Dans toutes les sociétés civilisées à travers le monde, les textes de loi et les accords ratifiés par la République sont imposables à tous ceux qui se réclament citoyens. Ces textes de loi ont traditionnellement un caractère général, contraignant, coercitif et tout contrevenant s’expose à des sanctions préétablies.
La République centrafricaine a la particularité d’être « l’exception qui confirme la règle » car tout ce qui est anormal ailleurs s’impose comme la règle.
C’est dans cette optique qu’après la signature des accords de Khartoum, un chef de guerre récalcitrant signataire de ce fameux accord et caractérisé par des agitations belliqueuses décide unilatéralement d’étendre son hégémonie à « l’extrême est » de la Centrafrique.
Il saisit officiellement les autorités établies et la mission de l’ONU par un communiqué dans lequel il affirme que le but de cette énième opération d’occupation territoriale se résume à la vulgarisation de l’accord de Khartoum et de préparer le redéploiement des Unités Spéciales Mixtes de Sécurité (USMS). Ce énième défi aux autorités établies s’assimile à une humiliation d’un peuple meurtri voire une provocation pour jauger la capacité de réaction du pouvoir ainsi que de la communauté internationale.
Suivant la logique de ce qui précède, il urge de rappeler que l’accord de paix de Khartoum signé à Bangui le 6 février 2019 interdit tout mouvement des groupes armés en dehors de leur position initiale. Chaque groupe armé devrait garder sa position et arrêter des exactions sur la population en attendant l’effectivité opérationnelle du processus de désarmement.
Face au laxisme chronique et à l’immobilisme incomparable du pouvoir qui réduit sa réaction à un simple communiqué laconique de condamnation, le citoyen lambda s’interroge :
Quel est le seuil de tolérance du gouvernement pour booster son dernier orgueil à imposer son autorité aux groupes armés ? A quand la reconquête totale et définitive de l’ensemble territoire national ? Quels sont les véritables objectifs de cette mesquine manœuvre militaire ? Ce chef rebelle a t-il un agenda caché justifiant ses velléités de « va t-en guerre » ? L’extension de son impérialisme dans le haut-mbomou a t-elle un lien avec les prochaines échéances électorales ? Au delà des innombrables violations impunies de l’accord, le controversé émissaire de l’Union Africaine et garant des accords de paix de Khartoum appliquera t-il les sanctions prévues à l’article 35 du traité de paix contre ce groupe armé ? Ces occupations illégales de terrain confirme t-elle le « deal » du pouvoir avec les groupes armés en vue de favoriser sa future réélection ?
C’est peut-être dans cette logique que le pouvoir s’entête à organiser les élections dans le délai constitutionnel même si les conditions de crédibilité ne sont pas réunies ? Que représente ce groupe armé au sein du pouvoir pour prétendre vulgariser l’accord de paix et préparer le terrain à l’opérationnalisation des USMS ?
L’autre incompréhension juridique nous vient de la ville balnéaire de Sotchi en Russie. Il faut rappeler que nul n’est sensé ignorer le fonctionnement du système de l’ONU. A titre de rappel, notre chère nation était sous embargo total sur les armes depuis 2013. Après une légitime plaidoirie présentée par la France au conseil de sécurité de l’ONU, le comité de sanctions a accordé un assouplissement de l’embargo autorisant la livraison des armes de petites calibres par la Russie. Unanimement, l’opinion nationale a apprécié l’offensive diplomatique du président de la république mais surpris par la demande de livraison des armes lourdes en dehors du cadre du conseil de sécurité de l’ONU. Ainsi, certaines interrogations s’imposent :
Nos autorités ont-elles décidé de s’approvisionner en armes lourdes en dehors de la levée totale de l’embargo imposé par le conseil de sécurité de l’ONU ?
Les observateurs avertis de la vie politique centrafricaine se sont interrogés sur l’avenir de l’accord de paix de Khartoum. L’élu de la nation centrafricaine ne privilégie plus le dialogue religieusement prôné ? Projette t-il de violer lui-même l’accord de paix en engageant une éventuelle guerre contre les groupes armés ? La problématique demeure ambiguë…
mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 25 octobre 2019.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.