L’échec de la communauté internationale en Centrafrique : de la transition ratée à l’autoritarisme assumé
Dans son rapport publié en octobre 2023, intitulé “Centrafrique : la fabrique d’un autoritarisme”, Roland Marchai, chercheur au CERI-Sciences Po, dresse un portrait implacable de l’engagement international en République centrafricaine. À travers une analyse minutieuse, il expose les multiples erreurs commises par les acteurs internationaux, erreurs qui ont contribué à plonger le pays dans une spirale autoritaire.
Bangui, 27 août 2024.
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.
Une transition bâclée et dénuée de profondeur.
L’un des points les plus critiques du rapport est la gestion de la transition post-2013, décrite comme une période de “stabilisation sécuritaire relative”, qui n’a abouti qu’à un statu quo politique. Marchai souligne que cette période n’a permis ni réformes profondes ni rupture avec les pratiques anciennes des élites, pourtant nécessaires pour sortir le pays de l’ornière. Le processus de transition semble avoir été conçu pour apaiser les élites plutôt que pour répondre aux aspirations du peuple centrafricain.
La précipitation électorale, exigée par la communauté internationale en Centrafrique .
Le chercheur critique vivement la hâte de la communauté internationale à organiser des élections en 2016. Il note que “la France, pressée de clore un exercice militaire peu prisé par son opinion publique, renoua sans peine avec des attitudes anachroniques, imposant de façon prioritaire la tenue d’élections, reconduisant les aveuglements anciens dans ses relations avec les élites politiques et un statu quo pourtant intenable”. Cette précipitation a conduit à un scrutin dont la légitimité était contestable.
Une aide internationale mal orientée par la communauté internationale en Centrafrique.
Le rapport dénonce également l’absence de conditionnalité dans l’aide financière massive accordée après l’élection de Faustin-Archange Touadéra. Marchai parle d’une “générosité aveugle” qui a renforcé un régime de plus en plus autoritaire. Plutôt que de conditionner cette aide à des réformes démocratiques, la communauté internationale a involontairement soutenu la consolidation d’un pouvoir central peu respectueux des droits fondamentaux.
Une MINUSCA inefficace et dépassée.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) n’est pas épargnée par les critiques. Marchai pointe un manque flagrant de vision politique et une obsession pour des projets de développement, au détriment d’une réelle résolution des causes profondes du conflit. La MINUSCA, accusée de se concentrer sur son propre fonctionnement, aurait échoué à empêcher les violations répétées des droits humains et des accords de paix.
L’arrivée du groupe Wagner : une inertie internationale coupable.
L’influence croissante de la Russie en Centrafrique, symbolisée par l’arrivée du groupe Wagner, est un autre aspect du rapport qui suscite l’inquiétude. Marchai reproche aux acteurs internationaux leur passivité face à cette ingérence, qui a renforcé le pouvoir autoritaire en place. Le manque de réaction de la communauté internationale à ce tournant stratégique est symptomatique de l’approche désordonnée qui a prévalu jusqu’à présent.
Une diplomatie à courte vue, source de malheurs.
Marchai souligne les conséquences néfastes d’une diplomatie internationale essentiellement fondée sur une vision morale et légaliste des conflits armés. En réduisant les groupes armés à de simples criminels, les acteurs internationaux ont échoué à les intégrer dans un processus politique durable, contribuant ainsi à la perpétuation du conflit. Cette myopie diplomatique a empêché toute transformation des acteurs armés en partis politiques légitimes, une transformation pourtant essentielle pour une paix durable.
l’urgence d’une réévaluation stratégique.
Le rapport de Roland Marchai sonne comme un avertissement pour la communauté internationale. Il plaide pour une révision complète de l’approche en Centrafrique, soulignant la nécessité d’une stratégie à long terme qui prenne véritablement en compte les réalités locales. Seule une approche nuancée, respectueuse de la souveraineté nationale et axée sur la promotion réelle de la démocratie, pourrait permettre de sortir la Centrafrique de l’impasse actuelle.
En fin de compte, le constat dressé est celui d’un échec cuisant, à la fois moral et stratégique, de la communauté internationale en Centrafrique. Si des mesures correctives ne sont pas prises rapidement, le pays risque de s’enfoncer encore davantage dans l’autoritarisme, avec des conséquences dévastatrices pour son peuple.
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