Publié par: corbeaunews
Dans trois mois, les Casques bleus devraient se déployer en Centrafrique où le conflit ouvert entre les milices chrétiennes anti-balaka et les combattants de l’ancienne rébellion Séléka se poursuit presque dans l’indifférence médiatique alors qu’il y a encore six mois, la Centrafrique alimentait inlassablement la une des médias internationaux. Les dernières semaines ont été rudes. Rien que les trois derniers jours, 11 civils ont perdu la vie. Huit personnes en tout ont été tuées entre lundi et mercredi à Batangafo (nord-ouest) et plusieurs ont été blessées par des éléments armés identifiés par les habitants comme étant des ex-Séléka basés dans la région. Plusieurs localités situées dans le nord-ouest (Batangafo, Kabo, Bouca, Markounda, Bossangoa, Nanga Boguila, Nana Bakassa) du pays reste la cible d’attaques récurrentes et d’affrontements entre les milices chrétiennes anti-balaka fidèle au président déchu François Bozizé et des combattants l’ex-rébellion de la Séléka qui avait porté au pouvoir l’ancien président de la transition Michel Djotodia.
Selon la force africaine sur place (MISCA), trois autres personnes ont été tuées et une blessée cette fois dans le centre du pays lors d’une attaque d’ex-Séléka contre le village de Ngakobo, situé près de Bambari. Le bilan humain de ces dernières semaines fait état de plusieurs dizaines de morts et des déplacements massifs de la population notamment vers la capitale Bangui sécurisée avec difficulté par les forces internationales. La situation est telle que la colère gronde parmi les habitants qui dénoncent l’inertie de ces mêmes forces internationales sur le terrain, la force africaine (MISCA) Sangaris, (forces française) et l’Eufor-RCA (force européenne. Les différentes contingents de la MISCA sont pointés du doigt. Les soldats congolais et camerounais se voient reprochés leur passivité. Avant eux, les soldats burundais et surtout tchadiens, avant que ces derniers ne quittent les rangs de la MISCA, étaient sans cesse pris à partie par la population, les accusant de défendre tour à tout le camp musulman ou chrétien. S’agissant de la présence française, celle-ci suscite la controverse. Faible effectif, en conséquence son action s’est avérée de facto plutôt inefficace.
Impossible réconciliation nationale
Quand aux anti-balakas et aux ex-Séléka, ces derniers se rejettent mutuellement la responsabilité des violences commises dans le nord-ouest et le centre du pays. Les anciens rebelles Séléka ont fui la capitale Bangui à cause des représailles de la part des milices anti-balaka, ils ont fini par se retrancher dans le nord de la Centrafrique, livrés à eux-même et menant des attaques meurtrières contre la population. Pour beaucoup d’observateurs, les risques de partition du pays sont réels avec les Séléka au nord et les anti-balaka au sud. Depuis plusieurs semaines, l’ex-Séléka tente de se structurer sur le plan politique et militaire. Ce qui laissait même présager des discussions possibles avec les autorités de la transition dans le cadre d’une réconciliation nationale. Un accord avec les milices anti-balaka était même envisagé. Mais face à l’ampleur des exactions et des attaques commises, les cadres de l’ex-Séléka sont plus que jamais discrédités, jugés impuissants et incapables surtout de tenir leur base. Par ailleurs, plusieurs caciques de l’ancienne rébellion sont sous le coup de sanctions internationales, c’est le cas du charismatique Noureddine Adam, l’ex-numéro un de la Séléka.
A Bangui, les autorités de la transition sont également de plus en plus contestés, au point même qu’une partie de la population réclame le départ de la présidente de la transition Catherine Samba-Panza. Ses promesses de réconcilier tous les centrafricains et de rétablir la sécurité sont restés vains sans surprise en réalité en l’absence d’une armée régulière structurée. L’ambition de réformer l’armée centrafricaine reste pour l’instant irréalisable faute de moyens financiers certes mais également de volonté politique tant le pays est divisé. La transition reste impatiemment dans l’attente du déploiement des Casques bleus à partir de septembre. 12.000 soldats onusiens devraient renforcer la présence des 5.000 soldats de la MISCA et des 2.000 militaires français. Depuis le début des violences intercommunautaires en décembre 2013, la Centrafrique, qui compte près de 5 millions d’habitants, déplore plusieurs milliers de morts et plusieurs centaines de milliers de déplacés.
Véronique Mansour dans Afrique Inside