République centrafricaine : L’heure du jugement a sonné pour Maxime Mokom
Texte par:
Human Rights Watch
Publié par: Corbeaunews Centrafrique
Le 14 mars, le Tchad a transféré un ancien coordinateur militaire d’un groupe de miliciens anti-balaka en République centrafricaine, Maxime Mokom, à la Cour pénale internationale (CPI). Mokom avait fui au Tchad après avoir été membre d’une coalition rebelle qui a tenté en vain de prendre le pouvoir en 2020. Les crimes pour lesquels il sera traduit en justice, et qui sont à l’origine du mandat d’arrêt de la CPI émis contre lui en 2018, sont bien antérieurs toutefois.
Entre 2014 et 2016, des combattants anti-balaka se sont livrés à des affrontements avec des groupes majoritairement musulmans de la Séléka pour le contrôle des routes et des villages de la province de Nana-Grebizi, les civils étant pris entre deux feux. De nombreux musulmans ont pris la fuite. Les anti-balaka se sont finalement retournés contre les habitants qui étaient restés et qui, selon les anti-balaka, s’opposaient à eux ou s’étaient rangés du côté de leurs voisins musulmans. Progressivement, les combattants anti-balaka ont attaqué tous ceux qu’ils rencontraient, se livrant à des tueries, des viols et des pillages. Mokom était l’un de leurs chefs.
En 2016, j’ai rencontré une femme âgée de 25 ans à Kaga Bandoro, la capitale de la province de Nana-Grébizi, qui m’a raconté comment elle avait été violée sous la menace d’une arme par deux combattants anti-balaka et rouée de coups par la suite. Elle m’a dit : « Ils ont enlevé leurs ceintures et commencé à me frapper. Ils ont dit que c’est Dieu qui m’avait livrée à eux ; maintenant ils allaient faire ce qu’ils voulaient de moi. » L’un de ses violeurs, se souvenait la survivante, était Franco Yagbegue, un commandant de secteur également connu sous le nom de Pelé. Lorsque j’ai rencontré Pelé en août 2015, avant qu’il ne commette ce viol, il m’avait confié que la structure anti-balaka dans laquelle il servait était coordonnée par Mokom.
Mokom emblématise la façon dont violence et impunité favorisent certains en République centrafricaine. Alors que la survivante du viol a été livrée à elle-même pour reconstruire sa vie, Mokom est devenu ministre en 2019 après qu’un accord de paix a permis à des rebelles d’accéder à de nombreux hauts postes gouvernementaux. Pendant des années, il a été considéré comme intouchable et l’idée qu’il soit confronté à la justice paraissait impensable. Jusqu’à aujourd’hui.
Mokom est le troisième dirigeant anti-balaka à être déféré au tribunal situé à La Haye. Jusqu’à présent, un seul commandant de la Séléka, Mahamat Siad Abdel Kan, est poursuivi par la CPI.
La coopération du Tchad doit être saluée, et il convient de l’encourager à continuer de livrer d’autres chefs rebelles impliqués dans la commission des crimes graves – tant de la Séléka que des anti-balaka – et qui continuent d’échapper à la justice dans ce pays. Comme Mokom, ils devraient devenir des symboles de justice, et non d’impunité.