Centrafrique : Biens mal acquis, Faustin Touadéra, impliqué, tente de freiner les enquêtes en cours en France.
Bangui, le 22 mai 2017.
Par : Gisèle MOLOMA, CNC.
Face aux situations sécuritaires qui se dégradent de jour en jour, on le croyait donner sa langue au chat. Tant s’en faut. Le président Faustin Archange Touadéra, s’il est empêtré dans une affaire qui touche sa personne ou son patrimoine, n’hésite pas à pousser très loin ses réflexions, quitte à sacrifier toute une nation. Pour preuve : l’affaire de ses biens mal acquis devant le parquet financier de Paris. Après son accession au pouvoir, il freine des quatre fers la procédure engagée par l’Etat centrafricain en novembre 2015. Une enquête spéciale CNC, pour une révélation spéciale CNC.
L’affaire remonte en 2014, quand madame Catherine Samba-Panza succède à Michel Djotodja à la tête du pays comme Présidente de la Transition. Sous la pression de la Communauté internationale qui recherchait les mécanismes financiers ayant permis à François Bozizé, sa famille, son entourage et certains d’autres à s’enrichir en seulement dix ans de règne, l’ancienne Présidente de la transition madame Catherine Samba-Panza a instruit l’avocat français William Bourdon de déposer plainte au nom de l’État centrafricain en France pour « blanchiment de corruption d’agent étranger, détournement de fonds publics, enrichissement illicite, recel et abus de biens sociaux ». C’est ce qu’il a fait le 12 novembre 2014 devant le parquet financier de Paris.
Selon l’avocat français Willian Bourdon mandaté par l’État centrafricain: « Le sens de cette plainte, c’est premièrement, l’inventaire du patrimoine immobilier et mobilier qui aurait été acquis dans des conditions frauduleuses par le clan Bozizé et certains de leurs complices, sans oublier un certain nombre d’opérations “commerciales” à l’occasion desquelles les commissions auraient été versées de façon illicite et auraient participé à l’enrichissement d’un certain nombre de citoyens français et parmi lesquels le nom de monsieur Balkany avait été cité».
D’après les premiers éléments de l’enquête préliminaire fuités peu avant les élections présidentielles, Faustin Archange Touadéra, alors Premier ministre de François Bozizé est l’un des profiteurs du système Bozizé. Selon une source centrafricaine proche du dossier, Faustin Archange Touadéra, est arrivé en quatrième position après Bozizé François, Sylvain Ndoutingaï et Francis Bozizé. « Il a un volumineux et riche patrimoine immobilier et mobilier estimé par les enquêteurs du parquet financier de Paris à 18.100 500 d’euro soit environ 12,550 000 000 (douze milliardes cinq cent cinquante million) de F CFA » ajoute cette source.
D’après cette source, le président Touadéra, lors de ses multiples interrogatoires devant les enquêteurs français, avait du mal à établir les circuits financiers légaux qu’il a pu mettre en place pour emmagasiner une telle fortune qui frise celle de la famille Poutine à seulement cinq ans au poste de Premier ministre d’un pays pauvre.
Une fois au pouvoir d’État le président Faustin Archange Touadéra, non seulement refuse de coopérer dans l’enquête, (en brandissant son immunité diplomatique de Chef de l’Etat), mais, selon nos sources, a instruit son frère, le ministre de la Justice Flavien Mbata à tout faire pour retirer la plainte déposée par l’État centrafricain en novembre 2014.
Cette prise position du président Faustin Archange Touadéra de mettre fin à la procédure met à mal la volonté des bailleurs de fonds d’aider le peuple centrafricain. Des bailleurs de fonds, qui, faut-il le rappeler, conditionnent leurs aides à la bonne gouvernance du récipiendaire, « C’est difficile de donner un pain à une main sale pour redonner aux autres», désole un économiste occidental de la Banque mondiale en poste à Bangui.
Du côté des observateurs, c’est l’incompréhension qui domine.
« Quand la machine judiciaire est déclenchée, elle est déclenchée. Personne ne peut l’arrêter » a fait savoir un avocat centrafricain contacté par CNC dans le cadre de ce reportage.
Contacté par CNC, un diplomate occidental affirme « l’immunité diplomatique ne constitue pas un frein à la procédure des biens mal acquis » et d’ajouter que « L’affaire concerne plusieurs personnes, dont des sujets français. Et donc, à cause de lui seul, la justice ne doit pas de se dessaisir du dossier »
Pour les membres du cabinet présidentiel, le président Touadéra, n’étant pas inquiété, est serein.
Le Président est serein, les chiens aboient, la caravane passe.
C’est dans cette logique d’esprit que le président Touadéra et les nouveaux profiteurs de son régime se comportent. Comme si de rien n’était après ses multiples interrogatoires, le président Touadéra poursuit sa course à la montre contre l’enrichissement illicite.
De l’Angola en Afrique du Sud, en passant par l’Israël, le président Touadéra poursuit les potentiels d’hommes d’affaires jusqu’à toucher leurs coffres forts. Selon nos informations, c’est avec les mêmes mafieux-démarcheurs miniers qui ont fait de lui et son ex-patron François Bozizé des multimilliardaires qu’il a repris langue avec eux. Il s’apprête à se rendre en Corée du Sud et en Chine, toujours dans la droite ligne de son objectif.
Le Président est serein dans des ennuis judiciaires sérieux
C’est ce que pensent certains observateurs de la société civile centrafricaine qui travaillent avec les ONG internationales dans la lutte contre la corruption en Centrafrique.
Selon ces leaders, la déclaration déposée des patrimoines de Faustin Touadéra comme Chef de l’État à la Cour Constitutionnelle de Transition occulte à 95% ses biens acquis illicitement. Il risque, à ce titre, d’être poursuivi par les juridictions nationales s’il est condamné dans cette procédure et ses biens saisis. « Une fausse déclaration pour un Chef d’Etat constitue un crime de haute trahison » affirment ces leaders.
Qui pourrait imaginer un seul instant que le Professeur Faustin Archange Touadéra, mathématicien avec une apparence modeste peut se comporter à un loup économiste ?
Rappelant qu’après avoir chassé du pouvoir son beau-frère Ange Felix Patassé, le général François Bozizé avait pris la commande du pays en mars 2003 avec l’appui direct des soldats tchadiens. Une fois au pouvoir, il a mis en place un mécanisme d’enrichissement illicite sans précédent qui lui avait profité, profité à son clan et ses alliés, dont son ex-Premier ministre devenu à son tour Chef de l’État, Faustin Archange Touadéra.
De versements des pots-de-vin dans le cadre des contrats ministres aux commissions versées lors des actes commerciaux tels que les achats des deux épaves d’hélicoptères MI-24 auprès de la société ukrainienne Ukrinmash en passant par les ventes directes de quasiment toutes les richesses souterraines du pays et des passeports diplomatiques centrafricains, l’ancien président François Bozizé, son neveu Sylvain Ndoutingaï, son fils Francis Bozizé et son ex-Premier ministre Faustin Archange Touadéra ont pu s’enrichir sauvagement et appauvrir ainsi cinq à six générations futures de leurs concitoyens. C’est ce qui pousse déjà la première génération vivante à faire la guerre de pillage à son tour.
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