Sur la gouvernance de Macky Sall, une tribune d’élites sénégalaises révèle Bangui.
Bangui, 01 août 2023 (CNC) – « Sénégal : le temps de désenchantement démocratique »_ est l’intitulé d’une tribune au vitriol publiée par un collège de huit universitaires sénégalais dans un contexte de crise démocratique dans le pays. Si la première version de cet éditorial, du moins, de cette prise de position intellectuelle, a été publiée, la première fois, à plus de mille kilomètres de la RCA, dans les colonnes des médias sénégalais, tout observateur sérieux de la vie politique centrafricaine y verra beaucoup de similitudes avec la situation qui prévaut en ce moment en Centrafrique.
Comme une épée suspendue sur la tête de Macky Sall, les intellectuels sénégalais écrivent ceci : « le temps de la démocratie politique, judiciaire, institutionnel, populaire au Sénégal est celui du désenchantement. Les deux mandats de Président Macky Sall ont précipité la déliquescence de l’Etat de droit et des principes qui fondent la démocratie sénégalaise. Par utilitarisme politique, le régime actuel a désolidarisé le binôme Etat-Nation, transformant la crise politique en une crise de société profonde ». Pour qui observe bien, cette citation peut être contextualisée en Centrafrique en enlevant « Macky Sall » et « Sénégal ». Comme le Sénégal, le temps de la démocratie en Centrafrique est celui du désenchantement. Car, en pensant avoir réussi la transition de 2016 par l’organisation des scrutins démocratiques, l’on croyait avoir remis le pouvoir à un Faustin Archange Touadera qui se gardera de respecter la tradition démocratique en refusant de profaner la Constitution et en transmettant, à l’issue de ses deux mandats, le pouvoir démocratiquement à un nouveau régime. Contre toute attente, et à l’instar de Macky Sall au Sénégal, Touadéra a précipité le pays dans la déliquescence totale, transformant la crise institutionnelle qu’il a créée en 2022 par la destitution du Pr Danièle Darlan (Président légitime de la Cour constitutionnelle) en une crise sociale profonde qui renverse les fondements de l’unité nationale en RCA.
« Depuis la crise de régime de 1962, se désolent les intellectuels sénégalais dans leur tribune, le droit a souvent été l’instrument d’une conspiration contre le Peuple. Sans expérimenter une rupture de l’ordre constitutionnel comme au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée, le temps de la démocratie est parsemé de coups de force institutionnels et de commandes politiques d’interprétation fourbes du droit ». Cet autre paragraphe de la tribune des universitaires sénégalais illustre de manière feutrée les nombreux coups d’Etat institutionnels opérés par Touadéra durant ses sept ans de mandat. Lui qui s’est offert les services de tous les mercenaires intellectuels de l’Université de Bangui, qui réfléchissent mieux avec leur ventre qu’avec leur tête afin de lui écrire une nouvelle Constitution sectaire et bancale à sa gloire.
Plus loin, les universitaires sénégalais nous disent : « la démocratie ne se définit pas seulement par l’existence d’institutions (parlement, exécutifs, institutions judiciaires) et par l’organisation d’élections régulières. La démocratie ne saurait être discursive. La sociologie lui imprime sa réalité ». Quoi de plus normal de renvoyer cet autre paragraphe à Faustin Archange Touadéra, lui qui après avoir organisé sa mascarade référendaire dans le seul but de s’offrir un règne à vie, déclarait récemment sur la chaine TV5, que le référendum est le seul moyen démocratique pour consulter le Peuple. A croire qu’il suffisait d’organiser un référendum même avec des procédés illégaux pour rendre l’acte légitime et légal.
« Les signes du désenchantement démocratique au Sénégal sont légion ; une magistrature aux ordres, une administration docile et répressive, des milices privées qui opèrent en toute impunité auprès des forces de défense et de sécurité, des arrestations aux allures des rafles…La démocratie ne s’accommode pas à la réduction au silence des citoyens par l’imposition d’une terreur institutionnelle à laquelle se sont soumis les corps intermédiaires, les syndicats, une bonne partie des intellectuels, les médias classiques… » poursuivent les intellectuels sénégalais dans la même tribune. Comment ne pas voir la forte similitude entre cette description et les réalités présentes en Centrafrique. Quand l’ANE et la Cour constitutionnelle sont aux ordres ; quand les requins agissent en toute impunité et font des arrestations aux allures de rafles (cas récent du porte-parole du parti URCA arrêté à son domicile avant d’être relaxé). Comment ne pas s’incliner devant l’éloquence de cette tribune lorsqu’on sait qu’à l’instar de Sall, Touadéra a politisé toute l’administration centrafricaine, cloué tous les corps intermédiaires au pilori et assujetti les intellectuels, la société civile et les syndicats…
« Plus que jamais les réminiscences du parti unique ou dominant affleurent notre temporalité politique… » nous disent ces universitaires. En dehors de Sall, le cas Touadera est plus qu’éloquent. Lui qui, en rédigeant sa nouvelle Constitution, a déjà exclu de la course présidentielle plus de 60% de potentiels candidats. Lui qui a réussi à créer sa propre opposition démocratique avec qui il bat campagne pour son projet de règne à vie. Lui qui a fait de l’appartenance au MCU le seul moyen de gravir les échelons au sein de l’administration, ou encore pour prétendre bénéficier des bourses académiques…
« Entretenir un amalgame entre le droit constitutionnel à la résistance à l’oppression et l’appel à l’insurrection revient à judiciariser l’espace politique à des fins d’exclusion ». En Centrafrique, alors que faisant recours aux dispositions de la Constitution relatives à la résistance citoyenne, des acteurs civils et politiques majeurs ont été condamnés injustement par la justice aux ordres de Faustin Archange Touadéra. C’est notamment le cas des Professeurs *Jean-François Akandji-Kombe* , *Gaston Mandata N’Guerekata* , les activistes *Rodrigue Joseph Prudence Mayté* , *Serge Mbaikassi Tonzératou* , et plus récemment de l’ex Chef de l’Etat *Ferdinand Alexandre N’Guendet* , condamné injustement à cinq ans de prison.
Comme l’ont mentionné les universitaires sénégalais, cette exclusion faite à dessein vise à reconstruire un espace politique monolithique en Centrafrique.
Et de finir, alors que tout donne l’air qu’après sept ans de Touadera au pouvoir nous sommes quittés d’État-néant à non-État , que peut-il rester (encore) de la démocratie profanée n fois en Centrafrique ?
Par Ben Wilson Ngassan
Journaliste, acteur de la société civile centrafricaine
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