Bangui (Republique Centrafricaine) 28 oct. 2019 16:30
La République démocratique du Congo a annoncé mardi la signature d’un « accord de développement exclusif » avec deux entreprises chinoise et espagnole pour tenter de financer son projet de méga-barrage hydro-électrique Grand Inga sur le fleuve Congo d’une capacité de 11.000 MW. Pour ce projet de longue date d’un coût estimé à 14 mds de dollars, … Le gouvernement avait simultanément annoncé que le projet serait réalisé par un consortium unique résultant de la fusion des deux groupes précédents et que sa taille (11 000 mégawatts) serait près de trois fois supérieure au projet initial, dans un premier temps soutenu par la Banque mondiale (4 800 MW et d’une valeur de 14 milliards de dollars). Mais patratras : dans un courrier à l’en-tête de la China Three Gorges International Corporation, adressé le 20 septembre au chargé de mission de l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga, Bruno Kapandji, le représentant du Groupement Chine d’Inga 3, Wang Yu, annonce que le consortium chinois et le consortium dirigé par la société espagnole Actividades de Construccion y Servicios (ACS) – appartenant au président du club de foot Real Madrid, Florentino Pérez – n’ont pas pu parvenir à la formation d’un consortium unique à cause de « graves différends » entre eux. Par François Misser Deux consortia ont été invités à deposer une offre commune pour construire le mega-barrage d’Inga 3 sur le fleuve Congo. L’un emmené par les Chinois des Trois Gorges. Et l’autre espagnol, proche du PP au pouvoir. Mais ce dernier ne serait pas au dessus de tout soupçon. Le projet Inga 3, s’enlise. … En deux phases ou une seule? Selon Wang Yu, le consortium ProInga – dont le chef de file est ACS et qui comprend aussi la firme allemande Andritz (fabricant de turbines), l’australienne Project Finance Macquarie, et une autre société espagnole AEE Power – voulait séparer la phase de « coopération exclusive » portant sur la conception du projet et les études de faisabilité d’une part, et de l’autre, la phase de concession à développer en BOT (build, operate, transfer). En revanche, pour les Chinois, le projet doit être développé comme un tout. Un autre différend porte sur la division des parts dans le projet de chaque promoteur. Les Espagnols dans la première phase entendent conserver une participation de 50% dans le consortium et exigent que toutes les questions majeures fassent l’objet d’un consensus entre les deux parties, acceptant que leur investissement dans la phase de construction et de concession soit moindre, ce qui révulse les Chinois. Du coup, Wang Yu invite l’Etat congolais à « réfléchir comment effectuer la prochaine étape ». Bref, le démarrage des travaux, initialement annoncé pour avant la présidentielle de 2016, risque de continuer à être repoussé pendant longtemps d’année en année, comme si le projet avançait à reculons… Inquiétudes d’ONG La révélation de cette impasse émane des auteurs d’un rapport paru ce 28 octobre, intitulé « Inga III : un projet gardé dans l’ombre », provenant du Congo Research Group de l’Université de New York et de l’ONG basée à Bruxelles, Resource Matters, dont l’objectif déclaré est de mieux comprendre et surmonter la pauvreté économique dans les pays riches en ressources naturelles. Outre le fait que le projet prenne du retard, les deux ONG s’inquiètent de la manière dont il et mené. Elles expriment des préoccupations concernant sa transparence, sa gestion et l’information du public, relayant ainsi les craintes d’organisations de la société civile congolaise. Les griefs sont nombreux. Inga III serait trop tourné vers l’extérieur, alors que 80% des Congolais n’ont pas accès à l’électricité, et viserait principalement l’exportation d’énergie vers l’Afrique du Sud, voire vers le Nigeria et l’Angola ultérieurement. Selon le schéma de développement prévu, moins d’un tiers de l’électricité générée serait utilisé au Congo et une grande partie de celle-ci serait absorbée par l’industrie minière. En définitive, préconisent les ONG, le projet devrait être revisité pour s’assurer que la population congolaise en bénéficie. Les principaux promoteurs du projet promettent que les retombées seront principalement d’ordre fiscal. Mais le niveau élevé de corruption dans le pays soulève la méfiance Méfiance Le déficit de gouvernance au sommet de l’Etat est pointé du doigt. Les deux ONG rappellent que le retrait, en 2016, de la Banque mondiale du projet était dû à la volonté du président Joseph Kabila de soustraire Inga III au contrôle du gouvernement pour le placer sous la tutelle exclusive de la Présidence. Cette décision a fortement affaibli la position du Congo et retardé le processus, constatent les ONG, qui invitent le nouveau gouvernement et le président Félix Tshisekedi à se saisir rapidement du dossier et « à faire preuve d’un esprit d’inclusion et de transparence » (sic). Encore un défi à relever, pour le nouveau chef de l’Etat.
Avec Lalibre.be
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