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« L’heure est grave. La Centrafrique se meurt » : dixit le Collège des évêques de Centrafrique

Les évêques de Centrafrique à la cathedrale de Bangui
Les évêques de Centrafrique à la cathédrale de Bangui. Photo: Fred Krock / CNC

« L’heure est grave. La Centrafrique se meurt » : dixit le Collège des évêques de Centrafrique

Bangui (Corbeau News Centrafrique): 12-01-2015.  Les Évêques de Centrafrique s’inquiètent de la situation actuelle en République centrafricaine. Dans une déclaration rendue publique ce dimanche 11 janvier 2015, signée de Mgr Dieudonné Nzapalainga Archevêque de Bangui et Président de la Conférence épiscopale centrafricaine (CECA), Mgr Désiré Nestor Nongo Aziagbi, Evêque de Bossangoa et Vice-président de la CECA, Mgr Perin Guerrino de Mbaïki, Mgr Cyr Nestor Yapaupa d’Alindao, Mgr Edouard Mathos de Bambari, Mgr Dennis Kofi Agbenyadzi de Berberati, Mgr Juan Jose Aguirre de Bangassou, Mgr Albert Vanbuel de Kaga Bandoro, Mgr Armando Guiani de Bouar, Mgr Thaddé Kusy Evêque coadjuteur de Kaga Bandoro, le collège des évêques de la CECA a lancé un appel au ressaisissement de tous les centrafricains pour la paix en Centrafrique.

Entre temps, en juin dernier, ils se sont réunis en Assemblée plénière, occasion pendant laquelle ils ont passé en peigne fin la crise centrafricaine. Selon le constat qui s’était dégagé à l’issue de ces assises et résumé ce dimanche 11 janvier par le Père Joseph Tanga Koti, Secrétaire général de la CECA « du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, le constat est celui d’une catastrophe jamais connue sur notre territoire. La réalité était celle d’un Etat effondré où l’on pouvait entendre les pleurs et des hurlements de douleurs. De nombreuses familles musulmanes et chrétiennes firent l’expérience de la Croix à l’exemple du Christ (cf. Marc 15, 16-17). Dépouillées et humiliées, beaucoup durent prendre la fuite, comme la sainte Famille de Nazareth vers l’Egypte, à la recherche d’une certaine sécurité dans la brousse, sur les sites des déplacés internes (communément appelés ledger) ou des camps de réfugiés à l’étranger (cf. Mathieu 2, 13-18. » Véritable lecture critique de la situation dans le pays, ce constat retrace bien les circonstances endurées par le peuple centrafricain deux ans durant.

Malgré tout, le peuple a fait preuve d’une forte capacité de résilience jusqu’à que ce que la situation se régule d’elle-même. Les évêques ont relevé cependant avec satisfaction une certaine amélioration dans l’ensemble. De manière particulière, « les conditions sécuritaires et humanitaires ne sont pas les mêmes sur l’étendue du territoire centrafricain. Dans certaines villes, la sécurité revient progressivement le redéploiement partiel des policiers, des gendarmes et des magistrats est un soulagement pour la population. » peut-on lire dans la déclaration. Sur le plan de la cohésion sociale, les évêques ont noté que « les communautés musulmanes et chrétiennes commencent à se parler. Elles se rencontrent de plus en plus, recherchant ardemment ensemble la paix. Les yeux se dessillent et chacun se rend compte de ses égarements. » Evidemment, cette prise de conscience, quand bien même tardive, n’a pas tardé à donner ses fruits : beaucoup de déplacés internes et des réfugiés centrafricains sont rentrés chez eux. Les larmes d’amour versées souvent à l’occasion des rencontres intercommunautaires témoignent bien de cette volonté à aller vers la réconciliation sincère entre musulmans et chrétiens. Aussi, la reprise quand même timide, de l’administration est à coter dans cet ensemble d’amélioration constatée par les évêques.

Par ailleurs, cette amélioration est encore prématurée du fait de la persistance de ce que les évêques ont convenu d’appeler « des forces maléfiques ». Il s’agit notamment de la haine persistante qui « engendre la division qui induit le repli communautaire que nous observons dans certaines de nos localités. A Bangui comme Bambari, Bakala, Kouango, Boda, Alindao, Kaga Bandoro, Batangafo, Kabo, Mbrés, Ndélé, Zémio, etc. des clivages restent forts. » selon le document. De même, il y a la persistance du non-respect de la vie et de l’influence négative des groupes armés non conventionnels. Enfin, le Collège des évêques a déploré le « syncrétisme » qui continue de ruiner la foi des croyants, car disent-ils « on obtient du prêtre la bénédiction du sel, de l’eau et de l’huile, et du féticheur des décoctions et autres maléfices. Ce syncrétisme obscurcit la vraie foi. Il nous éloigne du vrai Dieu, de Jésus Christ et du chemin de la vie. »

Les évêques de Centrafrique'
Les évêques de Centrafrique. Bangui. Photo: Fred Krock pour CNC

Fort de ce constat mitigé, les évêques ont lancé un appel au ressaisissement de tous les centrafricains pour la paix en Centrafrique. Cinq groupes d’acteurs impliqués dans la crise centrafricaine ont été ainsi ciblés à qui la CECA a envoyé un message particulier : Au jeunes, « loin de vous lasser voler votre jeunesse, nous vous exhortons à rester maîtres de votre destin. Certes, les défis auxquels vous faites face sont énormes : manque de formation adéquate, chômage, précarité. » ont-ils relevé avant quelques interrogations en direction des jeunes centrafricains : « Est-ce une fatalité ? Faut-il sombrer dans le désespoir ? Grande est la tentation de joindre les groupes armés qui promettent un bonheur instantané par le changement spectaculaire de vos conditions de vie. Jusqu’à quand allez-vous laisser manipuler par des seigneurs de guerre et des hommes politiques véreux et peu scrupuleux ? » En effet, il s’agit d’interpeler la jeunesse à l’éveil, afin de s’organiser pour leur autopromotion par le travail mérité en respectant les vertus de la paix et de l’humanité.

Cet appel va tout de même à l’endroit des parents qui, certes, sont confrontés aujourd’hui aux difficultés de moyens pour « nourrir, vêtir, soigner, loger et éduquer leurs enfants », bref des difficultés pour assurer leurs responsabilités de parents, les évêques leur demandent d’avoir « toujours à cœur d’inculquer à vos enfants les valeurs essentielles de paix, d’amour et du respect de l’autre. C’est par le témoignage et l’exemplarité de votre vie que vous redeviendrez de saintes familles chrétiennes et des églises domestiques qui prient, dialoguent, se pardonnent et enseignent les valeurs civiques et citoyennes. »

Quant aux combattants des groupes armés, le Collège des évêques leur a rappelé l’Accord de cessation des hostilités qu’ils ont eux-mêmes signés le 23 juillet 2014 à Brazzaville au Congo. Alors que « le vrai Dieu en qui nous croyons dit : ‘’tu ne tueras pas’’ (Deutéronome 5, 17), ‘’tu aimeras ton prochain comme toi-même’’ (Lévitique 19, 18) […] Nous vous prions de déposer les armes. » ont-il indiqué.

Les leaders politiques sont également interpelés, notamment ceux qui aspirent à la magistrature suprême de l’Etat ou à d’autres fonctions publiques, « à dépasser leurs intérêts personnels et partisans, à promouvoir l’unité et le rassemblement autour des valeurs républicaines. L’heure est grave. La Centrafrique se meurt. A quoi sert toujours de recourir à des forces obscures en vue d’imposer ses idées et d’accéder au pouvoir ? » ont interrogé les évêques.

Enfin, quant à la communauté internationale, les évêques ont salué les efforts mobilisés tous azimuts en faveur du peuple centrafricain, mais leur demandent surtout en matière de sécurité, à faire appliquer les différentes résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu, afin de désarmer systématiquement les groupes armés non conventionnels et d’assurer la sécurité des civils.

Pour finir, les évêques ont formulé le vœu de voir le Forum de Bangui commencer à la base. Ils ont également exprimé le vœu de voir les futures élections en Centrafrique se tenir dans l’apaisement et la transparence.

CNC / Bangui / Fred Krock.

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