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Les dessous troubles du procès Ngaissona à la CPI, éclairage sur les  Témoignages des anciens rebelles centrafricains

Les dessous troubles du procès Ngaissona à la CPI, éclairage sur les  Témoignages des anciens rebelles centrafricains

 

M. Ngaïssona lors de sa première comparution devant la CPI le 25 janvier 2019 ©ICC-CPI
M. Ngaïssona lors de sa première comparution devant la CPI le 25 janvier 2019 ©ICC-CPI

 

Les réseaux sociaux centrafricains bouillonnent depuis plus d’une semaine. Deux vidéos d’Édouard Ngaissona, accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale (CPI), circulent massivement, particulièrement sur WhatsApp.

 

Dans ces enregistrements, Ngaissona parle de deux figures bien connues en Centrafrique : Joachim Kokaté et Jean-Jacques Démafouth. Ces hommes, qui auraient pu se retrouver sur le banc des accusés, sont aujourd’hui des témoins à la CPI. Ce revirement laisse les Centrafricains perplexes.

 

Joachim Kokaté, ancien capitaine de l’armée nationale, a un passé tumultueux. Il a participé aux mutineries et à la tentative de coup d’État contre le président Ange-Félix Patassé en 2001. Son parcours criminel depuis le quartier Ouango dans le septième arrondissement et Pétévo dans le sixième n’est un secret pour personne en Centrafrique. Après avoir fui au Congo-Brazzaville puis en France via le papier d’un compatriote, il est devenu un membre influent de la milice anti-balaka. Pourtant, au lieu d’être jugé, il témoigne aujourd’hui à la CPI.

 

Jean-Jacques Démafouth, ancien chef rebelle de l’APRD, traîne derrière lui une réputation entachée de nombreux meurtres. Son parcours politique est tout aussi controversé : ministre sous Patassé, il est ensuite devenu chef rebelle dans l’Ouham-Pendé. Pendant la transition de Catherine Samba-Panza, il s’est fait remarquer par ses manœuvres politiques douteuses. Sa moralité est largement remise en question par ses compatriotes.

 

La décision de la CPI d’entendre ces deux hommes comme témoins plutôt que comme accusés fait grincer des dents. De nombreux Centrafricains s’interrogent sur la pertinence d’accorder du crédit à des personnes au passé si trouble. Cette situation ébranle la confiance déjà fragile dans le processus judiciaire international.

 

Dans sa déclaration, Édouard Ngaissona n’y va pas de main morte. Il décrit Kokaté comme un homme qui “vit de rébellion en rébellion” et cherche constamment à tirer un profit personnel des situations. Quant à Démafouth, il le qualifie sans ambages de “monsieur très dangereux, capable de tout pour atteindre ses fins”.

 

Ces révélations ravivent le débat sur la crédibilité des témoins à la CPI et l’efficacité de la justice internationale en Centrafrique. De plus en plus de voix s’élèvent pour exiger plus de transparence et d’équité dans le traitement des crimes commis dans le pays.

 

Le cas de Kokaté est particulièrement emblématique. Ngaissona raconte comment, en 2017, Kokaté est venu le voir dans son bureau à la Fédération Centrafricaine de football. Il lui a avoué avoir accepté de ternir la réputation d’un opposant politique du régime de Touadera, en l’occurrence le président de l’URCA, Anicet Georges Dologuelé. Kokaté aurait même fait écouter à Ngaissona un enregistrement secret de sa conversation avec Dologuélé. Quand Ngaissona lui a demandé ce qu’il espérait gagner, Kokaté aurait répondu qu’il allait remettre l’enregistrement à un certain Sani Alou en échange d’une récompense.

 

Concernant Démafouth, Ngaissona le dépeint comme un homme aux multiples visages. Il le décrit comme un conseiller à la présidence auprès de Djotodia pendant la période Séléka, tout en prétendant travailler pour la paix. Ngaissona l’accuse d’avoir trompé Catherine Samba-Panza, qui ne voulait initialement rien savoir des résistants anti-balaka. Démafouth aurait également torpillé les efforts de paix en manipulant les différentes factions.

 

Ngaissona va plus loin en accusant Démafouth d’avoir utilisé un groupe de rebelles de l’APRD pour détourner l’argent du programme de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) sous la présidence de Bozizé et pendant la transition. Ces éléments, dirigés par un certain LarmaSoum, auraient commis des viols, des crimes et des pillages à Bangui.

 

Ces révélations, non connues par les juges de la CPI, mais bien connues des centrafricains, particulièrement des journalistes,  jettent une lumière crue sur les coulisses du pouvoir en Centrafrique et les jeux d’influence qui s’y déroulent. Elles posent également des questions sur la capacité de la CPI à naviguer dans ces eaux troubles et à rendre une justice équitable.

 

L’affaire ne se limite pas à ces deux hommes. Ngaissona exprime sa stupéfaction face aux accusations portées contre lui, notamment concernant des publications sur Facebook. Il remet en question l’authenticité des preuves présentées, se demandant si les personnes censées être ses “amis” sur le réseau social le sont réellement.

 

Cette affaire complexe met en évidence les défis auxquels fait face la justice internationale dans des contextes de conflit prolongé comme celui de la Centrafrique. Elle souligne la nécessité d’une approche plus nuancée et contextuelle dans l’évaluation des témoignages et des preuves.

 

Pour de nombreux Centrafricains, cette situation renforce le sentiment d’une justice à deux vitesses, où une partie importante des véritables responsables des atrocités échappe aux poursuites tandis que d’autres, la plus petite catégorie,  sont sacrifiés sur l’autel de la politique.

 

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