Les compétitions internationales organisées sur les continents européen ou américain sont une véritable aubaine pour les athlètes camerounais qui profitent de ces rencontres pour se fondre dans la nature, fuyant les problèmes économiques de leur pays.
Ces deux dernières années, le phénomène s’est largement accentué et plusieurs sportifs africains sont devenus de potentiels candidats à l’immigration clandestine.
Ainsi, à la fin du mois de juillet, à l’occasion des jeux de Glasgow en Ecosse, sur quinze athlètes camerounais, dix sportifs ont pris « la poudre d’escampette », ne rentrant pas au pays.
Deux ans auparavant, à l’occasion des jeux Olympiques de Londres, sept camerounais s’étaient, pareillement, « volatilisés » du village olympique.
Outre le Cameroun, d’autres pays africains ont aussi vu leurs sportifs disparaitre, à l’instar de l’Ethiopien Natnael Yemane, porteur de la flamme olympique aux jeux de Londres 2012, qui s’était éclipsé à peine la compétition terminée. D’autres athlètes somaliens avaient également fui durant cette même compétition, demandant l’asile politique par la suite.
Pour nombre d’experts, l’immigration des athlètes de plusieurs pays africains ont principalement des motivations politiques en raison des tensions socio-politiques en cours dans leurs pays.
Au Cameroun en revanche, l’immigration clandestine via le sport a des motivations essentiellement économiques, liées aux mauvaises conditions de travail et de rémunération, analysent encore les experts.
Des raisons d’ailleurs confirmées par les sportifs eux mêmes.
« Le matériel de travail est vieux. Il est là depuis l’année 2000, or une barre par exemple, a une vie de deux ans tout au plus. Cela fait près de 14 ans que nous avons les mêmes barres », se plaint ainsi Clément Mballa, l’entraineur national de l’équipe camerounaise d’haltérophilie, rencontré à Yaoundé par Anadolu.
L’équipe d’haltérophilie qui a perdu 10 de ses 15 membres à Glasgow, s’entrainait depuis un certain temps dans le garage d’un particulier, révèle l’entraineur.
Une partie du matériel que cette équipe utilise appartient d’ailleurs à à l’hôte, un passionné de musculation, tandis qu’une autre partie appartient à Clément Mballa.
L’entraineur précise d’ailleurs que seul un tiers du matériel utilisé dans le garage a été fourni par l’Etat du Cameroun au cours de l’année 2000.
Ce matériel est constitué de barres de fer presque rouillées, de disques déchirés qui perdent leur charge, explique encore Mballa, déplorant qu’il n’y ai ni plateau d’entrainement, ni de dalle amortissante pour le sol.
Les athlètes se débrouillent d’ailleurs avec un morceau de contre-plaqué percé à certains endroits.
« Vous allez remarquer que les filles qui s’entrainent ici ne possèdent pas de barres féminines. Elles utilisent les barres des hommes ce qui rend difficile leur entrainement. Les poignets souffrent beaucoup », ajoute l’entraineur d’haltérophilie.
Pour, Mekegne Noumbissi Clémentine, la capitaine de l’équipe nationale féminine d’haltérophilie, sa discipline est « celle qu’on lèse le plus ».
« L’haltérophilie est ce qui apporte le plus de médailles au pays. Pourtant, nous les athlètes, ne sommes pas pris en compte. Ce que je souhaite vraiment c’est que l’Etat nous prenne plus en charge. Si on s’occupe de nous, nous pourrons faire bien mieux que ce que nous avons l’habitude de faire », promet-elle.
En plus du matériel d’entrainement manquant, les membres de l’équipe se plaignent de l’absence de stages de préparation et surtout du manque de financement.
« Au quotidien, les athlètes n’ont même pas de quoi manger. A Glasgow par exemple, notre équipement est arrivé à trois jours de la fin de la compétition. Nous étions la seule délégation à ne pas avoir ne serait-ce qu’un survêtement. De plus, il a fallu que les sportifs fassent grève pour qu’on leur paye les primes promises », révèle ainsi l’entraineur Mballa.
Pour Mballa, la solution principale contre l’immigration clandestine des sportifs serait tout simplement leur prise en charge matérielle.
« Pour garder les athlètes il existe un moyen simple : nous pourrions leur octroyer des bourses ou leur fournir du travail. Il faudrait aussi qu’un statut définisse clairement la place du sportif afin qu’il sache ce à quoi il a droit », explique le responsable sportif.
« Quand les clubs européens récupèrent nos athlètes qui ont immigré clandestinement, ils leur trouvent un petit emploi et leur fournissent l’équipement nécessaire. Si le Cameroun donnait un emploi et du matériel de travail à ses sportifs il y aurait certainement moins de fuite des athlètes. Ces sportifs partent justement parce qu’ailleurs on s’occupe bien d’eux », conclu Mballa.
Au Royaume-Uni, après leur défection, les athlètes sont considérés en situation régulière durant au minimum six mois, d’après le visa octroyé par les autorités britanniques.
Devenu « clandestin » à l’issu de ces six mois, l’immigré ne s’inquiète pas outre mesure de sa situation puisque les contrôles de titres de séjours sont quasiment inexistants en Angleterre, et que la libre-circulation est presque un credo dans ce pays.
Certains sportifs camerounais ont même pu obtenir le droit d’asile en territoire anglais où ils poursuivent leur carrière à l’instar des boxeurs camerounais, Thomas Essomba, et Blaise Yepmou, qui avaient fuient durant les jeux olympiques de 2012.
Des perspectives qui motivent logiquement davantage cette « fuite des muscles ».
Par: AA/Yaoundé/ Anne Mireille Nzouankeu