Journée mondiale de la liberté de la presse : la mort du droit de la presse dans les pays de l’AES

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Le 3 mai permet de rappeler les valeurs et les droits des journalistes, mais aussi les risques qu’ils encourent dans leur profession. Dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), le droit de la presse est bafoué et la vie des reporters est très souvent menacée.
Depuis la déclaration de l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, un rappel annuel de la liberté de la presse se tient le 3 mai. Aujourd’hui, le développement de l’intelligence artificielle révèle l’importance fondamentale du maintien des valeurs du journalisme et de la lutte contre la désinformation. Il est primordial de savoir utiliser l’IA intelligemment, car elle est à double tranchant. Elle est de plus en plus performante, autant pour détecter les fausses informations et les deepfakes que pour les fabriquer.
La lutte contre la désinformation est un principe essentiel du droit journalistique. La journée du 3 mai met en évidence les valeurs que le journaliste doit porter, ses droits, le respect du droit à l’information pour les citoyens, et la liberté d’expression. Mais dans l’exercice de leur métier et la quête de la vérité, beaucoup d’entre eux voient leur vie menacée (censure, harcèlement, agression, enlèvement, jusqu’à la mort). D’après l’UNESCO, 82 journalistes sont tués au cours de l’année 2024, un chiffre alarmant en hausse depuis 2023, où 74 décès sont recensés. Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, qui constituent l’AES, ce droit de la presse est écrasé et réduit au silence par les autorités.
Dans les pays de l’AES, les enlèvements de journalistes sont légion
Le classement mondial de Reporters Sans Frontières (RSF) estime chaque année le niveau du respect de la liberté de la presse dans plus d’une centaine de pays. Le dernier rapport est mis à jour ce 2 mai. En 2025, le Mali chute de 5 places dans le classement, passant de la 114e à la 119e place sur 180. La Maison de la presse malienne met à l’honneur la journée mondiale de la presse pendant une semaine, avec en thématique : « Le journaliste malien face aux défis de l’intelligence artificielle ». Malgré tout, des médias sont suspendus, comme Joliba TV depuis novembre, pour une durée de six mois, à la demande du gouvernement burkinabé. Les journalistes maliens n’ont visiblement pas le droit de remettre en cause les paroles des autorités, ni celles des pays voisins, sans craindre pour leur profession. Les enlèvements sont courants. Le 9 avril, le journaliste et directeur du média Le Canard de la Venise Alfousseini Togo est arrêté après avoir mis en doute des propos tenus par le Ministre de la Justice, et dénoncé le fonctionnement de la justice malienne. Il est accusé pour cela de « troubles à l’ordre public » et d’« atteinte au crédit de la justice ». Son jugement se tiendra le 12 juin, mais nombreux sont ceux qui dénoncent une arrestation arbitraire, comme RSF, qui demande sa libération immédiate. Depuis fin 2021, en plus des groupes terroristes et du musellement des autorités, les journalistes doivent désormais compter une autre menace : les violentes répressions du groupe paramilitaire russe Wagner.
La liberté de la presse burkinabé en chute libre depuis le coup d’État
Le Burkina Faso se situe à la 105e position, chutant de 19 places. Le pays bénéficie pourtant d’une culture journalistique historique. Mais l’étouffement de la liberté de la presse à coups d’enlèvements font paraître cette époque lointaine. Cette série de répression en chaîne s’est accentuée avec le coup d’État de septembre 2022. Le 24 mars 2025, deux journalistes, Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, sont arrêtés après avoir dénoncé la détérioration de la liberté d’expression et de la presse burkinabé. Ils sont membres de l’association AJB (Association des journalistes Burkina), qui est dissoute le lendemain de leur arrestation. La raison officielle de dissolution de l’AJB invoquée par les autorités serait une non-conformité de la loi 2015 sur les associations. Elles précisent que toute personne soutenant l’association dissoute « s’expose à de graves sanctions ». Le 25 mars, un autre journaliste est emmené pour être auditionné par les autorités. Le 2 avril, selon RSF, les trois journalistes réapparaissent en tenue militaire, vraisemblablement enrôlés par les autorités pour les faire combattre au front. Un sort réservé à plusieurs autres journalistes, voix dissidentes et opposants au régime. En 2024, plusieurs journalistes burkinabé ont disparu, et leurs familles sont restées sans nouvelles depuis. L’AJB recense 7 disparitions. D’autres reporters sont contraints de fuir.
Approuver ou se taire
Le coup d’État au Niger n’a pas amélioré la situation des droits de la presse, au contraire. Il perd 3 places dans le classement de RSF, se positionnant à la 83e. Les médias indépendants sont rares, et la Maison de la presse n’a plus le droit d’exercer depuis janvier 2024, suite à la demande du ministère de l’Intérieur. Ceux qui évoquent des sujets liés à la gouvernance sont menacés d’arrestation. Fin 2024, le journaliste nigéro-ivoirien Serge Mathurin Adou est arrêté à Niamey et emprisonné au Niger. Il est accusé par le ministre de la Sécurité du Burkina Faso d’« atteinte à la sûreté de l’État », et de faire partie d’un complot contre les autorités burkinabé. Son arrestation intervient dans un contexte de tension entre la Côte d’Ivoire et les pays de l’AES.
Les prétextes de ce musellement sont souvent les mêmes, quels que soient les pays de l’AES : dès qu’une voix s’oppose à celle des autorités, la personne est aussitôt visée par des accusations d’espionnage, d’ingérence ou d’atteinte à la sécurité nationale. Malgré les dénonciations des ONG telles que Human Rights Watch, Amnesty International ou RSF, la liberté de la presse se dégrade au Sahel. Tel est le contexte actuel dans les pays de l’AES lors de cette journée mondiale du droit de la presse. Un droit soumis à un choix : approuver tout ce que dit le gouvernement, ou se taire, parfois à tout jamais.
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