Le 15 septembre prochain, la Minusca, une force des Nations unies, doit prendre le relais de la Misca, la force africaine actuellement déployée en Centrafrique. A moins d’un mois de l’échéance, où en sont les préparatifs ? Quelles sont les difficultés qui restent à résoudre ? Le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous, expose le calendrier de ce déploiement et se veut rassurant sur les délais de mise en place de cette future force internationale.
RFI : Dans un mois la Minusca, la Mission des Nations unies en Centrafrique, prendra le relais de la force africaine qui est déjà sur place, la Misca. A un mois de cette échéance, où en êtes-vous des préparatifs ?
Hervé Ladsous : Nous avons poussé les feux par tous les moyens. Il y a deux axes de travail. Le premier, c’est, évidemment, de faire passer sous Casques bleus les soldats de la Misca. Il y a encore un sérieux problème de mise au niveau des normes onusiennes pour ces troupes. Donc, nous ne nous arrêterons pas de lancer des appels à différents pays, à différentes organisations pour qu’ils aident ces contingents à être aussi bien équipés que possible. C’est un problème surtout d’équipement. Et puis, en parallèle, nous avons un plafond qui nous a été fixé par le Conseil de sécurité [10 000 soldats et 1 800 policiers pourraient être présents en Centrafrique selon la résolution 2419 de l’ONU, NDLR]. Il nous faut donc trouver plusieurs bataillons complémentaires. Nous en avons trouvé, nous pouvons citer le Maroc, le Bangladesh, le Pakistan. Nous n’arriverons pas d’emblée, le 15 septembre, au plafond, mais les choses seront bien engagées et seront aussi opérationnelles que possible.
Les documents officiels disent que la force sera déployée sur 45 sites en Centrafrique et 24 bases d’opérations. Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela signifie qu’il y aura une présence de la Minusca dans 24 localités du pays ?
C’est l’objectif. Nous aurons, en plus de l’état-major de Bangui, trois états-majors régionaux. Chacun de ces états-majors de région essaimera, dans les principales localités de la région militaire en question, pour créer les conditions d’une sécurisation. Au fur et à mesure que les effectifs croîtront, nous déploierons davantage de compagnies et également des petites équipes civiles, autant que de besoin, pour aider l’Etat centrafricain à exister à nouveau en province.
Nous avons passé un accord avec le gouvernement centrafricain, sur ce que l’on appelle les « mesures temporaires d’urgence ». Cet accord nous permettra, en appui à la police et à la justice centrafricaine qui sont en cours de reconstitution, de déployer des enquêteurs, des procureurs, des magistrats et aussi, il faut bien le dire, de gardiens de prison. Il s’agit vraiment de trouver un remède à ce qui est un moteur de la crise centrafricaine depuis des décennies : le problème de l’impunité.
La mise en place de la force suppose aussi tout un programme important d’achat de matériels en matière de transport terrestre, de communication, d’informatique. Tout ce matériel, a priori, ne sera pas disponible tout de suite. Il va falloir plusieurs mois, c’est bien cela ?
On a déjà fait un gros effort sur le plan des matériels de télécommunication. Nous avons mis en place tout ce qu’il faut pour qu’un réseau dédié fonctionne. Et il fonctionne actuellement. Après, il faudra effectivement compléter tous les moyens de transport terrestre : les camions, les véhicules blindés. Et puis, surtout, les équipements aériens. C’est tout simplement un problème de disponibilité des hélicoptères militaires à travers le monde. Mais je suis confiant dans le fait que la première unité d’hélicoptère militaire sera en place pour le 15 septembre.
Une seule unité d’hélicoptère militaire ?
Une seule unité avec d’autres qui sont en cours d’acheminement, si ça ne se produit pas le 15 septembre, ça se produira dans les semaines qui suivront, mais très vite en tout cas.
Est-ce qu’en matière de transport terrestre, vous faites face au même problème ?
C’est surtout un problème d’acheminement. Cela prend du temps. En puis, arriver à Bangui, c’est bien, mais encore faut-il pouvoir ensuite se déployer ailleurs en province.
Les documents officiels prévoient que le Minusca soit présente sur quatre terrains d’aviation. Est-ce que cela veut dire, très concrètement, qu’il a fallu refaire certaines pistes, les doter en équipement ?
Absolument. Nous avons des équipes du génie, dont l’une des priorités est de remettre en état, d’améliorer ou d’allonger les pistes d’aviation. Vous savez, je suis allé il n’y a pas très longtemps à Kaga-Bandoro. La piste d’aviation permet d’y accueillir des petits appareils, et c’est une piste en latérite : en saison des pluies, ce n’est pas idéal. Là aussi, il faut y travailler. C’est ce que font les unités du génie. Ça, et construire les bases et les camps.
C’est-à-dire que vous avez d’ores et déjà construit des bases et des camps ?
Nous sommes en train de le faire et les trois quartiers généraux de province dont je vous parlais seront opérationnels pour le 15 septembre.
Et pour ce qui est des autres bases ?
Pour les autres bases, on verra en fonction des besoins.
L’un des projets liés au déploiement de la Minusma en Centrafrique avait fait polémique. Il s’agit d’une installation de la Minusca sur le site de l’aéroport de MPoko, tout au bout des pistes, qui obligeait des milliers de déplacés présents à cet endroit d’abandonner le peu qu’ils avaient réussi à reconstruire. Est-ce qu’une solution a pu être trouvée ?
Je crois que la solution elle se trouve petit à petit, par les faits. C’est-à-dire que l’amélioration des conditions de sécurité dans Bangui a fait qu’un certain nombre de déplacés, qui étaient effectivement sur le site de l’aéroport, sont repartis chez eux. Reste que l’aéroport de Bangui n’est pas équipé idéalement pour recevoir beaucoup de gros-porteurs. Cela va être une question d’organisation, de logistique. Mais, encore une fois, certainement pas au détriment de ces personnes déplacées dont le sort, évidemment, reste une préoccupation majeure.
Par: RFI