Bangui (République centrafricaine) – Alors que les regards étaient tournés vers l’avenir d’un autre destin national plus radieux dans la paix et le développement, par la consolidation de l’Etat de droit et à travers la tenue dans les délais constitutionnels d’élections transparentes, crédibles et conforme à la volonté souveraine du peuple Centrafricain, c’est l’arrivée impromptue de son exil ougandais de l’ancien Chef d’Etat François BOZIZE, et le réveil meurtrier du foyer dormant-cyclique du Km5 (Kilomètre 5) épicentre de toutes les crises en Centrafrique, particulièrement dans la capitale qui se sont invités aux débats tous azimuts faisant redouter un emballement préjudiciable avec de graves risques de troubles à l’ordre public en cette fin d’année.
Le retour annoncé de l’ancien Président de transition Michel DJOTODIA, vient faire monter encore plus la pression politique d’un cran dans un pays exsangue, particulièrement fragilisé avec une population en doute quant à la tenue des élections dans les délais constitutionnels.
Notre parti l’ARECA nouveau venu dans l’arène politique en Centrafrique s’est donné pour vocation la mise en place des mécanismes pour une relance économique d’envergure. Il ne peut pour autant rester indifférent face aux graves problèmes qui peuvent surgir à l’horizon laissant la classe politique comme tétanisée par les évènements, alors qu’il sera certainement judicieux d’appeler au respect des institutions dans un climat de paix et un esprit patriotique de responsabilité.
Retour de l’ancien Président BOZIZE au pays.
Le retour de l’ancien Chef d’Etat BOZIZE souhaité par son parti et ses alliés, mais non voulu par le Gouvernement et le parti MCU pour des raisons évidentes mérite sérénité et prudence quant à la gestion de l’approche.
Sera-t-il candidat à l’élection présidentielle à venir ou soutiendra-t-il un autre candidat ? On ne peut oublier que l’ancien Chef d’Etat fait l’objet de poursuites judiciaires, mais n’est pas encore jugé encore moins condamné pour le voir éventuellement privé de ses droits.
Il appartient au Gouvernement soit d’acter le processus de la poursuite engagée pour que les choses aillent jusqu’à leurs termes, soit dans un geste d’apaisement y mettre fin ou la suspendre en se référant à un autre cadre de dialogue que nous proposons dans la présente note.
Le Chef de l’Etat le Professeur Archange TOUADERA aurait proposé une rencontre avec ses prédécesseurs de la transition Michel DJOTODIA et Catherine SAMBA PANZA. Qu’en sortira-t-il de cette concertation alors que nous sommes en période préélectorale ou tous les partis affutent les armes pour les échéances à venir?
L’ARECA considère que les motifs de cette concertation doivent être rendus publics pour faire participer toutes les couches sociales à la construction d’un climat apaisé pour maintenir l’ordre public et l’intérêt national.
Dans le projet de loi en cours sur le statut des anciens Chefs d’ Etat, pourquoi ne pas s’inspirer des exemples d’autres pays. Par exemple outre les avantages qu’on leur accorde, les faire siéger au Conseil constitutionnel comme membres à vie à condition de renoncer à descendre dans l’arène politique. Dans le cas contraire, ils perdront leurs statuts de sages à travers l’avantage que l’l’institution leur procure et devenir donc un justiciable lambda.
Nous ne devons pas faire l’économie d’une concertation permanente nécessaire au motif que les précédents dialogues qui ont tous conduit à la mise en place des gouvernements d’union ont tous échoué car aucun n’a apporté de bonnes solutions pour le pays. C’est pour cela que la concertation permanente et le débat public est nécessaire au relèvement national dans la transparence démocratique. Ce que pense chaque parti politique sur chaque sujet d’intérêt national ou social doit être connu pour sortir des flous qui nourrissent les rumeurs qui viennent alourdir le climat social déjà bien instable.
La flambée de violence au Kilomètre 5
Comme tout le monde sait, le poumon économique du pays le Km5 est en même temps le baromètre de la sécurité à la fois pour la capitale mais également de l’ensemble du pays car chaque fois qu’il y a des troubles les répercutions se font partout.
Si tout ce qui est entrepris jusqu’alors n’a pas marché pourquoi ne pas entreprendre autre autres choses? Cette partie de la capitale comportant une forte communauté musulmane étant malgré elle l’épicentre de la crise actuelle mérite une attention soutenue pour diverses raisons.
Les mesures tant sécuritaires qu’humanitaires sans être associées à un volet économique conséquent ne donneront aucun résultat palpable sur du long terme.
Après les cérémonies de la fête nationale du 1er décembre, la communauté du 3ème de Bangui a ardemment demandé à nous rencontrer.
Bien qu’il y ait eu quelques hésitations quant au problème de sécurité, nous nous sommes fait violence pour aller écouter cette partie de la population. La rencontre a eu lieu dans une salle de réunion nouvellement aménagée devant la Marie du 3eme ou sont postés en permanence des chars de la MUNISCA ce qui témoigne le degré d’insécurité en ces lieux.
L’invitation a été faite par les leaders de la jeunesse et les chefs de quartiers composant le 3ème arrondissement. Les échanges ont été riches en enseignements et très émouvants.
Les intervenants ont décrit tour à tour ce qu’ils appellent l’enfer concentrationnaire du Km5 à travers leurs difficultés, leur isolement, la population est passée de 100 000 à 300 000 habitants hébergeant en plus des rescapés venant des 8 arrondissements de Bangui mais aussi des 16 préfectures du pays.
Il n y a pas d’eau courante, pas d’électricité, sans parler de système sanitaire et éducatif qui font grandement défaut. Dans une même concession, on peut trouver une concentration de 20 à 30 ménages. Le système scolaire n’existant plus, une grande concentration des jeunes sans travail au Km5 ne peut qu’être une bombe à retardement.
Ceux qu’ils appellent « groupe d’autodéfense » sont des jeunes en mal de repère faute de perspective offerte par les pouvoirs publics et la communauté internationale en terme de projets de société ou d’emplois. Ils partagent les lits avec leurs compagnes avec des bébés pour certains en ayant des grenades sous l’oreiller.
Ils vivent la peur au ventre, leur vie peut s’arrêter à tout moment. Ils ne demandent qu’une solution, qu’on leur trouve du travail ou un projet d’entrepreunariat, ils sont prêts à déposer les armes et embraser une vie normale comme tout citoyen lambda.
Certains qui ne veulent pas être une jeunesse perdue vont plus loin en demandant dans un geste de désespoir la création d’une université au Km5 pour rattraper leur retard.
Les Chefs des quartiers demandent notre intervention auprès du Gouvernent pour que l’eau et l’électricité leur soient rétablies quitte à choisir les autochtones de leurs quartiers pour assurer ces services même si ceux d’autres arrondissements ne souhaitent y mettre pieds pour des raisons de sécurité.
Peut-être que le Gouvernement qui pourra lire nos notes apportera des solutions aux différentes doléances surtout en ce qui concerne le rétablissement de l’eau et d’électricité. Mais pour ce qui concerne la création d’une université au Km5, cela ne peut être possible non seulement à cause du coût, accéder à une telle démarche, consacre la partition du pays sous des bases religieuses dans l’éducation, ce qui ne fera qu’accentuer les problèmes que de les résoudre.
La paix retrouvée, l’unique université publique du pays est le chantre de formation pour tout le monde sur un même plan d’égalité. Le problème qui se pose surtout est la garantie d’emplois à la sortie des formations universitaires et techniques pour résorber le chômage des jeunes.
Pour ce qui est de la résolution de la crise dans son ensemble, notre crédo tout le temps a été de proposer l’inoculation d’une dose conséquente des mesures économiques dans tous les mécanismes en vigueur actuellement comme solutions à l’arrêt définitif des problèmes que le pays connait.
On a beau organiser des élections changer des régimes tant que ces aspects ne sont pas privilégiés aucun changement notable interviendra.
Les jeunes qui se disent « groupe d’autodéfense » qui écument et pillent leur propre communauté sont le reflet de cette jeunesse perdue. Désœuvrés, ils se livrent à de trafics de tous genres pour tuer le temps. Ils se disent prêts à déposer les armes s’ils ont du travail pour nourrir leurs familles.
Une analyse objective montre que l’absence de l’Etat dans ce secteur souhaitée par certains groupes a permis de créer ce désordre. L’Etat ne peut jouer son rôle régalien qu’à travers la fiscalité pour rebâtir le système social, éducatif et sanitaire qui fait grandement défaut. Les groupes d’autodéfense s’érigent en percepteurs de taxes à la place de l’Etat, rançonnent et raquettent les commerçants sans améliorer le quotidien de la population du secteur.
Il y a lieu d’envisager une politique de réintégration du Km5 dans le girond de la République. Que l’état reprenne contrôle sur la zone. Sur les jeunes ; il faut bien circonscrire les réalités des jeunes, les analyser pour de meilleurs choix politiques à approfondir.
Solutions aux chômages des jeunes au-delà au développement du secteur privé dans l’ensemble
Nous avons eu des échanges francs avec les populations du Km5 qui se sentent piégés dans un enfer concentrationnaire. Cela doit nous interpeler sur les réponses jusqu’ici apportées tant par le gouvernement que par la communauté internationale, à nos côtés.
Vu le drame de ces derniers jours et les images insoutenables de jeunes enfants perdus dans les affrontements, la responsabilité politique est interpellée à agir promptement. Il nous faudra comme dans toute démocratie envisager de désigner un médiateur spécial qui pourra avoir l’écoute des habitants du KM5 afin de proposer des solutions indépendantes de toutes interférences politiques dans l’intérêt des populations et de la Nation. Et le plus tôt possible sera le mieux.
Nous avons proposé lors d’une conférence que nous avons organisée dernièrement les mécanismes pour la résorption du chômage des jeunes
La paix retrouvée, le régime issu des élections à venir doit s’attaquer aux causes endogènes et exogènes des crises que le pays a connues et qui ne sont d’autres que le reflet de la pauvreté criarde qui n’épargne aucune couche de notre société. Paradoxalement pour un pays qui dispose d’énormes potentialités à bien des niveaux.
Bien sûr que le programme des différentes entités aux élections à venir permettront de voir ce qu’il y a de mieux pour sortir le pays de l’ornière. Cependant, pour ce qui nous concerne, le chômage des jeunes (diplômés sans emplois ou jeunes en ruptures de bancs scolaires) ainsi que la prise en compte des projets socio-économiques des femmes sont nos préoccupations , sans parler d’un véritable mise en place d’un plan Marshal pour la relance du secteur privé.
Beaucoup de jeunes sans perspective d’emplois se lancent dans un nouveau phénomène de gains facile à travers les activités de taxi moto. On peut comprendre qu’en l’absence des véritables possibilités qu’offre la société en matière d’emplois, ils n’ont guère beaucoup de choix que de tenter leurs chances dans ce domaine.
Mais a-t-on fait le bilan de l’inorganisation de ce secteur d’activité certes louable pour pallier les difficultés de transport, mais occasionnant beaucoup d’accidents mortels ou des traumatismes à vie aussi bien pour les passagers que les conducteurs ?
Ce secteur indispensable pour notre économie a besoins d’être organisé, et cela procurera d’avantages à tout le monde. Une concertation tripartite ente l’Etat, les maisons d’assurance et l’association représentative du secteur d’activité permet de mettre une organisation efficiente comme cela se passe ailleurs en place pour mieux gérer ce secteur.
Le premier bénéficiaire de l’organisation est l’Etat car c’est la société entière qui subit le coût humain des accidents. La violence au Km5 est la résultante très négative du chômage des jeunes qui sous prétexte d’agir pour défendre leurs communautés deviennent leurs bourreaux en exigeant des taxes que les commerçants refusent de payer. Le Gouvernement et la Communauté internationale qui intervient à nos cheveux ont-ils pris à bras le corps le problème du chômages des jeunes dont la non résolution engendrera toujours des crises au pays ?
C’est l’occasion aussi de faire un bilan de la mise en place il y a quelques années du Conseil National de la Jeunesse CNJ sensé promouvoir l’entreprenariat des jeunes.
A-t-on fait le bilan de ces institutions pour connaitre les résultats et chercher des pistes de solutions en cas de difficultés de la mise en place du système ?
Beaucoup de jeunes que nous avons rencontrés déplorent l’absence de mesure d‘accompagnement dans la vie active après des formations où l’on leur délivre même des diplômes. Ce qui fait que leur situation avant ou après la formation est inchangée.
C’est ici que l’Etat doit jouer son rôle régalien de l’organisation de la vie socio-économique en mettant les mécanismes de création d’entreprises par les jeunes et voir même au-delà cette catégorie socio-professionnelle pour sortir du cercle vicieux des crises ;
A cet effet, l’Etat et la communauté internationale doivent mettre en place des mécanismes de financement du secteur privé au-delà du DDRR dont le bilan en termes de créations d’entreprises reste à démontrer. La création d’un fonds d’investissement s’avère nécessaire dans cette circonstance pour sécuriser et encourager les banques dans leurs interventions.
Ce fonds d’investissement qui n’est pas un don aux entreprises est un mécanisme de facilitation de financement du secteur privé qui peut être alimenté par :
- Le budget de l’Etat à travers le bonus minier
- Les prêts ou subvention de la communauté internationale
- Les cotisations des bénéficiaires du système (banques, emprunteurs, patronnât, diaspora etc.)
Sans le développement du secteur privé, le décollage du pays s’avérera difficile alors que toute sortie de crise partout ailleurs est accompagné d’une intervention accrue dans le secteur privé ;
Nous avons fait beaucoup des propositions aux Autorités pour le relèvement du secteur privé qui sont restées lettres mortes. Nous pensons qu’en ces périodes difficiles pour notre pays, nous devons nous surpasser les uns les autres et chercher ensemble des solutions pour ramener définitivement la paix chez nous, d’où notre démarche actuelle.
Proposition de sortie de crise
Une démarche à la veille des élections peut poser de problème aussi bien de calendrier que des moyens à se doter pour parvenir aux objectifs visés. Mais faire l’économie de réflexions et des propositions qui peuvent en résulter ne paraît pas nécessaire si on ne souhaite pas naviguer une nouvelle fois à vue avec les dangers que cela comportent. Les élections sont toujours des périodes sensibles chez nous.
Comment comprendre qu’un pays aussi riche que la Centrafrique disposant d’énormes potentialités (minières, forestières, touristiques, agricoles etc.) ne soit classé qu’en queue de peloton en termes d’indice de développement humain par les instances internationales quelles qu’elles soient sans qu’on ne cherche à comprendre les causes endogènes et exogènes de cette situation et chercher les solutions de résolution.
La Centrafrique a le plus faible budget de la CEMAC ; elle ne créé pas de richesse ou tellement peu par rapport à ses potentialités qu’elle est obligée de s’adresser à la communauté internationale pour boucler des fins de mois difficile.
Elle n’entreprend pas de grands travaux comme on le voit partout dans la sous-région signe de vitalité d’un pays en émergence. Aucun mécanisme de création d’une bourgeoisie nationale n’a été mise en œuvre jusqu’alors. Chaque régime qui arrive préfère gouverner avec les siens ou des amis sans apport réel à la société centrafricaine. Des nouveaux riches naissent et disparaissent avec leurs géniteurs.
De crise en crise on peut changer de régimes qu’on appelle gouvernement de transition, gouvernement d’union sans que rien ne change dans la résolution des véritables problèmes à l’origine des crises.
C’est la mauvaise gouvernance du pays qu’il faut éradiquer. Les petites solutions à travers les conférences diverses dont Dieu seul connait le nombre ne peuvent apporter de solutions radicales aux maux du pays.
Il faut une véritable volonté des acteurs politiques associés à la population dans son ensemble pour trouver les vrais remèdes aux maux du pays. Quand on bâtit des constructions sur des fondations minées par des termites, elles finiront par s’écrouler un jour car le socle de soutenance n’est pas solide.
Au lieu d’avoir un forum comme les précédents qui n’ont abouti à rien pourquoi ne pas tenter l’expérience d’une justice vérité réconciliation qui a fait ses preuves ailleurs sur le continent afin d’extirper définitivement les mauvaises graines qui écument notre société et dont les acteurs tapis dans l’ombre ou au commande de l’Etat finiront par avouer les mauvaises pratiques pour qu’on s’en sorte une fois pour toute des crises car ils seront démasqués et n’oseront plus recommencer.
C’est ainsi que la Commission Vérité Justice Réparation Réconciliation doit être poursuivie en tant que Droit des Centrafricains à la vérité, à la justice, à la réparation. C’est du moins la demande de toutes les populations au Forum National de Bangui qui a été un consensus national qu’on peut qualifier de référendum pour la paix et le relèvement.
L’ARECA attache un grand pris au caractère populaire et à l’indépendance de cette commission pour sortir le pays le plus vite de l’impasse. C’est la seule réponse qui n’a pas encore été expérimentée et la seule qui de notre conviction résoudra définitivement la crise meurtrière qui n’en finit pas d’hypothéquer notre avenir.
Que devront on faire pour aller à des élections apaisées et transparentes gage de stabilité assurant un lendemain meilleur pour un développement économique harmonieux gage de stabilité?
Ce n’est qu’une proposition peut être difficile à mettre en place en cette période préélectorale mais toutes autres solutions méritent aussi réflexion et analyse. En ce qui nous concerne et tenant compte aussi des avis que nous avons eus, l’hypothèse d’un forum vérité justice réparation réconciliation s’avère le meilleur. Reste à savoir comment en tenir compte dans le processus électoral en cours.
Bertrand KEMBA
Président de l’ARECA