Le HCR abandonne les refugiés centrafricains en Mauritanie , et leur calvaire s’aggrave, même un adolescent centrafricain de 17 ans menotté pendant 10 heures par la police mauritanienne

Rédigé le 10 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Acceptée dans des universités en France, Allemagne, Turquie, Nouvelle-Zélande et Australie, Mariam Mahamat ne peut aller nulle part : le HCR refuse de lui délivrer un document de voyage. À quelques kilomètres de là, le fils de Oscar Dodi, 17 ans et malade, a été menotté pendant 10 heures dans un commissariat de Nouakchott. Deux cas qui confirment le calvaire quotidien des réfugiés centrafricains en Mauritanie, abandonnés par l’institution censée les protéger.
Il est presque 23 heures à Nouakchott quand Mariam Mahamat répond au moins à la sollicitation de la rédaction du CNC depuis Bangui. Elle s’excuse du retard. Elle a attendu que la nuit tombe, que le quartier se calme, pour pouvoir parler sans crainte. Sa voix est basse, presque un murmure. Mais ses mots portent le poids d’une colère trop longtemps contenue.
“Le HCR nous a abandonnés depuis plus de deux ans. Du côté de la santé, du côté de l’éducation, de tout. Nous les réfugiés centrafricains, on souffre ici à Nouakchott depuis 2017. On a subi beaucoup de choses, beaucoup de violences. Le HCR nous a acceptés, il nous a donné la carte, mais à la fin, on est exposés à tous les risques“.
Contactée par téléphone, Mariam Mahamat accepte de livrer son calvaire à CNC. Son témoignage dresse un tableau accablant de la situation des réfugiés centrafricains en Mauritanie. Et surtout, il pointe du doigt l’institution qui devrait les protéger : le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.
Le HCR a coupé toute assistance depuis deux ans
Depuis 2023, le HCR a pratiquement cessé toute forme d’assistance aux réfugiés urbains à Nouakchott. Pas d’aide alimentaire. Pas d’aide au logement. Pas de soutien pour l’éducation. Pas de prise en charge médicale. Les réfugiés se débrouillent seuls pour survivre.
“C’est nous-mêmes qui payons notre loyer. C’est nous-mêmes qui cherchons à manger. C’est nous-mêmes qui devons nous protéger. C’est Dieu qui nous garde ici. On n’a pas de sécurité, on n’a pas de droits”, explique Aminata.
Mais le pire, selon elle, c’est la santé. Le HCR a coupé l’accès des réfugiés aux hôpitaux depuis l’année dernière. Plus de prise en charge médicale. Plus de médicaments. Plus rien. “Si on est malade, on reste à la maison. Si on prend des tisanes, c’est tout ce qu’on peut faire. Certains qui n’ont même pas été soignés sont en train de mourir comme ça. Personne ne dit rien. Le HCR ne voit même pas.”
Cette politique d’abandon a des conséquences grave. Des réfugiés meurent de maladies qui pourraient être soignées. Des enfants ne sont pas vaccinés. Des femmes enceintes accouchent sans assistance médicale. “Il y a des fièvres qui durent depuis des mois. Ça tombe tout sur les réfugiés. On n’a même pas l’accès à l’hôpital”, déplore Mariam Mahamat.
Le cas de Mariam Mahamat : une étudiante licenciée bloquée malgré des opportunités à l’étranger
Mariam Mahamat est arrivée en Mauritanie en 2017. Elle avait fui la guerre en Centrafrique. Elle cherchait la sécurité, la protection. Elle pensait que le HCR serait là pour l’aider à reconstruire sa vie. Elle s’est inscrite à l’université. Elle a étudié malgré les difficultés. L’année dernière, elle a obtenu sa licence.
C’est là que son rêve a pris forme. Continuer ses études à l’étranger. Se donner les moyens de réussir. Elle a postulé en France. Campus France l’a acceptée. Elle a fait toutes les démarches pour le visa. Tout était prêt. Il ne manquait qu’une chose : un document de voyage délivré par le HCR.
“Je suis allée au HCR en octobre dernier pour qu’ils me délivrent ce papier. Ils m’avaient dit que quand j’aurais besoin de ces documents, ils me les donneraient. Mais quand je suis revenue leur demander, ils ont refusé. Ils ont dit que l’État mauritanien a décidé que les gens ne doivent pas voyager, qu’on doit attendre le nouvel ordre”.
Le refus du HCR a brisé net le projet de Mariam Mahamat. Elle ne peut pas aller en France. Elle ne peut pas poursuivre ses études. Elle est coincée à Nouakchott, avec un diplôme qui ne lui sert à rien et des opportunités qu’elle ne peut pas saisir.
Mais ce n’est pas tout. Mariam Mahamat a aussi reçu des offres pour étudier et travailler en Allemagne. En Turquie. En Nouvelle-Zélande. En Australie. Cinq pays différents lui ont ouvert leurs portes. Cinq opportunités de construire un avenir. Mais sans passeport ni document de voyage délivré par le HCR, elle ne peut aller nulle part.
“J’ai des diplômes. J’ai des opportunités à l’étranger. Mais je n’ai pas de passeport. Et le HCR refuse de m’aider. Pour retourner en Centrafrique faire un passeport, je n’ai pas les moyens. Comment je vais faire ? Je me retrouve dans une impasse. Je ne peux pas partir. Je n’ai pas accès à l’université ici pour faire mon master. Je ne continue pas mes études. Je ne trouve pas de travail. Je suis là, comme ça, bloquée“.
Cette politique du HCR est incompréhensible. L’institution censée protéger les réfugiés les empêche maintenant de partir vers des pays qui leur offrent des perspectives. Au lieu de faciliter leur mobilité et leur réinsertion, le HCR les enferme en Mauritanie, où ils n’ont accès ni à la santé, ni à l’éducation, ni à un emploi décent.
“On a fui la guerre en Centrafrique. On cherchait la sécurité, la protection. On pensait que le HCR était là pour nous protéger, pour nous soutenir. Mais à la fin, on est exposés à tous les risques, à toutes les violences. Le HCR ne nous aide pas, il nous emprisonne”, lâche Mariam Mahamat.
Les nouveaux bacheliers privés d’université
Le blocage de Mariam Mahamat n’est pas un cas exceptionnel. Cette année, le gouvernement mauritanien a changé les règles d’inscription dans les universités publiques. Désormais, tous les étudiants doivent s’inscrire en ligne avec une carte d’identité nationale mauritanienne.
Les réfugiés n’ont pas de carte d’identité mauritanienne. Ils ont des cartes de réfugiés délivrées par le HCR. Mais ces cartes ne permettent plus de s’inscrire à l’université publique. Résultat : tous les jeunes Centrafricains qui ont obtenu leur baccalauréat cette année se retrouvent sans possibilité d’étudier.
“Les nouveaux bacheliers n’ont pas eu l’accès pour s’inscrire cette année. Les universités privées coûtent entre 40 000 et 50 000 francs CFA par mois. Nous n’avons pas cet argent. Le HCR ne nous aide pas. Comment on va faire ?”, demande Mariam Mahamat.
Une génération entière de jeunes Centrafricains réfugiés en Mauritanie est ainsi sacrifiée. Ils ne peuvent plus étudier. Ils ne peuvent pas travailler. Ils ne peuvent pas partir. Ils sont coincés, sans avenir, sans perspectives.
Le cas du fils de Oscar Dodi : un adolescent de 17 ans menotté 10 heures…
Pendant que Mariam témoigne de son calvaire administratif, un autre drame se joue à quelques kilomètres de là.
Oscar Dodi, un autre réfugié centrafricain à Nouakchott, a accepté de témoigner sur ce qui est arrivé à son fils.
Le 31 octobre 2025, à 9 heures du matin, son fils de 17 ans a été arrêté par la police mauritanienne devant le commissariat de Cité Plage. Les policiers l’ont menotté. Et pendant plus de dix heures, de 9 heures du matin à 19h30 le soir, l’adolescent est resté les mains attachées dans les locaux du commissariat.
Dix heures. Les mains menottées. Pour un adolescent de 17 ans. Malade. Sous traitement médical.
“L’enfant qui est sous traitement, parce qu’il est malade. Jusqu’à là où je vous parle, l’enfant est traumatisé. Depuis lundi, il refuse d’aller à l’école parce qu’il a eu peur de la police”, explique Bernard Dobi dans son témoignage.
L’adolescent ne va plus à l’école. Il a peur de sortir de chez lui. Il a peur de croiser la police. Il a peur que cela recommence. À 17 ans, il est traumatisé par une violence qu’il n’aurait jamais dû subir.
Ce qui est arrivé au fils de
Oscar Dodi
n’est pas un simple incident. C’est le signe d’une politique qui s’est durcie de manière forte contre les réfugiés en Mauritanie. Et les Centrafricains sont particulièrement visés.
Des réfugiés traqués, arrêtés, abandonnés dans le désert
Le gouvernement mauritanien a lancé une campagne de répression contre les migrants irréguliers. Cette campagne se fait sous la pression de l’Union européenne, qui finance les pays d’Afrique de l’Ouest pour qu’ils empêchent les migrants de traverser vers l’Europe.
Mais cette campagne vise aussi les réfugiés, même ceux qui ont des cartes délivrées par le HCR. Les réfugiés sont arrêtés dans la rue. Ils sont détenus dans des commissariats. Parfois, ils sont expulsés aux frontières.
“Maintenant, le gouvernement mauritanien veut rapatrier tous les étrangers sans papiers. Mais nous, les réfugiés, on a notre statut de réfugié, on a les cartes, on a des droits. Mais ils ne respectent rien”, témoigne Junior Kaba.
Certains réfugiés ont déjà été expulsés vers les frontières. “Certains de nos enfants se retrouvent au niveau des frontières. Ils ne connaissent même pas où ils sont. Ils sont là, dans le désert. Ils n’ont plus de papiers. Ils n’ont rien. Ils ne peuvent ni retourner en Mauritanie, ni rentrer en Centrafrique. Ils sont abandonnés”, explique Kaba.
La semaine dernière, CNC avait déjà dénoncé l’expulsion de plus de 1000 réfugiés et demandeurs d’asile par les autorités mauritaniennes. Parmi eux, au moins 7 Centrafricains. Ces personnes avaient été arrêtées à Nouakchott, leurs cartes de réfugiés avaient été retirées par la police, et elles avaient été abandonnées aux frontières du Mali et du Sénégal sans aucun document.
La Mauritanie, c’est un pays très raciste”
Oumar Ali, un centrafricain résidant en Mauritaniene mâche pas ses mots. “La Mauritanie, c’est un pays très raciste. Il y a beaucoup de violence. Parfois, ils tuent nos gens comme si c’étaient des animaux. On souffre ici. Mais on supporte, comme nous sommes des réfugiés, on doit absolument supporter tout ce qu’on subit”.
Cette résignation est douloureuse à entendre. Ces personnes ont fui la guerre en Centrafrique. Elles cherchaient la sécurité. Elles pensaient trouver la protection en Mauritanie. Mais elles se retrouvent exposées à une autre forme de violence : la discrimination, le rejet, l’humiliation quotidienne.
“On n’a pas de sécurité, on n’a pas de droits. Si on emmène le problème au HCR, ils ne font rien. Ils vont te dire : vous êtes des réfugiés, vous devez rester comme ça. Donc on est vraiment comme des animaux. On n’a rien. On supporte tout”, dit Junior.
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