Jean-Jacques Demafouth est né le 3 octobre 1959 au quartier Malimaka (Miskine) à Bangui. Son père Albert Mafoutapa est originaire de Sibut. Il a servi en tant qu’infirmer dans le bataillon de marche d’Oubangui-Chari intégré aux forces françaises libres pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il en sort caporal-chef en 1945 puis entre comme infirmier au Ministère de la Santé. Sa mère Jeanne Ingama est originaire de Kouango. Demafouth est le cinquième enfant d’une famille de dix-sept frères et sœurs. Il grandi à Sibut avant d’être pour la première fois scolarisé à l’école primaire à Koukourou (localité de Nana-Grebizi, située sur l’axe Bamingui – Mbrès) où il est envoyé chez sa grande sœur, loin de chez ses parents. Il continue ensuite sa scolarité à Kaga-Bandoro, puis à Dékoa, puis brièvement au collège au séminaire Saint-Marcel de Sibut. Il entre ensuite au lycée de Berbérati, puis au lycée Barthélémy Boganda de Bangui tout en étant vendeur ambulant pour subvenir à ses besoins.
En 1979, la capitale est en pleine effervescence. Après les grèves des élèves et étudiants en Janvier, les écoles et l’Université de Bangui s’affirment au printemps comme les bastions de la contestation au régime Bokassa. Demafouth qui est alors en classe de première assiste avec d’autres élèves aux réunions politiques et fait partie de ce mouvement de jeunesse contestataire. Demafouth quitte le lycée avant de décrocher son baccalauréat.
Il participe alors à l’édition d’une page de programmes de films diffusés dans les salles de cinéma, financée par des encarts publicitaires des magasins de la place avec son ami Bienvenu Dotocko, avant de transformer cette page en un journal intitulé « Tongolo » en 1980. Ce journal traitant de sport et de musique est publié tous les 3 mois pendant un an et demi avant d’être arrêté après 6 ou 7 tirages faute de moyens.
Peu après l’arrivée du Comité Militaire de Redressement National (CMRN) au pouvoir, Demafouth entre au Secrétariat d’Etat de la Jeunesse et des Sports que dirige alors Gaston Gambor (lequel est rattaché au Ministère de l’information et de la culture dirigé par François Bozizé).
Proche de l’ancien Premier Ministre Maïdou (dont l’aide de camps est Guy-Bertrand Damango) qui dirige le Parti Républicain pour le Progrès (PRP), Demafouth est impliqué (aux côtés de Guy Moskit) dans l’attentat à la bombe du 14 Juillet 1981 au cinéma « Club » à Bangui. Cet attentat qui fait trois morts, une soixantaine de blessés et d’importants dégâts matériels entraîne un durcissement du pouvoir de David Dacko : l’état de siège est décrété, la loi martiale imposée, la constitution suspendue.
Demafouth suit une formation de correspondant de presse avant de travailler au service de Documentation de la Présidence (renseignements) jusqu’en mars 1982.
Après ce que l’on a nommé le coup d’Etat radiophonique du 3 mars 1982, Mesdames Bozizé, Patassé, Mbaïkoua et leurs enfants sont finalement faits prisonniers au camp Kassaï le 6 mars 1982 où ils resteront prisonniers pendant quasiment un an. Demafouth servira alors brièvement de relai entre Kolingba et Agnès Mbaïkoua avant de quitter Bangui accompagnant le général Alphonse Mbaïkoua qui quitte Bangui à la mi-Mars à pieds accompagné de quelques hommes en direction du Tchad.
En Mai 1982, ils arrivent à Moundou où Mbaïkoua s’appuie des éléments Tchadiens dissidents, dirigés par le colonel Kamougué auquel il est parenté et qui sont hostiles à la mainmise des gens du nord sur les populations du sud du Tchad. Kamougué domine toute cette zone jusque fin 1982 avant de réfugier au Gabon, chassé suite à la victoire de Habré. Demafouth est arrêté, emmené à N’Djamena et présenté au président Hissène Habré comme l’un des meneurs de l’opposition centrafricaine à la frontière ce qui lui vaut un emprisonnement de cinq mois. Il prend ensuite contact avec le général Bozizé qui lui permet d’atteindre Cotonou en 1983 en passant par le Cameroun, puis le Nigeria.
Demafouth retrouve au Bénin les généraux Bozizé et Mbaïkoua et sert de point de relai avec Patassé à Lomé. C’est ainsi qu’il apprendre à connaître Patassé et qu’il fait bon nombre de voyages pour le compte du MLPC, notamment en Italie et surtout en Libye. A cette époque, Kadhafi est obligé d’évacuer le nord du Tchad suite à l’intervention militaire française dans cette zone qui est réoccupée alors par Habré. Kadhafi soutient alors les dissidents tchadiens du sud et l’opposition centrafricaine Demafouth recevant ainsi une formation à Benghazi.
En 1984, Demafouth et Mbaïkoua rentrent en RCA où ils montent une rébellion appelée « commando Mbakara » concluant une alliance avec les groupes de rebelles tchadiens « Codos » situés au sud du Tchad. En Novembre 1984, le commando Mbakara et les rebelles Codos attaquent Markounda. En Février 1985, ces hommes accaparent 41 millions de FCFA encaissés par l’antenne de SOCADA (Société centrafricaine de développement agricole) à Paoua. En Avril 1985, une opération de ratissage menée conjointement par les FACA du colonel Guillaume Djengbot et les Forces armées nationales du Tchad (FANT) du Comchef Idriss Deby. De nombreux villages autour de Paoua seront pillés et brulés par les FACA et les habitants de ces villages lorsqu’ils n’ont pas le temps de se réfugier dans la brousse, sont tués ou battus et/ou emprisonnés. Demafouth déclarera vaguement « en 1984, au cours d’un accrochage avec l’armée centrafricaine, le général Mbaïkoua fut tué. » Alphonse Mbaïkoua a-t-il été tué au cours d’un accrochage avec l’armée centrafricaine ou bien lors du partage du butin de la SOCADA victime de la vénalité de son adjoint l’adjudant Bobet et/ou de celle de Demafouth ? Bien des années plus tard, lorsqu’une mission fut menée en 1999 pour récupérer le corps du général Mbaïkoua pour lui rendre les honneurs et le rétablir dans ses droits à titre posthume, Demafouth indiqua précisément le lieu où se trouvait les restes de sa dépouille au Tchad…
Demafouth quitte alors le front partant au Cameroun puis rejoint Bozizé en Algérie, puis en Lybie. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 qu’il gagne la France où il reçoit comme réfugié des conseils de l’association Cimade avant lui-même de faire de « l’assistance juridique » pour le compte de cette association française d’aide aux migrants. Il aide ainsi au montage de dossiers de demande d’asile et de carte de séjour aux ressortissants étrangers en France. A partir de cette expérience, il se présente comme « conseiller juridique » sans pour avoir quelconque diplôme, puis profitant des réformes Badinter de 1990-93 dispensant les détenteurs de certains diplômes universitaires d’enseignement supérieur exerçant professionnellement le métier de juriste du passage de l’examen du barreau, il n’hésite pas à se présenter au fil du temps comme avocat faisant de ce titre autoproclamé sa profession principale ! Demafouth est par ailleurs co-fondateur d’une Association France-Centrafrique, installée rue du Faubourg St Antoine à Paris.
Demafouth œuvre jusqu’à ce que Patassé obtienne un visa pour venir se soigner puis obtienne l’asile politique en France où il peut résider à Paris à la fin de l’année 1991. Demafouth suit Patassé qui fait son retour à Bangui le15 octobre 1992, où il est accueilli triomphalement après plus de dix ans d’exil pour participer aux élections législatives et présidentielles. Au début de l’année 1993, alors que Demafouth est en couple avec la sœur de l’homme d’affaires Robert Ngoki (un ancien baron du régime de l’ancien président André Kolingba qui soutient la campagne de Patassé) ceux-ci sont contactés par des Israéliens qui veulent récupérer les mines de diamants du général Shmuel Gonen, décédé brusquement à Milan le 30 septembre 1991.
À suivre …
Par : Emmanuel LIMBASSA