Sous la pression des mercenaires russes, 20 soldats de l’armée nationale radiés de l’effectif par le ministre de la Défense

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Le ministère de la Défense centrafricain a récemment radié vingt jeunes soldats, principalement issus des rangs des ex-miliciens azandés, après des accusations de rébellion et d’attaque contre les forces nationales. Cette décision, prise dans un contexte de forte présence russe, continue d’alimenter de nombreuses interrogations sur la gestion de l’armée et le rôle réel du gouvernement.
Le 3 mai 2025, le ministre de la Défense centrafricain, Rameaux-Claude Bireau, a signé un arrêté qui a rayé 20 soldats des Forces armées centrafricaines (FACA) de l’effectif. Ces hommes, tous d’anciens miliciens azandés intégrés à l’armée en 2024 après un entraînement par les mercenaires russes du groupe Wagner.
Parmi les militaires radiés, on retrouve :
Bazngombe Flavien ; Boïmouke Adolphe ; Koumboyeki Michel ; Mbolikigo Yves Simplice ; Mboli-Nhani Jean Pierre ; Mobieke Hugues ; Andaradi Odilon ; Bazingombo Herman ; Bhi Merci Sylvestre ; Bireyo Edouard ; Foumbolite Privat Wilfried ; Kpingbi Exact ; Makakpio Jean Louis ; Mbikomboli Onésime ; Mbolifouguimi Justin ; Medy Destin ; Mousserepaï Faustin ; Oumbassi Francis ; Siro Romain ; Zesio Foïfoï.
L’arrêté les accuse d’avoir pris part à des combats près de Zemio et Mboki, dans le Haut-Mbomou, où cinq membres des forces de sécurité ont péri. Mais les faits démentent ces accusations, et cette décision trahit une vérité gênante : le gouvernement agit sous la coupe de Wagner.
Ces 20 soldats faisaient partie d’un groupe de 200 miliciens azandés recrutés par Wagner en mars et avril 2024 pour grossir les rangs des FACA face à des groupes armés comme l’UPC. À l’époque, ces miliciens étaient tous respectées, protégeant leurs villages dans le Haut-Mbomou. Leur intégration dans l’armée, officialisée le 1er mai 2024, semblait une victoire pour la cohésion nationale. Mais tout a changé après des heurts à Koumboli, près de Zémio, fin avril et début mai 2025. Là, des milices azandés, distinctes de ceux intégrés dans l’armée nationale, ont affronté les FACA et Wagner, causant la mort de quatre soldats et blessant un mercenaire russe.
Wagner a sauté sur l’occasion pour accuser les soldats azandés intégrés, prétendant qu’ils avaient trahi l’armée. Sauf que ces hommes n’étaient pas là. Ils s’étaient établis à Obo, loin de la zone de combat, ou dans des localités comme Kitessa. Koumboyeki Michel, par exemple, vit à Obo depuis des mois. Mboli-Nhani Jean Pierre et Bazingombo Herman n’ont pas approché Zémio depuis près d’un an. Le ministère de la Défense n’a pas cherché à confirmer ces faits. Il a pris pour argent comptant le récit de Wagner, révélant à quel point 3 000 mercenaires russes tiennent les rênes d’un pays de six millions d’âmes.
Les critères de radiation : entre droit et réalité
En Centrafrique, la radiation d’un militaire est encadrée par des textes précis. Elle peut intervenir en cas de faute grave contre la discipline, de condamnation pénale, d’inaptitude physique ou de comportement jugé incompatible avec la fonction. Le ministre de la Défense peut également décider d’une radiation immédiate pour des faits jugés suffisamment sérieux. En principe, chaque soldat a la possibilité de présenter sa version des faits avant toute décision définitive. Dans ce dossier, plusieurs proches affirment que la procédure n’a pas respecté cette exigence, et que la décision a été prise dans la précipitation, sans véritable enquête.
Une influence russe difficile à ignorer
Depuis plusieurs années, la présence du groupe Wagner et de conseillers russes au sein de l’appareil sécuritaire centrafricain est devenue une réalité quotidienne. Ces derniers occupent des postes de conseil auprès des plus hautes autorités, supervisent une partie des opérations militaires et participent à la gestion des ressources naturelles du pays. Leur influence s’étend jusqu’à la prise de décisions majeures, y compris celles qui concernent la discipline et la composition des forces armées. Dans cette affaire, de nombreux observateurs estiment que l’avis des mercenaires russes a pesé lourdement, au détriment de l’indépendance du gouvernement centrafricain.
Les familles dans l’attente de réponses
Pour les familles des soldats radiés, l’incompréhension domine. Beaucoup estiment que leurs proches ont été sanctionnés à tort, sans preuve ni possibilité de se défendre. Cette décision bouleverse leur quotidien et laisse planer de nombreuses incertitudes sur l’avenir. L’exclusion de ces jeunes hommes, souvent considérés comme des modèles de réinsertion, fragilise la confiance entre la population et les institutions.
En écartant ces vingt soldats sur la base d’accusations discutables et dans un contexte d’influence étrangère, le gouvernement prend le risque d’affaiblir la cohésion de ses forces et d’alimenter le sentiment d’injustice. Cette situation met en évidence la difficulté pour l’État centrafricain d’exercer pleinement sa souveraineté face à des partenaires extérieurs dont les intérêts ne coïncident pas toujours avec ceux du pays.
La radiation de ces jeunes militaires, sans procédure transparente ni preuves solides, pose la question de la gouvernance et de l’indépendance des institutions. Dans un contexte où la stabilité nationale dépend de la confiance entre l’État, l’armée et la population, chaque décision de ce type mérite une réflexion approfondie et un réel souci de justice….