2025, la grande farce électorale se prépare en Centrafrique
Bangui, CNC. Le pouvoir centrafricain s’apprête à organiser des élections locales en avril 2025, mais ce scrutin risque de tourner à la mascarade démocratique. L’opposition boycotte le processus, dénonçant un système verrouillé au profit du régime Touadéra. Cette nouvelle crise politique plonge le pays dans l’incertitude.
La farce électorale se prépare en Centrafrique , un processus biaisé.
“Nous ne participerons au processus que s’il y a un dialogue politique”, martèle Martin Ziguélé, président du MLPC et figure de l’opposition. Il pointe du doigt les nombreuses irrégularités lors des précédentes élections : “En 2020-2021, j’étais candidat à la présidentielle. J’ai appris que j’avais obtenu 7% des voix, sans avoir reçu aucune feuille de résultat d’aucun bureau de vote”.
Ces accusations jettent un sérieux doute sur la crédibilité de l’Autorité nationale des élections (ANE). Selon M. Ziguélé, “80% à 90% des démembrements de l’ANE en province ont été mis en place sous l’influence des sous-préfets et des préfets”. Des allégations graves que l’institution peine à réfuter de manière convaincante.
Le système électoral centrafricain semble taillé sur mesure pour favoriser le pouvoir en place. M. Ziguélé dénonce notamment le changement des règles concernant le nomadisme politique : “Depuis 1993, il était interdit à un député élu sous la bannière d’un parti de quitter son parti en cours de législature. Et comme par hasard, en 2017, la loi a changé”. Résultat : de nombreux députés d’opposition ont rejoint le parti présidentiel MCU, privant l’opposition de sa représentation parlementaire.
L’ANE dans la tourmente, une farce électorale avec des conséquences.
David Sendé, directeur de la formation à l’ANE, tente de défendre l’institution : “Je n’ai jamais reçu une influence de qui que ce soit”. Mais ses arguments peinent à convaincre. Il reconnaît que certains commissaires, ayant un passé politique, “veulent de temps en temps titiller” les acteurs politiques.
L’ANE se dit prête à organiser le scrutin, avec ou sans l’opposition. “Sur le plan technique, il n’y a pas de blocage. Nous pouvons toujours avancer”, déclare M. Sendé. Une position qui révèle le peu de cas fait de l’inclusivité du processus électoral.
Le manque de transparence de l’ANE est flagrant. M. Ziguélé raconte : “On a rencontré le président de l’ANE qui venait de prendre fonction et qui nous a dit que le stock des faits de résultat, on a oublié d’amener ça et de distribuer dans les bureaux de vote. C’était stocké à l’ANE”. Un aveu d’incompétence ou de manipulation qui en dit long sur la fiabilité de l’institution.
La farce électorale : un dialogue politique au point mort.
L’opposition réclame un dialogue politique pour revoir les règles du jeu électoral. “Nous avons documenté tous les manquements de notre processus électoral”, affirme M. Ziguélé. Mais le pouvoir reste sourd à ces appels.
Joseph Bindoumi, président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme, appuie cette demande : “Dans un pays, dans un état de droit, le dialogue doit être permanent”. Il rappelle que c’était une recommandation forte du Forum national de Bangui.
Mais le gouvernement Touadéra semble décidé à passer en force. L’ANE avance ses pions, prétextant avoir “mobilisé environ 70% du budget” pour les élections. Une manière de créer un fait accompli et d’écarter toute possibilité de dialogue.
Une population prise en otage.
Dans ce bras de fer opposition – pouvoir, c’est la population centrafricaine qui risque d’être la grande perdante. M. Bindoumi s’inquiète : “Notre crainte est qu’après avoir sensibilisé le Centrafricain, on ne leur dise pas que les élections n’ont pas lieu. Ce serait une insulte envers le peuple”.
Le droit de vote des Centrafricains est bafoué par ce simulacre démocratique qui se prépare. L’ANE prétend vouloir organiser “des élections inclusives, transparentes et surtout apaisées”. Mais comment parler d’inclusivité quand l’opposition est exclue du processus ?
- Ziguélé dénonce cette mascarade : “Nous ne voulons pas servir de caution politique à une fausse démocratie”. Il rappelle que l’opposition n’a pas empêché la tenue du référendum constitutionnel, mais refuse de cautionner un processus électoral biaisé.
Un avenir politique incertain.
Le report des élections locales à avril 2025 ne règle en rien les problèmes de fond. M. Bindoumi soulève une question importante : “Est-ce que pour la seule année 2025, nous allons réussir les élections municipales, les élections locales, les élections législatives, les élections présidentielles? Et avec quelle moelle?”
Le calendrier électoral surchargé laisse présager de nouvelles crises politiques. Le pouvoir Touadéra semble vouloir enchaîner les scrutins pour asseoir sa mainmise sur les institutions, au mépris d’un réel processus démocratique.
L’opposition, elle, se trouve dans une impasse. Boycotter les élections, c’est laisser le champ libre au pouvoir. Mais participer, c’est cautionner un système truqué. M. Ziguélé résume ce dilemme : “Nous ne sommes pas des masochistes, nous ne cherchons pas à nous faire du mal ou à faire du mal à notre pays”.
Un pays au bord du gouffre.
La crise politique qui couve risque d’aggraver la situation déjà précaire de la Centrafrique. Le pays peine à se relever de années de conflit. La présence de mercenaires russes du groupe Wagner ne fait qu’ajouter à l’instabilité.
Dans ce contexte, des élections bâclées pourraient mettre le feu aux poudres. M. Bindoumi met en garde : “Nous pensons que le peuple doit savoir quel genre de processus, quel genre de démarches on met à sa disposition pour lui permettre de donner sa voix dans ces processus transparents, crédibles”.
Mais le pouvoir Touadéra semble sourd à ces avertissements. Obsédé par son maintien au pouvoir, il joue avec le feu en organisant des élections sans l’opposition. Une stratégie à courte vue qui pourrait plonger le pays dans une nouvelle spirale de violence.
L’avenir démocratique en péril.
Faute de consensus politique, les élections locales de 2025 s’annoncent comme une mascarade démocratique de plus dans ce pays meurtri par des décennies de crises. Le régime Touadéra poursuit sa fuite en avant, au mépris des aspirations de la population à une véritable alternance politique.
- Ziguélé dresse un constat amer : “Comment expliquez que dans un pays comme le Sénégal, on organise une élection, à 20h il y a les résultats et personne ne conteste ? Comment expliquez qu’au Ghana, on fasse des élections, à 20h il y a des résultats et personne ne conteste ?”
La Centrafrique semble bien loin de ces standards démocratiques. Le pays s’enfonce dans une parodie de démocratie, où les élections ne servent qu’à légitimer un pouvoir autocratique. Sans un sursaut national et une réelle volonté de dialogue, l’avenir politique du pays s’annonce bien sombre.
L’appel au dialogue lancé par l’opposition et la société civile reste pour l’instant lettre morte. Le pouvoir Touadéra, arc-bouté sur ses positions, refuse toute remise en question du système électoral. Cette intransigeance risque de conduire le pays dans une impasse politique aux conséquences imprévisibles.
Alain Nzilo
Directeur de publications
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