CENTRAFRIQUE : 57 ANS D’INDÉPENDANCE ET PRESQUE 57 ANS DE DESCENTE AUX ENFERS (1)
Bangui, le 22 août 2017.
Par : Joseph Akouissonne, CNC.
UN ÉTAT EN DÉLIQUESCENCE, DES RESPONSABLES POLITIQUES DEVENUS APATRIDES
La suffocation ou la terreur vous envahissent quand vous vous livrez à une revue rapide de la presse centrafricaine. Quelques titres au hasard parus dans Afrique news infos :
« Les acteurs politiques commanditent et peaufinent les crimes et les carnages »
« La Centrafrique à nouveau au bord de l’explosion »
« La convoitise pour les ressources : principale cause du conflit centrafricain
« La peur du génocide » etc…
Devant un tel tableau dantesque, on ne peut que redouter le surgissement d’un chaos sanglant, annonciateur de génocide. Les Centrafricains doivent prendre conscience que leur pays et eux-mêmes sont menacés dans leur existence même. Que le « Tous ensemble » de Barthelemy Boganda, père fondateur de leur nation, est plus que jamais une exigence. Une obligation de se serrer les coudes, car leur pays est véritablement en danger de mort, cerné par des aventuriers qui veulent son éclatement.
Les Centrafricains doivent obliger leurs politiciens à adopter un comportement mature face aux périls, au lieu de passer leur temps en des petites querelles infantiles et suicidaires. Aveuglés par leur envie de revanche, ces politiciens ne font que ruminer leurs frustrations, oubliant que les Centrafricains ont voté démocratiquement et souverainement. Ils se livrent à de multiples manœuvres pour déstabiliser la gouvernance du pays et le mettre en péril. Tant que les arrière-pensées de complots et l’appétence au pouvoir et à l’argent seront pour eux une obsession, ils sacrifieront les intérêts du pays et de la population sur l’hôtel de leurs ambitions. La République Centrafricaine ne sortira du chaos que grâce à la mobilisation de son peuple et à son unité.
Il faut une atmosphère apaisée entre l’Exécutif et le Législatif. On apprend que Touadera et Meckassoua se sont vus et qu’ils se sont parlé. Excellente initiative ! Il faut informer les Centrafricains de la volonté de leur réconciliation. Il faut désormais que le Président de l’Assemblée Nationale et le Président de la République cessent leurs bisbilles inutiles et se consacrent au pays, afin de ne pas le fragiliser encore plus.
Car le moment est grave. La République Centrafricaine n’a jamais été autant menacée dans son intégrité et son entité depuis ses 57 ans d’indépendance. Ses frontières sont menacées par les ex-Sélékas qui veulent dépecer le territoire. Les dangers de la partition n’ont jamais été aussi proches.
L’ONU, la communauté internationale et surtout la France semblent avoir scellé avec les rebelles un plan machiavélique de dislocation de la RCA. Pendant que se trament, dans l’ombre des Chancelleries, des scénarios qui ressemblent à des rites sacrificatoires de la Centrafrique au profit des ex-Sélékas, la population semble être laissée de côté. Souvenons-nous de la déclaration – qui semble aujourd’hui prémonitoire – d’Axel Poniatowski, Président de la Commission des Affaires Etrangères à l’Assemblée Nationale Française : « Puisque les chrétiens, les animistes et les musulmans ne s’entendent pas, il faut les séparer… » C’était clair : le gouvernement français ne souhaitait pas intervenir dans le conflit centrafricain, de peur de s’y embourber. La preuve en est faite par la réduction prématurée de la force Sangaris, qui a donné des ailes aux rebelles dans leurs actions de démolition et de conquête du pouvoir. La France savait très bien que, face à des ex-Sélékas puissamment armés, les autorités centrafricaines, dépourvues d’une armée structurée, digne de ce nom, ne pèseraient pas lourd.
LA FORCE, SEUL MOYEN D’ARRÊTER LES AMBITIONS DES REBELLES ?
L’urgence des urgences, avant qu’il ne soit trop tard, oblige tous les acteurs de la crise centrafricaine à cesser toute ambiguïté et à choisir, pour mettre fin au sanglant conflit, la voie du dialogue mais aussi de la fermeté. Depuis trois ans, les ex-Sélékas ont toujours répondu par un bras d’honneur, une attitude menaçante et un mépris total envers les autorités centrafricaines qui les appelaient à se conformer au DDR. Visiblement, les bandes armées ne veulent pas la paix. Convaincues de leurs forces devant un état défaillant et désarmé, elles n’aspirent qu’à une chose : prendre le pouvoir par la force à Bangui.
LE TEMPS JOUE POUR LES EX-SELEKAS
Plus les réunions pour la paix (SIRIRI) et la réconciliation se succèdent, sans résultats d’ailleurs, plus les ex-Sélékas confortent leurs positions sur le terrain et plus ils se livrent à des violences sur les populations. Massacres sans discernement d’enfants, de femmes et de vieillards. Incendies de villages. Trafics de diamant et d’or pour s’approvisionner en armes, avec la complicité, au vu et au su de tout le monde, de certains pays frontaliers – dont le Tchad.
Après avoir été l’un des principaux acteurs de l’instabilité chronique centrafricaine, son ministre des Affaires étrangères vient de déclarer : « La communauté internationale doit redoubler de vigilance et d’engagement en Centrafrique en raison des signes avant- coureurs de génocide dans ce pays voisin.. » Quel cynisme ! Voilà le pyromane Idriss Deby Itno devenu pompier ! Les Centrafricains n’oublient pas qu’il a sa part de responsabilité dans ce génocide en gestation. Les autorités centrafricaines doivent avoir le courage de tenir un langage de vérité et de fermeté à Deby. Lui faire comprendre que la République Centrafricaine n’est pas son terrain de jeux. Que c’est une République souveraine dont il faut respecter les frontières. Aux abois, menacé par ses propres rebelles, confronté à une économie en berne à cause de la chute du prix du pétrole, principale ressource de son pays, Idriss Déby se sert de la RCA pour sortir du pétrin comme il l’a toujours fait.
Cette fois-ci, les Centrafricains diront non aux ambitions expansionnistes du despote de N’Djamena. Et, si besoin est, s’y opposeront par la force. Les tuteurs occidentaux doivent changer de cap et mettre en action leurs armadas, utiliser leurs drones et leurs hélicoptères de combat, faire intervenir les forces françaises positionnées sur place. Les mises en garde sans effet doivent cesser. Il faut passer à l’action.
LA MÉDIATION DU BÉNIN : UN ESPOIR ?
On apprend que les autorités centrafricaines vont solliciter la médiation du Bénin. C’est une initiative de bon sens. Elle est africaine, au lieu d’être d’extraction vaticane ou européenne. Car aucun conflit en Afrique ne trouvera sa résolution hors du continent.
Par ailleurs, sur le plan spirituel, le président Touadera, diacre lui-même d’une « Eglise du Réveil », entouré de pasteurs des Eglises évangéliques, est proche de l’Eglise du « Christianisme céleste, nouvelle Jérusalem ». L’ex-président Bozizé en est devenu en Centrafrique le responsable. Les Antibalakas sont aussi proches de ces nouvelles églises africaines. Seraient-ce les prémices de médiations africaines des conflits sur le continent ? A l’instar de la communauté SANT’EGIDIO à Rome, l’Afrique ne pourrait-elle pas, elle aussi, constituer sa propre ONG, chargée de médiation dans les conflits du continent ?
JOSEPH AKOUISSONNE
(21 août 2017)