se sont étendues de la frontière sud-soudanaise à la frontière camerounaise (grâce à son alliance avec un autre groupe armé, les 3R de Abbas Sidiki). Par ailleurs l´inclusion de certains représentants des groupes armés dans les listes de candidats du MCU pour le scrutin législatif a été mise en évidence et sanctionnée par la Cour constitutionnelle lors de lexamen de l´éligibilité des candidats. Ce partenariat avec certains groupes armés vise à leur ouvrir les portes de l´Assemblée Nationale et leur conférer l´immunité parlementaire, limiter les possibilités de faire campagne pour lopposition et à intimider les électeurs.

Si le recours aux stratagèmes pré-électoraux et aux artifices juridiques utilisés par les gouvernements précédents montre que le gouvernement actuel continue la même gouvernance exclusive qui a conduit à l´effondrement du pays, il ny a rien de nouveau du côté de lopposition non plus. Depuis les élections de 2015 et malgré le discrédit général de la classe politique dans la population, aucun nouveau leader na émergé dans l´opposition. Ses principales personnalités sont toutes d´anciens politiciens qui incarnent, à plus ou moins forte dose, la mauvaise gouvernance des deux dernières décennies et étaient déjà candidats en 2015. Le meilleur symbole de la stagnation de la classe politique centrafricaine est le retour de lex-président François Bozizé. Un des principaux responsables du conflit qui a ruiné le pays, il est revenu clandestinement en 2019 en Centrafrique dans le but de se présenter aux élections. Il est maintenant la figure de proue de lopposition et préside la Coalition de l´Opposition Démocratique (COD-2020) alors quil a pris le pouvoir par un putsch en 2003, a organisé une fraude électorale massive en 2011 et était décrié comme un autocrate par lopposition démocratique quand il était président ! Si la formation dune coalition dopposition en février 2020 laissait espérer un changement, le fait que François Bozizé soit devenu son président est le signe de limpunité totale qui règne dans la « République de Bangui » et de l´absence de renouvellement dune classe politique complètement déconnectée de la population, surtout dans larrière-pays.

Compte-tenu du rôle de François Bozizé, du manque de cohésion de la COD-2020 et du mélange dalliances opportunistes et de corruption politique, il est difficile d´imaginer comment cette coalition pourrait représenter une menace réelle pour la réélection du président Touadera et comment elle pourrait être crédible quand elle dénoncera haut et fort la fraude électorale.

Pour l´heure, la principale inconnue est de savoir si la candidature de François Bozizé, la figure de proue de lopposition, sera rejetée. En effet, du point de vue technique, il ne respecterait pas la condition qui impose aux candidats d´être résidents en Centrafrique au moins un an avant la convocation du corps électoral. Du point de vue éthique, Bozizé peut difficilement satisfaire le critère de bonne moralité requis pour les candidats et interprété strictement par la Cour constitutionnelle lors de lexamen des candidatures aux élections législatives. François Bozizé fait l´objet de sanctions onusiennes et dun mandat d´arrêt pour crime de guerre et génocide émis et inappliqué par la justice centrafricaine. En cas de rejet de sa candidature, certains craignent que son exclusion des élections suscite des émeutes à Bangui et dans les zones où lancien président reste influent : Bozizé pourrait toujours mobiliser les membres de son groupe ethnique, les Gbaya, au sein de l’armée et parmi les officiers partis à la retraite, ainsi que certaines milices anti-Balaka.

Alors que la qualité des deux précédentes élections (2011 et 2015) était très problématique, que le droit de vote est en recul, que les premiers signes dune organisation électorale médiocre saccumulent et que la neutralité de l´ANE est sujette à caution, il ny aura pas darbitre impartial pour confirmer les résultats officiels. En effet, les listes électorales publiées à la fin du mois doctobre sont entachées de nombreuses erreurs : noms et dates de naissance erronées, photos qui ne correspondent pas à l´identité du votant, noms dorigine musulmane dans certaines villes du pays où cette communauté na pas pu revenir depuis 2013, etc. Contrairement à la pratique habituelle, la régularité des élections centrafricaines ne sera pas analysée par une mission d´observation internationale ni par des observateurs nationaux crédibles, même si lÉglise catholique a signalé à plusieurs reprises ses préoccupations quant à lenregistrement des électeurs. L´absence dun arbitre impartial des élections ne trouble aucunement les bailleurs (au premier rang desquels figure l´Union Européenne) qui les financent et préfèrent une apparence de légalité à un scrutin honnête, alors que dautres partenaires comme la Russie et la Chine ne cachent pas leur intérêt à ce que le président Touadera, leur partenaire daffaires, reste au pouvoir. Hasard du calendrier, la Russie vient de livrer en octobre des véhicules blindés que le président Touadera a tenu à montrer à la population de Bangui et, par là même, à ses opposants.

Tous les facteurs pour que les élections de 2020 constituent un recul démocratique par rapport aux scrutins de 2015 sont dores et déjà réunis : le contrôle de la machine électorale ; les alliances avec les groupes armés ; lacceptation du « droit à un second mandat » pour le président sortant par des internationaux prêts à toutes les complaisances, y compris sponsoriser et reconnaître une élection frauduleuse. Alors que le président Touadera se prépare à être réélu au premier tour dans le cadre dun marché politique fermé et d´une élection sans arbitre, le mécontentement des perdants ainsi quune antipathie croissante des chefs d´État de la région pourraient facilement utiliser la frustration de beaucoup de Centrafricains qui restent exclus des bénéfices de laide internationale massive destinée au pays mais captée par ses élites gouvernantes. Dans cette perspective, il est difficile de comprendre comment une nouvelle élection frauduleuse en Centrafrique fera avancer la cause de la paix et de la stabilité à long terme. Mais après tout, qui s´en soucie ?

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