Centrafrique : déclaration de la plateforme Siriri sur la situation politique et sécuritaire du pays.
DECLARATION DE LA PLATE FORME SIRIRI
La coalition SIRIRI adresse au peuple centrafricain, en ce début d’année 2018, ses meilleurs vœux de paix, de réconciliation et de reconstruction pour son bien-être.
En République centrafricaine (RCA), les violences meurtrières s’enchaînent, persistent et s’aggravent. Les groupes armés se sont multipliés. La situation s’est complexifiée et dégradée. Les massacres se sont accentués sur l’ensemble du pays. Des villages entiers sont détruits et brûlés. Une mission onusienne de maintien de la paix, MINUSCA, présente depuis avril 2014, avec ses milliers de casques bleus et de policiers, n’a pas permis la restauration de la paix, et le retour à une gouvernance démocratique en République Centrafricaine. Des hommes qui devraient être désarmés et cantonnés selon plusieurs résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies continuent à se déplacer et à agir à leur guise. Même la capitale Bangui est le théâtre de violences meurtrières. Les interférences étrangères ont participé à aggraver la crise centrafricaine la plus destructrice de son histoire. Les groupes armés centrafricains poursuivent leurs exactions car il n’y a pas de solution pour eux non plus. La situation continuera inexorablement à se dégrader.
Les communautés internationale et nationale ont misé sur une transition politique pour rétablir l’ordre républicain et l’intégrité du territoire, mais celle-ci a été un échec malgré les moyens et la présence des forces internationales. Les responsables du pays ont été incapables de faire face à leurs responsabilités : mette fin à l’insécurité qui règne sur toute l’étendue du territoire et restaurer l’autorité de l’Etat. Ils ont affiché un manque de volonté politique et de vision claire quant à leur mission.
Alors que les conditions minimales n’étaient pas rassemblées pour tenir des élections, la communauté internationale, France en tête, a poussé à ces élections, y voyant une étape incontournable vers la sortie de crise. Les centrafricains ont cru naïvement que c’était la voie pour arriver à la paix et remettre le pays sur les rails. Ils sont tombés dans un piège. Des élections précipitées et désorganisées se sont tenues, avec de nouvelles institutions mal élues, et ça nous a mené tout droit au désastre.
L’élection de Faustin Archange Touadéra, professeur de mathématiques, a suscité un immense espoir chez de nombreux Centrafricains. Il avait été le Premier ministre de François Bozizé et l’avait servi fidèlement pendant cinq ans. Le monde a, malgré cela, voulu croire qu’il s’agissait d’une rupture. La RCA s’est très vite trouvée avec un président de la République incapable d’assumer sa mission, qui a mis en place un gouvernement tout aussi incompétent pour exercer les fonctions de souveraineté basiques sur la majorité du territoire. Le régime est soutenu par l’ONU, la Minusca, l’Union africaine, l’Union européenne et la France, en dépit de la mauvaise gouvernance endémique, le sort atroce et la désolation du peuple centrafricain.
En somme, en Centrafrique les principaux auteurs de crimes contre l’humanité et de violations des droits humains n’ont jamais été inquiétés. Pire: on les consulte, on leur distribue des postes au gouvernement et à la présidence de la République, on les convie partout où se tiennent des discutions sur la paix en RCA, mais le résultat n’est que corruption et mauvaise gouvernance. A force de vouloir rendre les gouvernements plus inclusifs et plus représentatifs des bandes et milices armées, on a favorisé leur institutionnalisation. Plutôt que d’avoir une approche d’union nationale fondée sur les compétences et les capacités, les dirigeants du pays perpétuent les pratiques assassines sur les populations affaiblies : la prédation, la patrimonialisation du pouvoir, l’appartenance ethnique et le clientélisme. Nombreux sont ceux qui ont compris depuis longtemps que prendre les armes est un solide fond de commerce. Le cycle infernal ne peut que continuer, avec la multiplication des groupes de hors la loi qui terrorisent assassinent et violent les populations afin de mettre la main sur les ressources de notre sous-sol, en toute impunité.
Ni les nombreux sommets, ni les multiples dialogues, ni les diverses réunions, ni les innombrables appels et suppliques n’ont ramené la paix dans le pays et la sécurité au sein des populations de la RCA. La multitude d’accords pour la paix en Centrafrique n’a pas eu plus de succès. La communauté internationale n’a pas réussi à arrêter la désintégration du pays. Les Centrafricains auraient dû s’attaquer très vite aux racines de l’instabilité pour éviter les affrontements armés généralisés. Mais on ne l’a pas fait, et aujourd’hui le pays est à feu et à sang.
Les élites locales ont fui leurs responsabilités. La société civile ne joue pas le rôle qu’on attend d’elle, et l’opposition est pratiquement inexistante. Les leaders politiques s’investissent dans la recherche de leurs intérêts personnels, plutôt que dans ceux du pays et du peuple.
La République centrafricaine a vécu un véritable cauchemar en 2017. Les événements douloureux survenus ces derniers temps dans certaines préfectures comme le Haut-Mbomou, Mbomou, Haute-Kotto, Basse-Kotto, Ouaka, Nana-Gribizi, Ouham, Ouham-Pendé et Nana-Mambéré, démontrent clairement que notre pays continue de se désintégrer à grande vitesse. Il est devenu le pays le plus dangereux au monde pour les humanitaires, après la Syrie. Il a rétrogradé au dernier rang dans le classement pays dans l’indice de développement humain (PNUD) où il est 188è sur 188. Quatre (4) millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire et ont besoin d’aide humanitaire. La RCA compte plus de 633 300 déplacés internes et 545 497 réfugiés centrafricains dans les pays voisins (HCR). Selon l’UNICEF 1,8 million d’enfants sont touchés par la crise. En dépit de cette situation désastreuse, Faustin Archange Touadéra a réaffirmé son plein soutien à l’initiative du panel de l’Union Africaine. Malgré les bruits de bottes dans le pays, le Chef de l’Etat est décidé à tendre la main aux hommes armés en République centrafricaine, persuadé que c’est l’unique voie pour sortir le pays de gouffre.
A l’allure où vont les choses, nous craignons que notre pays la République Centrafricaine ne devienne la destination privilégiée des djihadistes de tous poils.
Mettre fin à la crise sécuritaire c’est surtout apporter des solutions politiques. En aucun cas, les armes à elles seules, ne pourront assurer durablement la paix et la prospérité à l’ensemble des citoyens centrafricains. Les solutions pouvant mettre fin à la tragédie qui endeuille notre pays ne peuvent être que politiques. Le retour à la paix concerne d’abord le gouvernement centrafricain. Ses partenaires Internationaux ne viennent que pour appuyer ses efforts. La faiblesse de la RCA vient de son sommet, de ses dirigeants. C’est à cela qu’il va falloir remédier d’urgence.
Il est temps maintenant d’en finir avec tout ce chaos pour se concentrer sur la reconstruction de notre pays, sur le retour de ces milliers de centrafricains obligés de fuir leur pays, en errance et en souffrance un peu partout en Afrique et dans le monde, et sur le développement. Ceux qui sont terrés en brousse comme des bêtes sauvages doivent pouvoir rentrer chez eux et vivre dignement. Le temps est venu de siffler la fin de la recréation en Centrafrique.
SIRIRI
La plate-forme SIRIRI n’est pas un énième groupe rebelle. Des centrafricaines et des centrafricains de tous âges et de tous horizons, de toutes confessions religieuses, de toutes ethnies, de tout milieu socioprofessionnel, ont librement décidé de fonder ce regroupement de citoyens dont l’objectif clairement affiché est d’aboutir à la paix. D’ailleurs le mot SIRIRI signifie PAIX en sango, la langue nationale. Il s’agit d’une plateforme nationale d’envergure, dont le nom exprime l’engagement et la mobilisation qui nous anime afin de réussir la paix en Centrafrique. Elle comprend de hauts cadres et dirigeants dissidents des groupes armés UFDR, EDD, MLCJ, MLC, FDPC, une faction modérée de l’ex-SÉLÉKA et des ANTI-BALAKA, des représentants de la diaspora centrafricaine, des membres de la société civile et des partis politiques.
Toutes les forces vives de la nation ont manifesté leur intention d’adhérer à cette plateforme pour rétablir la sécurité et la paix en apportant une contribution multiforme dans le but d’arrêter l’hémorragie, de mettre fin à l’agonie du pays. SIRIRI veut accueillir les femmes et les hommes de bonne volonté à la recherche de la justice sociale et de la transformation fondamentale de notre pays, et nous voulons associer le peuple à ce changement. Nous voulons mettre fin aux horreurs que provoque la haine de l’autre, l’obscurantisme et le terrorisme islamiste. Tout centrafricain ne supportant plus ces souffrances atroces trouvera sa place dans SIRIRI.
SIRIRI est convaincue que la population centrafricaine est une mosaïque d’ethnies du fait de la situation géographique du pays et de l’évolution de l’histoire de l’Afrique centrale. Par conséquent, nous allons mettre l’accent sur l’unité nationale. SIRIRI va réunir les éléments qui doivent constituer un État, de manière à ce que le territoire national soit réellement contrôlé, et que les institutions soient fortes. Nous allons rétablir la notion d’appartenance à une nation et celle d’intérêt général, avec une politique de réconciliation et de reconstruction. Tous ensembles, nous pouvons fédérer les différentes parties. Nous estimons qu’il est urgent de parachever prioritairement le désarmement de manière impartiale, d’assurer la sécurité des populations et de jeter les fondations d’un État de droit. Et ceci comprend la refondation de l’armée nationale et de toutes nos forces de défense et de sécurité.
C’est l’unique voie qui nous mènera à la bonne gouvernance de la nation afin qu’elle soit dirigée par des personnalités opérationnelles, compétentes, indépendantes et de grande probité, au sein d’un collège restreint et soigneusement identifié.
Aujourd’hui, seul le rétablissement d’un État de droit et la fin de l’impunité permettront l’arrêt des violences. Ensuite l’État devra jouer le rôle qui est le sien : en particulier dans les domaines de la protection des citoyens, du développement économique et social, incluant, l’éducation nationale, la santé, les infrastructures de base, de la consolidation de l’État de droit et de la cohésion nationale.
Avec SIRIRI, nous allons trouver une solution authentique, entre centrafricains, pour lever les nombreux obstacles que sont, notamment, la ruine de l’économie, la disparition de l’État, les fractures dans l’unité nationale, la perte des valeurs, afin de léguer à nos descendants une République Centrafricaine terre de liberté, de prospérité et de paix.
Fait à Paris, le 26 janvier 2018
Mme. Marie-Reine Hassen M. Moustapha Mahamat Saboune
Coordonnatrice Politique Président