Bangui, République centrafricaine, dimanche, 21 mars 2021 ( Corbeaunews-Centrafrique). Après les propos outrageant envers les femmes centrafricaines tenus par Monsieur Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du chef de l’État Faustin Archange TOUADERA, des réactions se multiplient tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. Après la coalition de l’opposition démocratique et quelques personnalités indépendantes, vient le tour de Michel Amine, Président du parti UNDP de rappeler à l’ordre le ministre Fidèle Gouandjika.
Ci-dessous, l’intégralité de la lettre adressée au ministre….
Monsieur le Ministre,
En vous adressant ce courrier, il m’est venu à l’esprit une anecdote que j’ai entendue quelque part. Deux fous se discutaient au bord de la route sur l’existence ou non de Dieu. Comme ils n’arrivaient pas à se départager, passe un autre fou et de commun accord, ils décidèrent de s’en remettre à lui pour avoir la réponse. À la question « Est-ce que Dieu existe ? », le fou qui s’en allait leur dit : « Sortez mon nom de vos histoires ! »
Je me suis permis cette petite introduction pour vous rappeler, sans prétention aucune, que toute vérité est relative et qu’en fin de compte, s’exprimer requiert de la finesse, de l’intelligence, et surtout de la grandeur. Surtout quand la personne qui s’adresse à un public disséminé à travers le monde et que la magie du clic, à travers l’internet et en particulier les réseaux sociaux, rapproche de façon inimaginable il y a encore quelques années.
Permettez moi de saisir l’occasion qu’une de vos récentes sorties sur les réseaux sociaux m’inspire pour vous saluer respectueusement et demander des nouvelles de la vie d’épicurien que vous menez. En vrai connaisseur des bonnes choses que vous exposez de manière intempestive au regard médusé, et parfois agacé du monde virtuel mais tout aussi réel et attentif à vos propos, vous nous devez sans doute une explication de texte sur l’opportunité de vos « lives » et sur la pertinence des messages (ou plutôt des invectives) dont vous gratifiez votre public.
De par vos fonctions qui vous placent dans le cercle de confiance immédiat du Président de la République, vous n’êtes pas n’importe qui et, par conséquent, vous ne devez pas vous conduire ou vous exprimer n’importe comment. Choisi parmi des milliers de Centrafricains tout aussi méritants, vous devez incarner au plus haut point l’image d’une République debout, bien éloignée des petites querelles et constamment au travail pour le bonheur du Peuple Centrafricain dont vous êtes, avant tout, le serviteur. Votre unique préoccupation doit donc consister à assister, à éduquer et à rassurer ce peuple auquel vous devez tout et dont un décret présidentiel vous a octroyé l’impérieux devoir de trouver des solutions à ses besoins essentiels. Pas les vôtres uniquement.
Certes, Monsieur le Ministre, vous n’avez pas tout à fait tort d’utiliser les canaux appropriés des réseaux sociaux pour parler à vos concitoyens mais sachez que dès que le contenu de vos messages sont diffusés sur la toile, il devient viral et tout le monde s’en approprie. Est-ce la finalité recherchée par vos messages crus et dépourvus de toute précaution langagière ? Alors qu’une fois distillés sur la toile, ils vont bien au delà de la Centrafrique ou du continent africain, le village planétaire dans lequel nous sommes transcendant toutes les frontières.
Partout dans le monde, il est vrai, les grandes personnalités politiques, artistiques ou des grands domaines de la science ou des affaires ont des espaces publics sur les réseaux sociaux (twitter, facebook, instagram, whatsapp, signal, etc). La communication est un outil très important, indispensable dans le monde d’aujourd’hui, mais pourvu que l’utilisateur, à titre privé ou professionnel, sache en tirer le meilleur profit. La presse, connue comme le 4è pouvoir, peut faire et défaire des carrières, des situations, voire des vies. Il convient de s’en servir donc avec toute la prudence et la retenue requises.
Inutile donc de vous rappeler, Monsieur le ministre, qu’à travers vos vidéos dont vous inondez régulièrement les réseaux sociaux, c’est l’image même de votre pays, la Centrafrique, qui est écornée, et la crédibilité de nos institutions gravement entachée. Se croire obligé de répondre à toutes formes d’interpellations d’internautes irresponsables ou courageusement anonymes n’est vraiment pas la meilleure posture. En politique, il est recommandé de parler peu et de poser des actes qui vont se charger d’apporter les réponses utiles.
Certains propos tenus par rapport à des évènements, dont on ne connaît pas les réels tenants et aboutissants, peuvent mettre de l’huile sur le feu, compromettre une situation donnée, ou encore créer un incident diplomatique regrettable. En votre qualité de Ministre conseiller spécial du président de la République, vous avez une lourde responsabilité sur vos épaules. Il ne faut jamais agir dans la précipitation. D’où notre invite à la mesure et à la retenue car certaines réactions notées sur les réseaux sociaux jettent le discrédit et la honte sur l’ensemble du Peuple centrafricain. Les hommes politiques, que nous sommes, ont l’habitude d’être copieusement insultés ou lynchés sur les réseaux sociaux. Pour autant, nous devons garder à l’esprit que la meilleure attitude est de se consacrer corps et âme à la mission qui nous est confiée. Dans l’absolu, les régimes et les fonctions occupées passent. Seuls restent les écrits, les paroles prononcées et les faits.
Dans vos sorties, il vous arrive souvent, Monsieur le ministre, de montrer à la face du monde la « belle vie » que vous menez, votre façon de croquer la vie à belles dents, votre alimentation haut de gamme, en somme un coin de votre jardin secret. Il faut savoir raison garder. Mieux vaut vous concentrer au travail colossal qui vous attend au lieu de disperser vos précieux efforts sur les réseaux sociaux. Aux États-Unis, le président sortant Donald Trump pouvait se permettre ce genre de « dérapages » sans frais pour un pays où les institutions sont fortes et le « way of life » américain complètement différent de nos réalités africaines. Ces types de comportements sont à bannir. Il faut prendre conscience de la misère et de la souffrance d’une bonne partie du Peuple centrafricain et leur épargner cet exhibitionnisme inutile et inopportun. À quoi bon montrer ses performances gastronomiques en les diffusant sans gêne aucune sur les réseaux sociaux ? Autant vous concentrer sur le travail attendu de vous pour l’intérêt national. D’ailleurs, existe-t-il, quelque part en Afrique, un ministre qui s’illustre de telle manière ? Je ne le pense pas.
Un homme d’État ne doit pas être un homme de « détails ». Il doit être réservé et avoir constamment à l’esprit que l’image qu’il véhicule renvoie à celle de l’Autorité qui l’a nommé. Comment oser dire, dans des termes châtiés, que « les Russes peuvent, s’ils le désirent, (mon éducation ne me permet pas de reprendre le mot utilisé en entier, je vous laisse compléter)
b….. les femmes Centrafricaines. Quel est l’intérêt d’une telle affirmation ?
Comment ramener la femme à une telle extrémité et à quelles fins ? Les femmes nous sont chères ; elles sont nos sœurs, nos mamans et nous ne laisserons jamais quelqu’un entacher leur dignité et leur respectabilité. Plus qu’une atteinte à la pudeur, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un appel inadmissible au viol et au manque de considération à l’égard des femmes.
En effet, pour avoir vécu dans leur chair les atrocités et l’horreur de guerres qui, à intervalles réguliers, ont semé des drames dans nos villes et campagnes, les femmes méritent plus d’égard et non ce coup de poignard dans le lourd silence de leur intimité violée. Qui ne souvient des longues files de familles entières livrées à elles-mêmes et prenant le chemin d’un exil vers l’inconnu ? Que de souffrances et des scènes inqualifiables ces femmes et jeunes filles innocentes ont endurées pour fuir l’ennemi et le mâle dominateur, rustre et pressés de satisfaire leur libido. Non, votre sentence est irresponsable. Pourvu que vous retrouviez la raison afin de regretter ces propos malheureux et de présenter vos excuses à nos vaillantes femmes. Les Centrafricains sont interpelés. Pour ma part, je réitère à toutes les femmes Centrafricaines, et au delà, aux femmes d’Afrique et du monde, le profond respect que nous leur portons et notre engagement constant à les défendre en toutes circonstances.
En terminant cette missive, et en promettant de revenir prochainement, je souhaite que ces mots qui ont valeurs de remise à l’ordre, d’invite à la retenue et de rappel du travail important lié à vos fonctions et qui ne doit souffrir d’aucun retard ou négligence coupables, produisent un électrochoc rédempteur en vous.
En vous conviant à une introspection salutaire, je vous prie de croire, Monsieur le ministre, l’assurance de ma parfaite attention.
Michel AMINE
Président – Fondateur de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP)