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Centrafrique : Blaise Didacien Kossimatchi, griot anti-français et pro-Wagner de Touadéra

Bangui (République centrafricaine) – Lancé dans une réforme de la Constitution qui devrait lui permettre de briguer un nouveau mandat mais qui a bien des détracteurs de Bangui à Paris, Faustin-Archange Touadéra veut jouer la carte du soutien populaire. Il s’appuie notamment sur un homme, Blaise Didacien Kossimatchi, héraut mobilisateur et symbole menaçant des dérives de la présidence.

Blaise Didacien Kossimatchi lors de son interview avec les journalistes
Blaise Didacien Kossimatchi lors de son interview avec les journalistes. Photo CNC

 

Rédigé par Jeune Afrique

Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le 17 août 2022

 

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Le document, à en-tête du mouvement Galaxie nationale, est daté du 31 juillet. Il détaille les objectifs de l’ « opération Barbarossa contre les ennemis de la paix » en Centrafrique. Trois personnes y apparaissent nommément désignées comme cibles prioritaires : le bâtonnier Émile Bizon, l’avocat André Olivier Manguereka et l’activiste Ben Wilson Ngassan. Face aux noms des deux premiers, en lettres rouge sang, figure la mention « ligoter et ramener en vie ». Dans la case réservée au troisième, une autre « tâche à exécuter » est inscrite : « sévices corporels appliqués ». Le document précise encore le « matériel à utiliser » : « machette, batte de baseball, couteaux ».

Sur la même feuille au format A4, un deuxième tableau liste sept familles considérées comme « ennemies de la paix », dont celle des activistes Jean-François Akandji-Kombé et Henri Grothe. Leurs « enfants, frères, sœurs, cousins » devront également subir des « sévices corporels ». « Forte récompense en jeu ! » affirme encore le document, relayé sur les réseaux sociaux par la Galaxie nationale. Celle-ci n’en est pas à son coup d’essai. Dans les mois précédents, elle a menacé de représailles bon nombre des opposants au président Faustin-Archange Touadéra ou appelé à des « traitements cruels et inhumains » contre des « troupes françaises » prétendument stationnées en Centrafrique.

Soutien de l’action de la Russie en Centrafrique, Galaxie nationale a également à son actif d’avoir organisé une manifestation en faveur de l’invasion de l’Ukraine. Elle a aussi incité à « envahir l’ambassade de France à Bangui » et à incendier les stations de carburant de marque (française) Total. Derrière ces menaces et cette mobilisation, un homme, dont la signature est bien visible sur le document du 31 juillet : Blaise Didacien Kossimatchi, coordonnateur de Galaxie nationale et pourfendeur proclamé des « ennemis de l’État » et autres « partisans de la Françafrique ».

 

De Meckassoua à Touadéra

 

Mais qui est donc ce « Didacien », prénom par lequel chacun l’appelle à Bangui ? Professeur d’histoire approchant la cinquantaine d’années, il a longtemps enseigné au lycée des Martyrs de Bangui, l’un des plus importants de la capitale, sans véritablement se mêler de politique. Alors que François Bozizé est encore à la tête de l’État, il fréquente les milieux proches du Kwa Na Kwa (KNK), le parti au pouvoir, mais n’en est, selon un témoin de l’époque, qu’un militant du « bas de l’échelle ». Après la chute de Bozizé en 2013, le putsch de la Séléka puis la transition menée par Catherine Samba-Panza, il s’engage en 2015 auprès de Karim Meckassoua, candidat du Chemin de l’espérance pour la présidentielle.

Blaise Didacien Kossimatchi est alors chargé de la mobilisation pour le parti. Mais l’aventure ne dure guère. Rapidement, ses patrons remarquent qu’il a tendance à surévaluer ses besoins matériels et financiers et à s’arranger avec certains chiffres pour s’enrichir personnellement. Le Banguissois est écarté du parti de Meckassoua dans l’entre-deux-tours. Il change alors de protecteur. Alors que se profile le second tour opposant Anicet-Georges Dologuélé à Faustin-Archange Touadéra, il choisit le second, en raison de son ancienne appartenance au KNK, qui soutient le futur président. « Il a très vite retourné sa veste », se souvient l’un de ses anciens associés. Au sein de la machine qui entoure Touadéra, et qui deviendra plus tard le Mouvement cœurs unis (MCU), Kossimatchi rejoint des personnalités en vue telles que Sani Yalo, l’un des financiers de la campagne.

 

Soirées avec le président

 

Durant le premier mandat de Touadéra, Blaise Didacien Kossimatchi se rend utile. N’hésitant pas à descendre sur le terrain, il est chargé, au sein du MCU, de la mobilisation des troupes et d’une partie de l’organisation des meetings. Dès 2016, alors qu’il n’enseigne plus au lycée des Martyrs, il obtient la direction des examens et des concours universitaires à la faculté de Bangui. Peu à peu, il gagne surtout sa place au sein de l’équipe de direction. Des fonds lui sont régulièrement alloués par les barons proches de la présidence, y compris par le conseiller et homme d’affaire Sani Yalo, par Bertrand Arthur Piri (neveu de Touadéra) ou encore par l’actuel ministre Pascal Bida Koyagbélé. Le 17 mai 2017, il créé la « Galaxie nationale centrafricaine ». Quatre jours plus tard, celle-ci est autorisée par le ministère de l’Administration territoriale.

Proche des Requins, organisation de jeunesse elle aussi créée pour défendre dans la rue les intérêts du chef de l’État, Blaise Didacien Kossimatchi a aujourd’hui ses entrées au palais autant qu’à la résidence familiale de Touadéra à Damara, à 75 kilomètres au nord de Bangui. Il n’est d’ailleurs pas rare que le président et son « cadet », comme il lui arrive de l’appeler, passent ensemble une partie de leurs soirées, à discuter de politique ou de leur vie quotidienne autour de rafraîchissements. « Il a la confiance personnelle du président, qui lui offre sa protection. Il n’y a que comme cela qu’il peut se permettre de proférer de telles menaces contre des anciens Premiers ministres et des étrangers », confie un proche du gouvernement.

 

Soutenu par Wagner

 

Protégé par le président et par l’entourage de ce dernier, Blaise Didacien Kossimatchi peut en outre compter sur le soutien – y compris financier – des mercenaires de Wagner à Bangui. Il est en contact, en particulier, avec l’un de leurs plus anciens représentants sur place, Dimitri Sytyi. Présent en Centrafrique depuis près de cinq ans, ce dernier a longtemps été l’interprète de l’ex-numéro un de Wagner, Valery Zakharov, avant de prendre du galon. Francophone, Sytyi s’occupe désormais de toutes les opérations de propagande russe en terres centrafricaines, notamment grâce à une cellule de communication installée à la présidence. C’est cette dernière qui lui permet de suggérer à Blaise Didacien Kossimatchi des actions contre les « ennemis de l’État » et autres « partisans de la Françafrique ».

« Wagner l’utilise pour entretenir le climat de tension avec les Occidentaux. Et Touadéra tient à sa capacité de mobilisation, pour s’attaquer par voie de presse à ses adversaires politiques en vue du référendum constitutionnel qu’il veut organiser », résume une source diplomatique à Bangui, qui invite à ne pas sous-estimer sa capacité de nuisance.

Est-il pour autant intouchable ? Tout porte, pour le moment, à le croire. Ces dernières semaines, plusieurs plaintes ont en effet été déposées devant la justice centrafricaine, notamment le 6 juillet par l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé pour diffamation, injure et outrage. Loin de mettre un terme à ses communiqués, « Didacien » répondait le 31 juillet en menaçant de « sévices corporels » André Olivier Manguekera, l’avocat de Martin Ziguélé.

 

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