Les soldats FACA basés à Paoua : 18 mois sans PGA
Les militaires du 8e bataillon d’infanterie territoriale basé à Paoua, dans la préfecture de Lim-Pendé, au nord-ouest de la République centrafricaine, n’ont pas reçu leur prime globale d’alimentation (PGA) depuis un an et demi. Cette situation alarmante dévoile aux yeux du monde une crise profonde au sein des Forces armées centrafricaines (FACA).
Bangui, 04 septembre 2024.
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.
Les soldats FACA basés à Paoua : un système de racket officieux.
Pour compenser le non-paiement de la PGA, normalement fixée à 45 000 francs CFA par mois, l’état-major et le gouvernement ont mis discrètement en place une stratégie controversée. Les soldats sont tacitement autorisés à réinstaller des barrages routiers illégaux pour extorquer de l’argent à la population. Cette pratique, en totale contradiction avec les devoirs de l’armée, souligne de graves questions éthiques et sécuritaires.
Le président Baba Kongoboro avait pourtant signé il y’a plus d’un an un décret établissant une liste officielle des barrières routières autorisées. Toutes les autres devaient être démantelées. Le Premier ministre et certains ministres, dont celui des Transports, avaient même entamé des opérations de démantèlement début 2023. Le comité de lutte contre la corruption mis en place par le premier ministre s’était également attaqué aux barrages illégaux sur les principaux axes routiers, comme le corridor Bangui-Béloko, et Bangui – Damara, puis Damara – Sibut.
Mais ces efforts se sont révélés vains. Quelques jours après leur démantèlement, les barrages illégaux étaient de retour, tenus par les mêmes soldats. Cette situation ubuesque démontre l’incapacité ou le manque de volonté du gouvernement à faire respecter ses propres décisions.
La population prise en otage.
Les citoyens centrafricains sont les premières victimes de ce système. Contraints de payer des “taxes” illégales à chaque barrage, ils voient leur liberté de circulation entravée et leur pouvoir d’achat rogné. Les plaintes répétées de la population restent lettre morte, tandis que le racket se poursuit au vu et au su de tous.
Cette situation aggrave la méfiance entre l’armée et les civils, préjudiciable à la sécurité nationale que les FACA sont censées garantir. Au lieu de protéger la population, certains soldats sont devenus une source d’oppression et de violence.
Un malaise croissant dans l’armée.
Le non-paiement des primes des soldats ne se limite pas à Paoua, ni à Bozoum ou encore à Bouar. À Bakouma, dans l’est du pays, les militaires ont récemment manifesté leur colère en barricadant les accès à la ville. À Birao, au nord-est, des tirs de sommation nocturnes ont résonné en guise de protestation.
Ces incidents témoignent d’un profond malaise au sein des FACA. Le système de racket mis en place ne fonctionne pas de manière uniforme sur le territoire. Si les soldats du nord-ouest, du nord et du sud-ouest parviennent à tirer quelques revenus des barrages, leurs homologues du nord-est et du sud-est se retrouvent dans une situation plus précaire.
Un échec gouvernemental.
L’incapacité du gouvernement à payer régulièrement les primes de ses soldats souligne à double titre une gestion désastreuse des finances publiques. Cette défaillance fragilise non seulement le moral des troupes, mais aussi la stabilité du pays tout entier.
En autorisant tacitement le racket, les autorités compromettent l’intégrité de l’armée et sapent l’état de droit. Cette approche à court terme risque d’avoir des conséquences désastreuses sur le long terme, tant pour la cohésion nationale que pour l’image internationale de la République centrafricaine.
Urgence d’une réforme s’impose pour les soldats FACA basés à Paoua.
La situation actuelle exige une réaction immédiate et des réformes profondes. Le gouvernement doit :
- Reprendre immédiatement le paiement régulier des primes aux militaires.
- Mettre fin au système de racket et démanteler définitivement les barrages illégaux.
- Sanctionner les responsables de ces pratiques illégales, quel que soit leur rang.
- Restaurer la confiance entre l’armée et la population par des actions concrètes.
- Améliorer la transparence dans la gestion des fonds alloués à la défense.
Sans ces mesures urgentes, le risque de voir la situation dégénérer en mutineries ou en soulèvements populaires ne fera que croître. La stabilité précaire de la République centrafricaine, déjà mise à mal par des années de conflit, ne peut se permettre une telle dérive de son armée nationale.
L’heure n’est plus aux demi-mesures ou aux solutions de fortune. Le président Touadera et son gouvernement doivent prendre leurs responsabilités pour restaurer l’intégrité des FACA et garantir la sécurité des citoyens. L’avenir du pays en dépend.
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