CENTRAFRIQUE : APRÈS LE MACABRE DIAGNOSTIC, QUELLE THÉRAPIE POUR ENDIGUER LE RISQUE PANDÉMIQUE DE LA CRISE.
Bangui, le 14 mai 2018.
Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.
Les rapports de différents experts sur la crise centrafricaine sont unanimes et confirment le caractère agonisant du pays qui venait de se remettre de ses cendres.
En effet, une élection dite démocratique avait réhabilité la Centrafrique dans ses droits et la convalescence suivait son cours normal. Le président de la république démocratiquement élu a pourtant bien commencé son quinquennat en mettant en place les institutions républicaines et cela dans le délai constitutionnel. Le gouvernement mis en place sur des critères peu louables et non conformes au discours d’investiture a très vite montré ses limites. Le volet sécuritaire, premier défi à relever et également une promesse de campagne est devenu pire qu’avant la transition.
Le pays est essoufflé sous le poids de querelles intestines, stériles et le pouvoir devenu impopulaire à l’image de la visite surprise du président de la république à Fatima et Castors. Il est ainsi devenu irréversible que le pouvoir est dépassé et n’arrive plus à rien contrôler. Le processus de la « somalisation » de la Centrafrique est ainsi enclenché au grand étonnement du citoyen lambda qui s’interroge : Allons-nous abandonner le destin de notre nation entre les mains d’un pouvoir qui a perdu sa boussole ? Le civisme et le patriotisme ne titillent-ils pas la conscience de nos compatriotes ? Comment ce gouvernement pourtant bien averti n’a t-il pas vu venir le désastre ? Le rythme du processus actuel de règlement de crise est-il en adéquation avec le dénouement de la crise ? Après ce macabre constat, comment faire pour sortir du gouffre ? Doit-on continuer à faire confiance ou à injecter de l’argent dans ce fameux processus de DDRR ? La Minusca est-elle véritablement impuissante face à la crise ? Cette impuissance artificielle relève t-elle de la manipulation ? La montée en puissance de la Minusca est-elle fonction des intérêts des puissances occidentales en jeu ? Réclamer l’augmentation de l’effectif de la Minusca à la tribune de l’ONU à New-york changera t-elle la donne ? Peut-on résoudre durablement la crise centrafricaine en faisant abstraction des paramètres sous régionaux ? Quels sont les apports de ceux ou celles qui se réclament patriotes pour libérer notre patrie menacée de partition ? Quelles sont les solutions envisageables à court, moyen et long terme ? Était-elle opportune d’augmenter exagérément les fonds spéciaux de la Présidence alors que le défi sécuritaire ne dispose que d’un budget insignifiant ? Ce gouvernement qui a échoué lamentablement a t-il encore sa raison d’être ? Au delà de ces questionnements, nous invitons les autorités centrafricaines à mesurer la gravité de l’heure en redonnant un sens à « l’union sacrée » qui, logiquement devrait illustrer le patriotisme fragilisé par nos égos. La sécurisation de notre patrimoine étatique n’incombe de façon exclusive aux autorités mais à tous ceux ou celles qui se réclament centrafricains. Il est évident que chacun de nous doit être artisan de la paix quelle que soit sa confession religieuse. N’oublions pas que le principe de la laïcité est confirmé par le préambule de la constitution du 30 mars 2016. Compte tenu de la gravité de la crise et pour sécuriser le processus de règlement, nous invitons humblement les Centrafricains de faire l’économie de nos divergences d’opinions, d’idéologies ou de colorations politiques pour soutenir les actions sécuritaires du gouvernement. Par ailleurs, nous fustigeons l’attitude de l’opposition qui ne joue pas un franc jeu avec le pouvoir en proposant des solutions alternatives, crédibles et audibles. Nous rappelons que s’opposer démocratiquement n’est pas synonyme de paralyser le fonctionnement de l’Etat. Le sens patriotique impose à l’heure actuelle aux leader politique de sensibiliser leurs adeptes en vue d’une vision commune. Il est important de rappeler que la crise centrafricaine doit désormais être dépolitisée car le brassage des idéologies est une richesse, une force, une synergie au service de la nation. Les efforts de tous doivent converger pour créer les conditions de travail des humanitaires car le nombre des personnes déplacées ou réfugiées ne cesse de croître. Qu’en est-il parallèlement du mutisme stratégique ou l’indifférence de la France et de l’ONU sur la recrudescence de la violence ? Pouvons-nous aussi facilement nous défaire du système suicidaire imposé par notre vieux partenaire privilégié ? Nous estimons pour notre part qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Nous dépendons tellement de ce partenariat que tourner le dos brusquement ou brutalement est suicidaire. Nous souhaitons que cette démarche soit inscrite dans un processus certes long mais judicieux. Ainsi, il est indispensable au pouvoir de reconsidérer le partenariat militaire avec la Russie et par le même biais actualiser et revaloriser les différents engagements avec la France au prorata des intérêts respectifs car l’un des États dépend inversement de l’autre. Face à l’amateurisme chronique du chef du gouvernement, un nouveau gouvernement s’impose avec le rajeunissement de la classe politique et surtout le recours à toutes les compétences nécessaires. Pour finir, nous recommandons que le futur gouvernement renforce et appuie les activités de la plateforme religieuse menée par le cardinal, l’imam et le révérend pasteur et surtout de ne pas faire de l’amalgame en considérant ou en assimilant les musulmans à des étrangers. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 11 mai 2018. Bernard SELEMBY DOUDOU. Juriste, Administrateur des élections. Tel : 0666830062