CENTRAFRIQUE : CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ PERPÉTRÉS A HUIS CLOS
Bangui, le 4 août 2017.
Par : Joseph Akouissonne, CNC.
SILENCE ASSOURDISSANT DES MÉDIAS OCCIDENTAUX
Oui ! Il faut s’indigner sans retenue devant l’inacceptable !
Devant ce qui peut être qualifié de «non–assistance à population en danger de mort. » Cette indifférence coupable rappelle le manque cruel d’intérêt de la part l’occident envers certains pays d’Afrique, comme la République Centrafricaine. Ce qui émeut les occidentaux, c’est plutôt la garantie qu’ils peuvent organiser le pillage des matières premières pour leurs industries et s’arranger pour le pérenniser.
La stupéfaction le dispute à l’indignation, devant le silence des médias français, qui ne font même pas état de ce qui se passe sur place.
Silence, on tue !
Mais, depuis près de deux siècles, la France et la R.C.A. ne partagent-elles pas la même langue ? Pour défendre la mère patrie, les Oubanguiens ne sont-ils pas tombés par milliers sur le sol de France ? Et qu’est-ce qui a permis l’essor industriel de la France, sinon les matières premières de l’ancien Oubangui-Chari devenu République Centrafricaine ?
On cherche en vain, dans les journaux télévisés des chaînes d’information, l’écho des massacres pré-génocidaires qui frappent les populations et le calvaire des enfants en souffrance, dont l’avenir est indéniablement compromis, handicapant ainsi le développement de leur pays. Même France 24, qui consacre pourtant un journal spécifique à l’Afrique, reste très parcimonieuse quand il s’agit d’évoquer le drame centrafricain.
« Deux poids, deux mesures ? »
IMPUISSANCE DU POUVOIR POLITIQUE FACE A UNE INGÉRENCE INACCEPTABLE
On a été choqué d’apprendre qu’une délégation de SANT’ EDIGIO s’était rendue, le 27 juillet, à N’Djamena (Tchad) pour s’entretenir avec Idriss Deby à propos des efforts de pacification en Centrafrique. La capitale du Tchad est-elle devenue celle de la République Centrafricaine ? Qui a mandaté Deby pour parler au nom de la R.C.A. ? Celui-là même dont les soldats se sont comportés en criminels dans ce pays ? Quand les occidentaux qui le soutiennent se rendront-ils compte que le président du Tchad, loin d’être une solution pour la Centrafrique, en est plutôt le problème ? N’oublions pas que les victimes centrafricaines de ses soldats vont tout faire pour que la Cour Pénale Internationale tienne compte de leur plainte.
L’initiative de Sant ‘Egidio risque de discréditer cette communauté catholique pleine de bonne volonté aux yeux des Centrafricains. Nos soupçons concernant un possible complot ourdi sur le dos des Centrafricains, pour assurer l’impunité des criminels ex-Sélékas et disloquer le territoire centrafricain, se confirment. La preuve est faite, désormais, qu’Idriss Déby se prend pour le gouverneur de la R.C.A. : non seulement il arme et équipe les ex-Sélékas musulmans contre les chrétiens, mais, en plus, il prend en otage les dirigeants centrafricains, affaiblis par leur incompétence et responsables de la mauvaise gouvernance du pays.
Ce qui est terrible, c’est, précisément, l’aphonie du pouvoir actuel, son manque d’énergie et de courage pour défendre ses concitoyens et leur pays. Accepter que l’avenir de la République Centrafricaine se décide à N’Djamena sans élever, semble-t-il, la moindre protestation, quoi de plus humiliant ? A n’en pas douter, la France, tuteur principal de la Centrafrique, a désigné Deby comme le « pacificateur » du pays.
C’est une hérésie. Un mépris total pour le peuple centrafricain.
Mais celui-ci ne tardera pas à réagir, pour sauvegarder son honneur et protéger son pays.
DISPARITION DE POLITICIENS ?
Qu’ils étaient nombreux, les candidats, au moment des élections ! Ils étaient prêts à tout promettre au peuple centrafricain, y compris la lune ! Mais ce qui les intéressait, c’était surtout la gamelle du pouvoir. Ce qui les faisait agir, c’était leur appétence irrépressible à l’argent.
Aujourd’hui, ceux qui ont réussi à se faire élire députés ne remplissent pratiquement aucune de leurs missions. Alors que les dangers cernent le pays de toutes parts, on n’entend guère les représentants du peuple. Les Centrafricains sont en droit de se demander à quoi ils servent. L’Assemblée nationale est dirigée par un président corrupteur, soupçonné de préparer un coup d’état, voire d’attenter à la vie même de Faustin-Archange Touadera. Qu’ajouter de plus à ce sombre tableau des menaces qui pèsent contre la démocratie en Centrafrique ?
C’est insupportable de constater que la République Centrafricaine ressemble à un bateau ivre en perdition, ballotté par des vagues en furie qui l’assaillent de toutes parts. Y a-t-il encore un commandant à la barre ? On en doute. Beaucoup souhaiteraient que l’on change d’équipage. Mais voilà ! En pleine tempête, c’est impossible !
Que reste-t-il aux Centrafricains ? Rien d’autre que la possibilité de crier à la face du monde les souffrances dont ils sont victimes, leur peur de voir leur pays menacé de dislocation et leur refus de devenir une Somalie et un Kivu (RDC) réunis.
C’est pourquoi, malgré des obstacles quasiment insurmontables, ils feront tout pour résister aux bandes surarmées par l’étranger.
QUI ARME LES SELEKAS ?
« Avant, on fabriquait les armes pour les vendre ; aujourd’hui, on fabrique les guerres pour vendre les armes. » (Arundhati Roy, activiste pacifiste indienne)
Constat : aucune usine d’armement digne de ce nom n’existe en Afrique subsaharienne (excepté en Afrique du Sud). Les ex-Sélékas et les autres bandes armées sont donc les clients de marchands occidentaux, de ceux qui se gobergent avec les diamants et l’or de la mort. Les armes qu’ils vendent se retournent d’ailleurs souvent contre les soldats de leur propre pays, en Centrafrique et ailleurs.
Les membres du Conseil de Sécurité de l’O.N.U. représentent tous des pays qui vendent des armes. Autrement dit, les gardiens de la paix dans le monde causent des centaines de milliers de morts à cause de leur mercantilisme morbide ! Non seulement ces pays – avec quel cynisme ! – donnent des leçons de démocratie et d’humanisme au monde entier, mais encore ils se transforment en chasseurs de prime sans foi ni loi, mus par une redoutable âpreté au gain et une appétence irrésistible à l’argent.
Un rapport d’experts de l’ O.N.U., rendu public ce 1er août, dévoile précisément les circuits des trafics d’armes aux frontières. Des pays comme le Tchad, la R.D.C., les deux Soudan et les pétro-monarchies du Golfe ont financé et continuent à armer les mercenaires qui violentent la R.C.A. Curieuse attitude que celle de l’ O.N.U. qui ne pose jamais la question du marché illicite des armes… Bangassou est malheureusement devenu le marché à ciel ouvert des trafics d’armes qui alimente les massacres de population. C’est peut-être aussi, si l’on y prend garde, l’embryon d’un
Premier Califat.
Comme tant d’autres nations, le peuple centrafricain ne connaîtra-t-il la paix et la réconciliation qu’au moment où les occidentaux cesseront leur commerce morbide ? Qu’ils cesseront de « fabriquer des guerres pour vendre des armes » ?
JOSEPH AKOUISSONNE
(3 août 2017)