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Les Nations unies en Centrafrique: reconstruire un pays

La Presse  /  Corbeau news

les casques bleus en Côte d'Ivoire

Les Nations unies ont officiellement pris en charge cette semaine le maintien de la paix en Centrafrique, déchirée par des violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts depuis près de deux ans. La Presse en a discuté avec Jocelyn Coulon, directeur du Réseau de recherche sur les opérations de paix, affilié à l’Université de Montréal.

«Tout est à refaire en Centrafrique… from scratch», résume Jocelyn Coulon. Le pays est effectivement ruiné par plusieurs décennies de crises successives. La dernière en date a donné son lot d’images tragiques, depuis le début de 2013: des scènes de pillages, des dizaines de milliers de personnes réfugiées à l’aéroport de la capitale, Bangui, et des lynchages populaires.

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), entrée en scène lundi, devra maintenir la paix et ainsi instaurer des conditions propices à la reconstruction du pays.

Or, pour réussir, il est «impérieux» que les effectifs soient déployés dans tout le pays, estime Jocelyn Coulon. «L’échec des 11 dernières opérations de paix depuis 1997 repose sur cette incapacité de contrôler le territoire en dehors de la capitale. On envoyait quelques centaines d’hommes pour protéger Bangui et le gouvernement, ils ne sortaient pas de la ville et les mouvements rebelles se reformaient. On assistait au cycle éternel du coup d’État, du rebelle qui prend le pouvoir et après deux ans, ça s’effondrait. Cette fois, il y a un plan détaillé, une force robuste et un budget approprié.»

Forte pour l’instant de 7600 hommes, pour la plupart issus de la mission de paix de l’Union africaine qui l’a précédée, la MINUSCA comptera bientôt des effectifs de 10 000 soldats et 1800 policiers pour remplir son mandat, avec un budget pour sa première année de 278 millions de dollars. Elle peut aussi compter sur l’appui de la mission française Sangaris ainsi que sur la force européenne Eufor-RCA, qui doit sécuriser Bangui.

Ensemble, ils devront maintenir la paix sur un territoire grand comme la France, peuplé de cinq millions d’habitants, classé 185e sur 187 pays au classement de l’indice de développement humain.

Un large mandat

Littéralement au centre de l’Afrique, la Centrafrique est enclavée entre le Cameroun, le Tchad, les deux Soudan et les deux Congo. Elle est depuis plus de 20 ans «secouée par les coups d’État, les rébellions, les violations de son territoire par ses voisins, le pillage de ses ressources et la destruction de ses maigres infrastructures», explique Jocelyn Coulon.

Le mandat confié à la MINUSCA est large: protection des civils, appui à la transition politique, extension de l’autorité de l’État, maintien de l’intégrité territoriale, facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire et démobilisation des éléments armés. «Je prévois que la MINUSCA sera en Centrafrique pour 10 ou 20 ans», prévient Jocelyn Coulon.

La MINUSCA entraîne dans son sillage une panoplie d’autres institutions internationales, qui pourront travailler dans un cadre plus sécuritaire. «C’est toute la puissance de l’ONU qui est au service de la mission», dit Jocelyn Coulon.

Il cite l’exemple de la Banque mondiale, qui «viendra appuyer le mandat de construction économique», ou l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’Agriculture, qui «va financer des programmes pour alimenter la population, s’assurer que l’agriculture puisse reprendre dans le pays».

À ceux qui doutent de l’efficacité des missions de paix de l’ONU, Jocelyn Coulon répond par une question: «S’il n’y avait pas de mission au Congo depuis 1999, où serait le Congo?» Selon lui, la MONUSCO «a apporté une certaine stabilité» dans ce pays grand comme un continent, lui aussi en déliquescence.

Jean-Thomas Léveillé

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